L’historien part de la bataille de Nancy pour remonter les événements permettant d’expliquer ce moment et la mort du duc de Bourgogne, sous forme de quatorze chapitres.

Dans les deux premiers chapitres, J.-B. Santamaria expose la bataille de Nancy dans les moindres détails, les forces en présence, l’itinéraire de chaque armée et la fin de Charles le Téméraire. Cette fin est une tragédie : loin des morts souhaitées par les Grands, loin du secours de la religion cette mort marque les esprits et le corps est recherché pendant quelques jours car sa confirmation est primordiale pour rabattre les cartes du jeu géopolitique européen. La décapitation de l’élite bourguignonne à la défaite de Nancy a fait vaciller l’édifice construit par les ducs de Bourgogne depuis 1363.

La puissance bourguignonne

Dans les chapitres 3 à 5, l’historien dresse l’ascension de la puissance bourguignonne depuis Philippe le Hardi. Deux chapitres sont consacrés à la figure du jeune Charles au moment de prendre possession de ses terres et de conclure des alliances face à la France. Ce chapitre se clôt sur le caractère, la violence du jeune duc, les rancunes qu’il développe. Réformateur et bureaucrate, il travaille sans relâche mais il lui manque la vision lucide de l’homme d’Etat. Il aimait le risque et loin de faire preuve de tempérance, ce dont ses prédécesseurs avaient fait preuve pendant les décennies précédentes, il surestime ses capacités et ses chances. Il ne devient le « Téméraire » qu’au XIXe siècle, au moment où les Romantiques choisissent de faire de Charles un héros tragique alors qu’il reste le Hardi en Angleterre, en Belgique par exemple.

Dans les chapitres 6 et 7, l’historien nous relate les rivalités entre Louis XI et Charles le Téméraire, les deux formes de pouvoir exercé, qui sont divergentes. Charles, pour acquérir plus d’indépendance, a cherché des alliances diplomatiques  à l’échelle européenne. Il trouva un allié de taille en son beau-frère Edouard IV, roi d’Angleterre, qui scella une alliance anglo-bourguignonne en juillet 1474. Charles, en 1476, tente de marier sa fille à l’empereur et d’isoler René II de Lorraine.

La Lorraine

Dans le 8e chapitre, l’union des Alsaciens, des Suisses et des Lorrains nous ai expliqué. Charles le Téméraire a eu quelques revers et déconvenues dans l’Empire et se tourne rapidement vers la Lorraine. Là, il reprend l’avantage mais ne souhaite pas la paix et poursuit la guerre. Dans le chapitre 9, les Suisses expliquent la défaite du duc à Nancy par les déroutes qu’il a subies durant l’année 1476 à Grandson et à Morat, ce qui a affaibli durablement l’armée bourguignonne et permis aux ennemis du duc de s’unir contre lui en 1477. Dans le chapitre 10, Nancy est présentée comme le « siège de trop ». Charles le Téméraire, vaincu à Grandson et à Morat, ne voulait pas céder la Lorraine dès l’automne 1476. Face aux succès de René II en Lorraine et à des soutiens plus présents, seule Nancy restait une place importante pour le duc. Dotée d’une armée affaiblie, ayant une puissance de feux moindre, Nancy devint un siège de longue durée. L’armée bourguignonne se trouva rapidement sans provision lors de la bataille et les conditions étaient rudes. Pourquoi Charles est-il resté aussi longtemps devant Nancy ? Il a surestimé ses forces, n’a pas su reconnaître la capacité de René II à rassembler des ennemis du duc. L’argent de Louis XI a aidé René dans son projet.

Le chapitre 11 expose l’état de la grande armée bourguignonne et montre l’incapacité du duc à la reconstituer après les échecs de Grandson et de Morat. Trois atouts possèdent l’armée bourguignonne : la garde ducale, les mercenaires étrangers et l’artillerie de campagne. Ces trois atouts étaient affaiblis avant Nancy et les problèmes de logistique pendant l’hiver 1477 ont eu  un rôle dans l’augmentation des désertions avant la bataille. Le chapitre 12 expose les forces de René et ses alliés. René II réussit à rassembler et laissa à chaque acteur la possibilité de montrer son efficacité.

L’onde de choc

Dans le chapitre 13, l’historien nous expose « l’onde de choc » qu’a pu être la mort du duc en Europe. Les grands bénéficiaires de la bataille de Nancy ont été Maximilien et les siens sur le long terme même si Louis XI puis Charles VIII ont pu s’accaparer deux grands fiefs : la Bourgogne et la Bretagne à la fin du XVe siècle. Dans un dernier chapitre, l’historien nous montre l’impact du souvenir de cette bataille dans les différentes mémoires européennes jusqu’à nos jours et notamment dans la construction d’un patriotisme lorrain.

Dans son épilogue, l’historien souligne l’humanité de Charles dans ses prises de décisions jusqu’à sa chute. Le siège de Nancy n’était pas une marque de la folie du duc mais la conclusion d’une politique stratégique claire à l’échelle européenne. Ce siège permet de montrer les avancées technologiques et tactiques de la fin du Moyen Age avec le rôle accru de l’artillerie et la création des armées permanentes. Sans devenir un chef de guerre, il se montra novateur dans le domaine militaire. La légende noire de Charles s’est construite avant et après la bataille de Nancy mais elle s’est amplifiée après sa mort. Si cette journée a changé la France, il faut surtout y voir l’extinction de l’expérience étatique bourguignonne différente de celle de la France plus qu’un succès total de Louis XI.

Je recommande vivement la lecture de cet ouvrage portant sur une journée qui a changé le jeu diplomatique européen au XVe siècle, qui a changé la France. L’historien a su montrer toute la complexité de cette bataille et les conséquences à long terme de l’échec de Charles le Téméraire. Cet ouvrage se place dans la lignée du Bouvines de Georges Duby.