Ce nouveau numéro des dossiers d’archéologie est consacré à la mosaïque antique dans son contexte.

Dans un article liminaire (« Redécouvrir la mosaïque dans son contexte ») Anne-Marie Guimer-Sorbets, Amina-Aïcha Malek, Daniel Istria et Mathieu Poux écrivent (p.7) que « l’étude des mosaïques en contexte prend en compte différents paramètres en les envisageant géographiquement et chronologiquement, des points de vue spatial, formel et structurel : spatial, car la mosaïque façonne l’espace et détermine sa fonction ; formel, car les textures, les couleurs, les schémas, les motifs et leur agencement nourrissent son langage pictural et sa signification ; structurel, car sa mise en œuvre et la chaîne opératoire qui en découle participent de la logique constructive de l’ensemble architectural et ornemental dans lequel elle s’insère, l’ensemble s’inscrivant dans un horizon culturel spécifique ».

Anne-Marie Guimier-Sorbets (« La mosaïque hellénistique. Le temps des expérimentations ») montre combien les mosaïstes de la période hellénistique ont su innover dans leurs diverses créations, souvent animés du désir d’imiter les œuvres de la « grande peinture (la même auteure propose ensuite un court article sur les sols ornés dans les bains d’Égypte avec notamment un focus sur des bains grecs mis au jour à Karnak)».

Isil Isiklikaya-Laubscher, Derya Sahin et Mustafa Sahin offrent une synthèse sur l’art de la mosaïque en Turquie du Néolithique à l’Antiquité tardive (« En Turquie, des découvertes récentes et spectaculaires »). De formidables œuvres sont ainsi mises en avant avec la tête de Gorgone de l’orchestra de l’odéon de Kibyra, Achille et Chiron dans la villa des Amazones à Edesse ou encore les quatre fleuves du paradis ornant la nef centrale de la basilique B d’Hadrianopolis.

Anne-Marie Guimier-Sorbets propose un court article sur une superbe mosaïque figurant le triomphe marin de Dionysos à Dion en Grèce (« La maison du Dionysos à Dion en Grèce ») et Fryni Hadjichristofi (« La course au cirque de la villa d’Akaki à Chypre ») un propos sur une mosaïque figurant une course de char et mise au jour dans le village d’Akaki à Chypre.

Amina-Aïcha Malek (« Les chefs-d’œuvre de la mosaïque figurée du Maghreb central ») présente quelques-unes des superbes mosaïques mises au jour dans l’actuelle Algérie avec notamment la mosaïque de Phrixos et Hellé à Lambèse, celle représentant les noces de Thétis et Pélée provenant de Choba ou encore une figuration de la chasse au sanglier de Calydon mise au jour à Sétif.

Dans une contribution des plus intéressantes (« Les mosaïques dans les Gaules romaines. Sept siècles d’histoire »), Sophie Delbarre-Bärtschi mentionne les contextes de découverte des mosaïques dans les Gaules, leur histoire et les techniques employées pour les réaliser. Elle écrit que les plus anciennes mosaïques dans les territoires considérés se rencontrent dans les comptoirs grecs de Gaule du Sud et que c’est au deuxième siècle de notre ère que les mosaïques des Gaules connaissent un fort développement et qu’ « apparaît alors un style proprement « gallo-romain », se caractérisant par des tapis dont les trames géométriques dessinées en noir sur fond blanc adoptent une multitude de formes, à l’intérieur desquelles prennent place des motifs végétaux stylisés, des bordures décoratives et, pour les pavements les plus riches, des scènes figurées en couleurs (p.34) ».

L’article de Matthieu Poux et de Yves-Marie Toutin (« Sur la piste des premières mosaïques figurées en Gaule ») s’interroge sur le moment et le lieu d’apparition des premières mosaïques figurées dans les provinces des Gaules à partir de l’exemple d’une mosaïque polychrome figurant Dionysos et mise au jour en 2009 sur le site de la villa Goiffieux à Saint-Laurent-d’Agny (Rhône).

Benjamin Clément (« Les mosaïques d’un riche quartier de Vienna ») présente quelques-unes des mosaïques (monuments provenant de la « maison des Bacchantes », de la « maison au médaillon » et de la « maison à la panthère ») mises au jour lors de fouilles préventives à Sainte-Colombe en 2016 et 2017.

John Thomas et Jennifer Browning (« Une scène inédite de l’Iliade découverte en Grande-Bretagne ») présentent l’extraordinaire série de mosaïque mise au jour fortuitement à Rutland lors d’une ballade familiale durant la période de confinement de 2020. Le combat entre Achille et Hector y est figuré, tout comme la mort du héros troyen et la restitution du corps de son fils à Priam mais contre son poids en or.

Anastasia Panagiotopoulou (« Figurer des abstractions sur les pavements du Péloponnèse ») s’intéresse aux représentations des abstractions telles que le Plaisir, la Victoire, la Fortune, le Sommeil ou encore la Vertu dans le Péloponnèse et Jean Trinquier et Dimitri El Murr reviennent sur des problèmes d’identification liées à la mise au jour de deux mosaïques à Pompéi (« Deux représentations du géant Orion découvertes à Pompéi ? »).

Sophie Delbarre-Bärtschi, Fawzi Doumaz, Sabah Ferdi, Daniel Istria, Amina-Aïcha Malek, dans une contribution commune, analysent les décors des mosaïques présentes dans deux édifices religieux : Chlef en Algérie (avec une formidable « mosaïque du labyrinthe ») et Mariana en Corse.

Evelyne Chantriaux évoque le travail de conservation et d’observation de l’atelier de restauration de mosaïques de Saint-Romain-en-Gal (« Conserver et observer. L’atelier de restauration de Saint-Romain-en-Gal »), Demetrios Michaelides mentionne un exemple de conservation in situ à Chypre (« La conservation in situ. Le cas de Paphos à Chypre ») et Mhammed Behel évoque (« A Narbo Via, des mosaïques présentées en contexte ») les choix de présentation de certaines mosaïques à Narbonne. Enfin, le dossier se conclut sur un article de Kamait Abdallah (« La conservation des mosaïques pendant la guerre en Syrie ») sur la sauvegarde de mosaïques durant la guerre ainsi que sur de nouvelles découvertes.

Un numéro particulièrement riche qui pourra, avec beaucoup de bonheur, venir alimenter des séquences consacrées au monde gréco-romain. Il est à noter qu’un colloque international animé par l’AIEMA (association internationale pour l’étude de la mosaïque antique) se déroulera du 17 au 21 octobre 2022 à Lyon et Saint-Romain-en-Gal et aura pour thème « la mosaïque en contexte ».

Grégoire Masson