Destiné aux étudiants des classes préparatoires, ce gros ouvrage collectif réunit sous la direction de Pierre Dallène, professeur en classes préparatoires au Lycée Saint Paul à Lille, huit autres de ses collègues qui apportent un éclairage récent sur l’évolution de la hiérarchie économique des grandes puissances depuis 2001.
Bruno Modica est chargé de cours en relations internationales à l’IEP de LIlle dans le cadre de la Prépa ENA

Dans un très opportun avant propos, Pierre Dallene fait remonter aux événements dramatiques de septembre 2001, les mutations brutales qui affectent le monde. Du coup des ensembles économiques comme les États-Unis, l’Union Européenne, le Japon et la Chine, le Mexique ou la France sont amenés à redéfinir leur rôle et dans certains cas leur sphère d’influence.

L’ouvrage est divisé en cinq parties, traitant de la France, de l’Union Européenne, des Etats-Unis, du Mexique et des façades d’Asie Pacifique. Chacune des parties est traitée successivement sous l’angle de l’histoire économique et des évolutions les plus récentes. 30 plans développés des cartes et des statistiques complètent cet ouvrage important, sans doute destiné au départ à des candidats aux concours des écoles de commerce ou des IEP, mais qui est particulièrement utile pour un enseignant de géographie en classes terminales confronté à un nouveau programme.

Partie 1 : L’irrésistible normalisation du modèle Français

La présentation de l’histoire économique de la France est particulièrement synthétique et va à l’essentiel, ce qui est indispensable dans le cadre de cet ouvrage : des trente glorieuses, aux années de crise en passant par la décennie de tous les bouleversements entre 1981 et 1990 jusqu’au redémarrage de la croissance, et voici un tableau brossé de façon efficace.

Le rôle de l’Etat dans l’économie est également bien montré avec la présentation d’un outillage conceptuel très pertinent. Les territoires de la population Française et les changements sociaux que vivent les habitants de l’hexagone sont également décrits sous l’angle de la géographie économique et parfois institutionnelle. Peut-être que des notions « d’espaces vécus », ou de « pays », auraient pu être développées d’avantage.

L’économie française est ensuite présentée de façon très classique mais toujours avec un angle géographique. Les notions d’espaces ruraux périurbains ont développées, tout comme dans l’industrie et les transports les territoires de la 3e révolution industrielle.

Partie 2 : Construction et institutions européennes

La présentation de l’Europe est, comme pour la France, traitée de façon synthétique et extrêmement précise. L’ensemble des grandes questions qui ont agité l’Union Européenne ces dernières années est traité, notamment le débat sur la réforme institutionnelle.

Le Grand Marché de l’Union Européenne est présenté sous l’angle des quatre libertés de circulation, marchandises, capitaux, services et personnes. Paradoxalement l’exception anglaise est absente du propos.

Dans les grandeurs et vicissitudes des politiques communes, où l’on aurait pu trouver l’Euro, pourtant traité à part, la politique agricole commune, la PAC, est présentée comme menacée. Elle a eu toutefois le mérite de protéger les agriculteurs, et surtout les Français, et surtout d’exister contrairement d’après les auteurs, à la politique industrielle commune.

Le chapitre qui traite des disparités spatiales et des politiques régionales en Europe est sans aucun doute le plus stimulant notamment grâce à l’utilisation de cartes et croquis de synthèse faciles à utiliser. Cela permet de réfléchir de façon poussée à l’impérieuse nécessité de créer une politique européenne des transports, qui reste quand même encore bien balbutiante.

Le point sur les nouvelles intégrations depuis le 1er mai 2004, reste forcément succinct pour évoquer en final les cinq scénarios possibles pour 2010. Le partenariat Euro méditerranéen, les accords ACP semblent souffrir directement de cet élargissement.

Partie 3 : Mutante et aléatoire, l’hyperpuissance américaine renouvelée

Cette partie présente également les grandes lignes de force de l’histoire de la société étasunienne. Le développement de l’hégémonie américaine s’explique par la capacité du pays à inventer des modèles, du fordisme au wintelisme, (mariage de processeur Intel, (hardware), et de software, (Windows) qui fonde un nouveau modèle productif. Le toyotisme triomphant du début des années 1980 n’ayant pas résisté à l’explosion de la bulle financière de 1987 et 1997, a donc laissé la place aux Etats-Unis.

Nation indispensable les Etats-Unis agitent périodiquement le spectre de leur déclin pour mieux l’exorciser. Cela permet de traiter ensuite de la politique commerciale des Etats-Unis, fondée sur une agressivité dont l’Union Européenne fait souvent les frais. Cette politique commerciale souvent tentée par la régionalisation et le repli sur l’hémisphère continental américain, reste pourtant mondiale, par le biais d’une puissance agricole et industrielle maintenue.

Partie 4 : Le Mexique

Puissance émergente, le Mexique a connu une histoire mouvementée marquée par une affirmation nationale impliquant des choix de développement fondés sur un puissant secteur public et un interventionnisme étatique fort. Le pays qui s’oriente clairement depuis le milieu des années 80 vers des choix de développement marqués par le néolibéralisme a connu deux crises financières majeures, en 1982 et 1994

Le Mexique dispose d’un gros potentiel et de l’atout de la proximité des Etats-Unis. Toutefois le pays reste fragile en raison de la rigidification des inégalités sociales et régionales. On appréciera dans ce chapitre la proposition de dissertation sur Mexico, ville de tous les superlatifs, Calcutta ou Los Angeles…

Partie 5 : la façade d’Asie Pacifique, nouvelle frontière du capitalisme.

La façade Asie Pacifique que l’on compare à une maison à trois étages avec les matières premières de l’extrême Orient Russe, la main d’œuvre chinoise et les capitaux et la matière grise du Japon et des quatre dragons a été considérée comme le nouveau centre de gravité du monde. Cette thèse est largement discutée par les auteurs qui traitent de l’intégration renforcée de cet espace dans l’économie mondiale.

Cette partie est particulièrement riche et permet de faire le point sur des évolutions récentes. La Chine et le Japon sont traités à part, et les perspectives de l’Empire du soleil levant en terme économique après l’explosion de la bulle spéculative de 1992 sont envisagés de façon globalement optimiste, en évoquant une transition du Japon de pays manufacturier à une société en cours de tertiarisation accélérée. Pour la Chine, ce sont les déséquilibres sociaux et spatiaux qui retiennent l’attention.

L’ouvrage est donc complet et bien documenté, réponds à l’attente de son public de candidats aux concours mais peut apporter beaucoup à des enseignants souhaitant une mise au point récente et actualisée sur un sujet bien complexe.

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