Disparue le 7 janvier 2019, Aline Kiner était rédactrice en chef des hors série de Sciences et Avenir. Dans ce cadre, elle avait coordonné des dossiers consacrés à l’histoire du Moyen âge et interviewé des historiens médiévistes tels que Georges Duby, Jacques Le Goff ou Claude Gauvard. Elle avait publié La cathédrale, livre de pierre en 2004 ainsi que deux romans : Le jeu du pendu qui évoque les mines de sa région natale, la Lorraine et La vie sur le fil qui évoque la vallée des morts d’Abydos en Egypte.
La nuit des béguines commence le 1er juin 1310 par un bûcher, celui de Marguerite Porete, béguine valenciennoise ayant écrit un ouvrage condamné par l’inquisition : Le miroir des simples âmes. Aline Kiner revient ensuite en arrière pour nous raconter l’histoire des béguines du grand béguinage royal dans le quartier du Marais à Paris. Les béguines ont un statut à part, entre religieuses et laïques. Elles jouissent au sein de leur communauté d’une certaine liberté. Le personnage d’Ysabel est central, elle est responsable de l’hôpital du béguinage et connaît les secrets des plantes. Elle est confrontée à l’arrivée d’une jeune fille mutique dont elle soupçonne très vite l’appartenance à la noblesse et constate qu’elle a subi des violences. Maheut, surnommée la Rousse, est, de plus, traquée par un mystérieux franciscain. Ysabel décide de prendre la jeune fille sous son aile et de la cacher chez son amie Ade, qui vit à l’écart du béguinage. Cette dernière, érudite, se retrouve confrontée au manuscrit secret de Marguerite Porete, ce qui contribue à mettre les béguines en danger. Or, sous Philippe le Bel, le statut particulier des béguines suscite la méfiance et est remis en cause par la papauté elle même. En 1311, Clément V les condamne pour fausse piété et hérésie lors du concile de Vienne. Les décrets ne seront publiés qu’en 1317 sous le nom de Constitutiones Clementinae et interdisent les béguinages.
Les béguines sont également présentes dans la ville de Paris, à travers la figure de Jeanne du Faut, béguine hors-les-murs, qui dirige avec succès une boutique du quartier de la soie, qui constitue à la fois un lieu de travail, de vie et de refuge pour une communauté de jeunes filles. Les aller-retours entre le béguinage et le quartier de la soie sont autant d’occasions pour Aline Kiner de reconstituer le Paris médiéval, ses activités et des odeurs, décrites avec précision. C’est l’un des points forts de ce beau roman.
Une brève mise au point historique et une bibliographie relativement conséquente clôturent le roman, qui a notamment été relu par l’historien Yann Potin.