La revue Parlement[s]

Créée en 2003 sous le titre Parlement[s], Histoire et politique, la revue du CHPP change de sous-titre en 2007 pour affirmer sa vocation à couvrir tous les domaines de l’histoire politique. Chaque volume est constitué pour l’essentiel d’un dossier thématique (partie Recherche), composé d’articles originaux soumis à un comité de lecture, qu’ils soient issus d’une journée d’études, commandés par la rédaction ou qu’ils proviennent de propositions spontanées. Quelques varia complètent régulièrement cette partie. La séquence (Sources) approfondit le thème du numéro en offrant au lecteur une sélection de sources écrites commentées et/ou les transcriptions d’entretiens réalisés pour l’occasion. Enfin, une rubrique (Lectures) regroupe les comptes rendus de lecture critiques d’ouvrages récents. Enfin, la revue se termine systématiquement par des résumés des contributions écrits en français et en anglais (suivis de mots-clés).

Cette revue a été publiée successivement par plusieurs éditeurs : Gallimard (n° 0) en 2003, Armand Colin (n° 1 à 6, HS n° 1 et 2) de 2004 à 2006, Pepper / L’Harmattan (n° 7 à 20, HS n° 3 à 9) de 2007 à 2013, Classiques Garnier (n° 21 et 22, HS n° 10) en 2014 et, enfin, les PUR (depuis le n° 23 et le HS n° 11) à partir de 2016.

La revue Parlement(s) Hors-série n° 13 a pour thème : Les Républicains et le Parlement en Italie (1861-1994). Ce treizième dossier Hors-série a été coordonné par Jean-Yves Frétigné (Maître de conférences en histoire à l’université Normandie-Rouen, GrHis). Comme d’habitude, le dossier se compose de deux éléments distincts : une première partie consacrée à la Recherche (avec la contribution de 8 chercheurs, jeunes ou confirmées) et la seconde à des Sources (au nombre de 3) commentées par Sara Trovalusci, Laura Fournier-Finocchiaro et Paolo Soddu. De plus, dans ce numéro, nous trouvons à nouveau une partie consacrée à des Lectures (au nombre de 6) critiquées par 5 historiens.

En introduction, Jean-Yves Frétigné présente le dossier consacré aux « Les Républicains et le Parlement en Italie (1861-1994) ». L’histoire des républicains italiens est très peu étudiée en France. Ainsi, leurs relations avec le Parlement et le parlementarisme depuis la naissance du royaume d’Italie en 1861, jusqu’au séisme politique de Mani Pulite au début des années 1990, restent méconnues. Non seulement, il leur est difficile d’exister politiquement dans le cadre institutionnel de la monarchie italienne (1861-1922), mais ils se déchirent sous le fascisme (1922-1945), de sorte qu’après 1946, le Parti républicain italien (PRI) peine à trouver sa place au sein de la République. Alors qu’en France, la culture républicaine est au cœur du débat depuis 1789 et finit par s’imposer grâce à des partis qui s’en réclament, l’Italie se caractérise par une réelle marginalité des républicains, surtout dans le domaine électoral. Cependant, de Mazzini à Spadolini, cette famille politique fait entendre la voix de l’Italie laïque non communiste. Ce hors-série, constitué d’articles de recherche et de commentaires de sources, dresse le portrait de ses plus illustres figures et montre tout ce qu’ils ont apporté, dans le débat d’idées, à la démocratie italienne sur le long terme.

[Recherche]

  • Page 21 à 44 : Pourquoi Mazzini ne pouvait accepter de devenir député du Royaume d’Italie : par Jean-Yves Frétigné (Maître de conférences en histoire à l’université Normandie-Rouen, GrHis)

Symbole de l’unité spirituelle du Risorgimento contre une unification prenant des allures de piémontisation, Mazzini, bien que proscrit, fut plusieurs fois élu député, en particulier à Messine. Mais il ne pouvait accepter d’assumer cette fonction. Si même la monarchie constitutionnelle anglaise présentait des défauts, la Maison de Savoie ne pouvait se targuer d’aucune qualité car elle n’avait joué aucun rôle décisif dans le processus de formation de la nation italienne et, faute encore plus grave, elle avait préféré la voie des plébiscites puis l’élection d’une Chambre des députés au suffrage censitaire, à celle de l’élection d’une Constituante au suffrage universel. Mais plus fondamentalement encore, si Mazzini estime que le Parlement est un élément important de l’architecture constitutionnelle d’une démocratie, on ne trouvera jamais sous sa plume l’éloge théorique et sentimental que le régime parlementaire a pu avoir pour les républicains français car, à la différence de ces derniers, la souveraineté ne repose pas, pour Mazzini, dans le peuple mais en Dieu.

  • Page 45 à 56 : Carlo Cattaneo : un républicain fédéraliste contre le Parlement de la monarchie centralisée italienne : par Carlo Moos (Professeur émérite d’histoire contemporaine)

Cattaneo a été élu une première fois au parlement subalpin de Turin en 1860 et une seconde fois dans celui italien en 1866. Il refusa de siéger pour ne pas avoir à prêter serment au nom du roi. Refusant la construction administrative centralisée, il défendit un programme fédéraliste fondé sur la démocratie directe et le suffrage universel. Dans cette optique, le parlement national était d’une importance secondaire alors qu’il jugeait essentiel le modèle suisse des assemblées de citoyens, telles qu’il les avait vues dans le Tessin durant les deux décennies de son exil à la fois volontaire et imposé.

  • Page 57 à 80 : Les républicains dans l’Italie libérale : de l’abstentionnisme à l’action parlementaire (1861-1922) : par Maurizio Ridolfi (Professeur à l’université de Viterbe), Marina Tesoro (Professeure à l’université de Pavie), traduit de l’italien par Laura Fournier-Finocchiaro

Après que Rome a été déclarée capitale du Royaume d’Italie, la famille des démocrates et des républicains commence à envisager de renoncer à un abstentionnisme préjudiciable. À partir de 1877, se constitue un groupe de députés de l’Extrême Gauche. Le choix de la participation à la vie parlementaire détermine l’organisation nationale du PRI (1895) et la défense du Parlement comme siège de la souveraineté populaire. Les républicains continuent toutefois à se diviser sur le rôle de ce groupe parlementaire, prisonniers qu’ils sont d’une dialectique non résolue entre intégration dans les institutions monarchiques et vocation révolutionnaire.

  • Page 81 à 94 : Salvatore Morelli : le premier républicain féministe : par Anna Maria Isastia (Université de Rome 1)

Salvatore Morelli a été député de 1867 à 1880. Il a représenté au parlement les positions mazziniennes et celles de la Libre Pensée. Il soutenait qu’il fallait être particulièrement attentif à trois questions : l’émancipation de la femme, l’éducation des jeunes aux nouvelles valeurs et la délimitation du rôle de l’Église. Son long combat pour donner de la dignité aux femmes fut fondamental car, selon lui, le changement de condition de la femme dans la société italienne était le point de départ nécessaire à toute rénovation profonde.

  • Page 95 à 114 : Les deux âmes du républicanisme (1911-1919) : de l’usage du Parlement pour un parti d’action : par Stéfanie Prezioso (Professeure à l’Institut d’études politiques, historiques et internationales (IEPHI), université de Lausanne)

Les deux âmes du républicanisme se confondent au début du XXe siècle avec ce que l’historien italien Santi Fedele nommait une crise d’identité entre une « âme révolutionnaire » et une « âme patriotique », bien résumée par les deux formules : « d’abord Italiens, puis républicains » versus « d’abord républicain, puis Italiens ». C’est en particulier au cours des conflits armés menés par la monarchie (en Libye d’abord puis au cours de la Première Guerre mondiale) que la déchirure entre un républicanisme par en haut porté principalement par le groupe parlementaire du Parti républicain et le républicanisme de la base atteint une acuité particulière. La montée du fascisme se charge de clarifier les lignes.

  • Page 115 à 130 : « Avec Parlement ou sans Parlement » : le PRI dans l’entre-deux-guerres, entre démocratie parlementaire et antiparlementarisme : par Éric Vial (Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Cergy-Pontoise, laboratoire AGORA (EA 7392)

Entre les deux guerres, le PRI oscille entre critique et défense du système parlementaire, d’abord face aux premiers gouvernements Mussolini, puis en exil. Il n’est pas épargné par les facilités de l’antiparlementarisme ou de la critique de la démocratie « bourgeoise », mais celle-ci apparaît, même pour l’aile gauche qui fait scission en 1935, comme un horizon évident, et finit par s’imposer clairement dans La Giovine Italia à veille de la Seconde Guerre mondiale.

  • Page 131 à 150 : De la résistance aux élections de 1848 : La métamorphose des républicains italiens : par Jean-Claude Lescure (Professeur des universités, laboratoire AGORA (EA 7392)

À la reconstruction du PRI œuvrent des hommes dédiés à l’avènement de la République mais qui sont marqués par des engagements parfois opposés face au fascisme. Après le référendum de 1946, les lignes de fractures jouent sur les questions économiques, les relations avec la gauche et avec la démocratie chrétienne. Après les élections de 1948, cadres et militants du Parti d’Action se substituent progressivement à ceux républicains. Cette mutation profonde pose la question de la place du PRI dans l’espace politique, alors que l’anticléricalisme et la laïcité ne peuvent plus être des ressorts programmatiques dans des alliances renouvelées avec la démocratie chrétienne.

  • Page 151 à 170 : Le Parti républicain italien entre Peppone et don Camillo : par Philippe Foro (Maître de conférences en histoire contemporaine, université Toulouse II Jean-Jaurès, (Patrimoine, Littérature, Histoire)

Le Parti républicain italien, fondé en 1895, joue un rôle important dans la Résistance, lors de l’occupation allemande d’une partie de la péninsule, et dans les débats institutionnels qui suivent la guerre. Mais si la République est instituée à la suite du référendum du 2 juin 1946, cela ne signifie pas une force électorale du Parti républicain qui obtient 5 députés en 1953 mais jusqu’à 29 députés en 1983. Parti charnière, il fournit une force d’appoint aux gouvernements de centre-gauche dirigés par la Démocratie chrétienne. Son secrétaire, Giovanni Spadolini, devient, en juin 1981, le premier président du Conseil non démocrate-chrétien depuis décembre 1945. Comme les autres principaux partis de gouvernement, le Parti républicain est emporté par l’affaire Mani Pulite (Mains propres) en 1992-1994.

[Sources]

  • Page 173 à 182 : Le nouveau Gulliver italien : présenté par Sara Trovalusci (Doctorante à l’université « Carlo Bo’ » d’Urbino (Italie) et à l’université d’Orléans, EA 4710 Polen)

En 1875, le vignettiste du journal libéral démocratique Il Pappagallo de Rome reproduit l’image littéraire de Gulliver enchainé en lui donnant une nouvelle signification, liée à la politique : il se réfère à Giuseppe Garibaldi, représenté comme le « nouveau Gulliver italien ». Le choix de s’inspirer d’une image issue de la littérature anglaise peut sembler risqué, si l’on considère que le but de la caricature est de rendre immédiat le message caché derrière le dessin ; mais la faible diffusion de la presse dans l’Italie des années 1870 – le public des lecteurs de journaux est principalement constitué de la classe moyenne cultivée – permet au vignettiste de jouer avec le topos littéraire. En regardant la vignette, on retrouve certains des traits typiques de l’image publique de Giuseppe Garibaldi, le héros italien, symbole du Risorgimento démocratique : chemise rouge, longue barbe, chapeau et intensité d’un regard pensif. Il est allongé sur une colline, derrière lui il y a un aqueduc typiquement romain, alors que sur sa droite, passe le Tibre : c’est la capitale du Royaume qui sert d’arrière-plan à l’image. Les hommes minuscules à ses côtés sont en train de l’attacher au sol avec de grandes cordes et de grands pitons ; ils sont tous habillés à la manière des notables italiens et incarnent les députés parlementaires. Le caricaturiste enrichit l’image avec des légendes qui permettent au public de mieux déchiffrer le message ; en bas, on lit : « Les Pygmées croient avoir lié le géant, mais il se lèvera et il les secouera tous. » Sur les panneaux qui apparaissent sur l’image, le vignettiste résume trois projets de lois : la déviation du Tibre, la bonification de la campagne romaine et la proposition d’une retraite pour les veuves de guerre. Le dessin se réfère donc aux débats parlementaires de 1875 sur les « projets Garibaldi ».

  • Page 183 à 196 : Pour la poésie et la liberté : La transition démocratique de Carducci, de la souveraineté parlementaire à la souveraineté populaire : présenté par Laura Fournier-Finocchiaro (Maître de conférences, université Paris 8, Laboratoire d’études romanes)

Après l’Unification de l’Italie en 1860, le poète Giosue Carducci, nommé professeur à l’Université de Bologne, devient le porte-parole, dans le monde de la culture, des groupes et des personnalités qui ont placé leur idéal dans la forme républicaine de gouvernement. Dans ses vers, il dénonce violemment les tyrans liberticides (l’empereur Napoléon III, le pape Pie IX et le roi d’Italie), et proclame l’inéluctabilité d’une ère nouvelle. Sa soif de liberté contre l’autoritarisme césarien et l’obscurantisme clérical lui inspire notamment son Inno a Satana (1865), véritable apologie de la révolte contre toutes les formes d’oppression, qui eut la valeur d’un véritable manifeste parmi les democratici et les anticléricaux, même s’il ne contient pas explicitement de revendications politiques. Au cours des années 1860 et 1870, le républicanisme de Carducci est fortement influencé par son amitié avec le leader républicain Alberto Mario. D’un point de vue politique, Carducci et Mario partagent tous les deux l’idée d’une opposition éthique au régime monarchique et de la nécessité de forger une génération de républicains caractérisés par leur conscience morale, autour des idéaux de « justice et liberté » et de l’éducation des consciences nationales.

  • Page 197 à 206 : Ugo La Malfa, le Parlement, la démocratie républicaine : présenté par Paolo Soddu (Professeur, université de Turin)

Tous les bancs de la salle du palais Montecitorio, siège de la Chambre des députés italienne, étaient occupés dans l’après-midi du 16 mars 1978, le jour où Aldo Moro, président du principal parti italien, la Démocratie Chrétienne, est séquestré par un commando des Brigades Rouges après que ce dernier eut assassiné les hommes chargés de sa protection Quand Ugo La Malfa prit la parole, le silence se fit. Il prononça une intervention sèche et intense. Il exprimait le sens tragique de cette terrible journée.                Le vieux leader républicain – il était né à Palerme en 1903 – était alors le président du Parti républicain italien (PRI). Entré en politique en 1942, il avait fait partie des fondateurs du Parti d’action clandestin, le « parti nouveau » issu de la Résistance. Ce dernier engendra une classe dirigeante qui lui survécut et qui s’éparpilla au sein des organisations historiques. L’historiographie l’a défini comme un « parti des fusils » (partito dei fucili) incapable de devenir un « parti des affiliés » (partito delle tessere), comme pour souligner son impossibilité à être réduit au domaine politique, auquel était opposée la morale. Mais justement, puisqu’il était conscient de la leçon de Machiavel, le Parti d’action visait au dépassement des religions politiques dominantes en Italie sous la forme totalitaire puis pluraliste ; car la qualité du politique était décisive dans les sociétés contemporaines pour la formation de démocraties inclusives. La Malfa fut, avec Emilio Lussu, l’un des principaux dirigeants de ce parti et représentant au sein du Comité de Libération Nationale. Le centre-gauche, loin de réaliser les programmes ambitieux contenus dans la Nota aggiuntiva qu’Ugo La Malfa avait rédigée comme ministre du Budget en 1962, se limita à consolider les forces gouvernementales. La solidarité nationale des années soixante-dix – où le républicanisme de La Malfa fut une composante essentielle au même titre que le catholicisme démocratique d’Aldo Moro et que le révisionnisme communiste d’Enrico Berlinguer – ne survécut pas au meurtre du leader démocrate-chrétien, Aldo Moro. Si bien qu’une dizaine d’années plus tard, après la fin de la guerre froide et la mort des partis, il resta en héritage à l’Italie, comme l’avait annoncé La Malfa, le fardeau de la dette publique, produit de la nostalgie du miracle économique et de la frustration de l’avoir perdu.

[Lectures]

  • Page 211 à 213 : François Jankowiak et Laura Pettinaroli (dir.), Les cardinaux entre cour et curie : Une élite romaine (1775-2015), Rome, École française de Rome, coll. de l’École française de Rome, n° 530, 2017, XV-435 p. : présenté par Jean-Yves Frétigné

Fruit de deux colloques tenus à Paris et Sceaux (juin 2014) puis à Rome (avril 2015), ce volume rassemble vingt-cinq contributions rédigées en français, italien et anglais et sollicitées dans le cadre d’un programme de recherches pluriannuel conduit par l’École française de Rome, l’Institut catholique de Paris et l’université Paris-Sud, portant sur les cardinaux et le cardinalat à l’époque contemporaine, depuis l’élection de Pie VI en 1775 à 1978, « l’année des trois papes ». Faisant suite à la publication de deux dossiers d’articles dans les Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, le premier à visée essentiellement méthodologique et le second consacré aux biographies cardinalices, le présent ouvrage est centré sur les aspects spécifiquement « romains » de l’activité des cardinaux. Celle-ci se déploie à la fois dans les instances du gouvernement central de l’Église – la Curie romaine – et au sein du milieu, aussi traditionnel que difficile à cerner, de la Cour pontificale, par le truchement des titres cardinalices (tout cardinal, lors de sa préconisation, se voyant affecter une diaconie ou une église dont il est nommé « titulaire » et s’inscrivant ainsi dans la géographie ecclésiastique de la Ville) ou encore le cérémonial de la chapelle pontificale.

  • Page 213 à 215 : Simone Visciola (dir.), La storia secondo passione : Pagine per Zeffiro Ciuffoletti, Arcidosso, Effigi Edizioni, 2018, 567 p. : présenté par Andrea Becherucci traduit de l’italien par Jean-Yves Frétigné

Le titre de ce volume se veut un hommage à l’immense curiosité intellectuelle et aux qualités d’historien dont Zeffiro Ciuffoletti a fait preuve durant sa longue carrière qui s’étale sur près d’un demi-siècle. Ce Liber amicorum, dirigé par Simone Visciola, qui rassemble les essais de 36 chercheurs appartenant à différentes disciplines, a le grand mérite d’échapper au risque de la dispersion des points de vue et des analyses.

  • Page 216 à 217 : Martin Dumont, La France dans la pensée des papes : De Pie VI à François, Paris, Éditions du Cerf, 2018, 183 p. : présenté par François Jankowiak

Dans cette synthèse claire et dynamique, destinée à un large public, Martin Dumont, à qui l’on doit aussi le beau travail, paru en 2012, sur Le Saint-Siège et l’organisation politique des catholiques français aux lendemains du Ralliement (1890-1902), offre une analyse des prises de position – discours, déclarations, écrits à portée ou non normative – des souverains pontifes à l’endroit des réalités politiques, sociales, culturelles et bien évidemment religieuses et spirituelles de la « fille aînée de l’Église ». Ce volume, cernant de manière convaincante la place de la France dans la perception des papes, contribue à stimuler une indispensable enquête, jadis inaugurée par la remarquable synthèse du jésuite Georges Jarlot, sur l’enseignement magistériel dispensé par les papes à la période contemporaine.

  • Page 218 à 220 : Jean-Yves Frétigné, Antonio Gramsci : Vivre, c’est résister, Paris, Éditions Armand Colin, 2017, 317 p. : présenté par Jérémy Guedj

Jean-Yves Frétigné replaçe la pensée d’Antonio Gramsci dans son contexte personnel et historique. Première biographie de langue française, elle permet de redécouvrir le parcours de ce « célèbre inconnu » (André Tosel) au sujet duquel les raccourcis sont légion. Une plume alerte et un souci permanent de précision nous font pénétrer, étape après étape – où s’éclaire l’une ou l’autre facette de cette personnalité riche et complexe – dans ce « continent Gramsci », selon les mots de l’auteur. Une vie à l’épaisseur historique aussi prégnante se dérobe à tout résumé.

  • Page 220 à 223 : Paolo Buchignani, Ribelli d’Italia : Il sogno della Rivoluzione da Mazzini alle Brigade rosse, Venise, Marsilio, 2017, 415 p. : présenté par Mattia Ringozzi

Le mythe de la Révolution traverse toute l’histoire italienne en s’articulant autour de deux problématiques fondamentales : celle de la révolution palingénésique et celle, qui en est la conséquence directe, de la révolution trahie. Il s’agit de deux notions complémentaires qui ont nourri l’histoire politico-intellectuelle de la péninsule italienne depuis le Risorgimento. En s’inscrivant dans un horizon littéraire, le mythe séduit les esprits et se transfère en permanence sur le plan de l’action politique au détriment de la formation d’une solide culture réformiste. Telle est la thèse que Paolo Buchignani présente dans Ribelli d’Italia. Il mito della rivoluzione da Mazzini alle Brigate rosse. Cet ouvrage se propose de réfléchir aux racines et à l’évolution du mythe révolutionnaire en Italie pour montrer comment celle-ci a pu nourrir le totalitarisme en jouant sur une vision radicale qui interprète l’histoire nationale comme une longue séquence de révolutions trahies ou inachevées. Selon l’auteur, cette profonde « culture de la révolution » ou « idéologie italienne », relèverait de l’enracinement d’un jacobinisme radical qui aurait profondément influencé la façon de concevoir l’action pour le changement, au point que tout l’univers révolutionnaire italien, gauche et droite confondues, se réclame du concept de trahison.

  • Page 223 à 226 : Jérémy Guedj, Barbara Meazzi (dir.), « La culture fasciste entre latinité et méditerranéité (1880-1940) », Cahiers de la Méditerranée, n° 96, décembre 2017 : présenté par Jean-Yves Frétigné

Le Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine de Nice, qui publie depuis bientôt 60 ans les Cahiers de la Méditerranée, renoue, dans ce dossier, avec ses domaines de prédilection : le fascisme, les relations franco-italiennes, ainsi que l’étude des circulations politiques et culturelles. Comme l’indiquent dès l’introduction les coordinateurs, Jérémy Guedj et Barbara Meazzi, l’objectif est de proposer une lecture latine et méditerranéenne de la culture et de la politique fascistes, selon une perspective résolument transnationale. L’attention concerne autant les idées elles-mêmes de latinité et de « méditerranéité » – néologisme attesté depuis les années 1990 – que les acteurs, les moyens et les enjeux de leur diffusion. Quinze articles, dus à des chercheurs d’horizons disciplinaires variés (historiens, littéraires, civilisationnistes), explorent ainsi la question, selon diverses approches et échelles, le dossier se concluant par une mise en perspective comparée, avec le cas allemand, confiée à Johann Chapoutot.

© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)