La musique traditionnelle antillaise trouve ses lettres de noblesse avec ses sonorités, qui sont reconnues dans le monde entier. L’ouvrage de Lionel Arnaud, richement documenté, met en exergue l’utilisation des tambours comme objet de compréhension de la société antillaise des années 1945 à nos jours.
Introduction
Celle-ci contextualise géographiquement et historiquement l’étude menée par l’auteur. Lionel Arnaud explique également sa méthode de travail, et le choix de l’association Tanbo bô Kannal. Cette association de percussion traditionnelle, située dans un des quartiers les plus pauvres de Fort de France, a su tirer son épingle du jeu et se politiser sans être récupérée par les institutions.
Chapitre 1 : Du bélè des mornes au bèlè des villes
Le rejet du bèlè par les classes supérieures a permis son utilisation et sn perfectionnement par les classes exclues du fonctionnement particulier de la société martiniquaise.
Ce premier chapitre s’attache à montrer l’évolution de la société caraïbéenne «fortement marquée par l’esclavage, à une société de consommation ».
Chapitre 2 : Bo Kannal, un « conservatoire culturel »
Décliné en trois parties, ce chapitre analyse la force de ce groupe informel, à résister à l’évolution de la société martiniquaise. Comment ? En ne faisant pas une course effrénée à l’individualisme et au capitalisme, mais par un maintien des traditions, de la « famille », du « quartier ». Puis, l’auteur s’arrête sur Victor Treffre , un des fondateur de l’association, et le principal interlocuteur avec les autorités municipales foyalaises. Le terme de potomitan permet de définir son rôle de « poteau au milieu », c’est-à-dire médiateur.
Enfin, l’auteur expose une idée très intéressante : l’utilisation de la culture comme facteur de socialisation et de cadre essentiel pour les habitants du quartier.
Chapitre 3 : De la « conscientisation » à la politisation ?
Le quartier devient, selon l’auteur, un espace de prise de conscience « endogène ». L’accent est mis sur le Carnaval ayant traditionnellement lieu en début d’année, avant l’entrée en Carême.
Ici, Lionel Arnaud montre « comment le groupe s’est progressivement affirmé comme un free space, mais fut aussi sujet à récupération politique contre la présence de l’Etat.
Chapitre 4 : De l’action culturelle à la gouvernance urbaine des associations culturelles
Devant la multiplication des mouvements culturels, l’auteur questionne quant à la potentielle survie de TBK face aux travaux de rénovation urbaine de la ville de Fort-de-France.
Force est de constater, que le mouvement s’est adapté aux mutations économiques, paysagères et sociales que connaît la Martinique durant les Trente Glorieuses.
La reconnaissance du bèlè a participé à la reconnaissance de l’association musicale et des danses qui l’accompagnent.
De profonds changements culturels sont à l’œuvre dans les années 1990-2000, forçant une restructuration de l’association, « via la diversification » de ses activités. Comme le dit l’auteur , ces changements « bousculent en profondeur l’économie morale sur laquelle s’etait fondé jusqu’alors l’agir culturel des habitants de Bô kannal. »
Chapitre 5 : Agir pour la culture en Martinique : Les nouvelles économies (morales) de la tradition
Dans ce dernier chapitre, l’auteur analyse l’évolution de TBK selon trois approches : celle des militants-entrepreneurs face aux institutions et leur verticalité, l’approche didactique avec la des militants- artistes et ardents défenseurs d’une version rigoureuse de la musique et de la danse. Enfin l’approche esthétique, voulant rassembler les Martiniquais.
L’auteur résume toute sa logique intellectuelle de façon efficiente, et ouvre sur l’avenir incertain de TBK. Ses dernieres phrases sont éclairantes quant au sujet traité :
« L’avenir dira comment ces évolutions seront pensées, subies ou appropriées par les amateurs des musiques. (…) Bo Kannal conservera non seulement a mémoire de ses traditions mais aussi de ses militants(…) qui n’ont eu de cesse, au fil des générations, de danser et de lutter. De lutter en dansant. »
Lionel Arnaud signe ici, un ouvrage, précis, illustré, passionnant sur les musiques et danses martiniquaises comme moyen d’expression et de lutte contre les évolutions menaçant les traditions. Les photographies de Jean-Michel Terrine nous plonge dans la joie et l’atmosphère créée par la musique et les danses…. Tout cela est intellectuellement stimulant et donne envie d’aller vivre un Carnaval….Bo Kannal !