Ce recueil présente les biographies des onze Filles du Roy qui ont vécu à Repentigny au XVIIe siècle. Il est né de la collaboration de l’Atelier d’histoire de Repentigny et de la Société d’histoire des Filles du Roy. Il s’agit de faire renaître ces femmes indispensables à la survie de la Nouvelle-France.

aDans sa présentation, Danielle Pinsonneault, présidente de la Société d’histoire des Filles du Roy, rappelle ce que furent les Filles du Roy suite à la décision royale de 1663 d’un plan d’immigration de filles et femmes à marier, dotées par le roi. Pendant une dizaine d’années, environ sept cent soixante femmes ont débarqué dans la rade de Québec, pour se marier, avec un colon, et vivre sur une terre à défricher, fonder une famille et faire des enfants pour peupler la colonie. La Société d’histoire des Filles du Roy entend garder vivante la mémoire de ces pionnières comme elle l’a déjà fait pour Lles pionnières de la Seigneurie de la Prairie et celles de Montréal.

Des femmes présentes aux autres, dans un milieu tricoté serré

Marie Royal et Michelle Desfonds, coordonnatrices du projet rappelle le travail d’Yves Landry, qui a fait des Filles du Roy le sujet de sa thèse de doctoratsoumise en 1989 à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris et sa définition des Filles du Roy : « Toute immigrante, célibataire ou veuve, venue au Canada entre 1663 et 1673 et ayant vraisemblablement bénéficié de l’aide royale dans son transport ou son établissement. »citation p. 26. Arrivées entre 1663 et 1673, par leurs nombreux enfants elles ont permis le triplement de la population en 20 ans.

Celles dont il est question dans cet ouvrage viennent de quatre régions : Île de France, Normandie, Orléanais et Lyonnais. Elles arrivent dans un moment favorable, la paix a été signée avec les Iroquois. Sans connaissances dans ce pays elles ont rapidement tissé des liens entre elles comme en témoigne leur places de marraines des enfants des unes et des autres. Le dénombrement de 1677 du « fief et seigneurie de Repentigny » permet de situer les terres données en censive, aux 30 premiers censitaires du seigneur Jean-Baptiste Legardeur de Repentigny, dix sont des époux de Filles du Roy.

Les autrices présentent rapidement ce groupe de femmes d’après les sources disponibles (BMS, recensements, actes notariés) et les traits généraux de leur vie : situation d’origine, nombre d’enfants, veuvage, une espérance de vie plus longue que si elles étaient demeurées en France. Elles décrivent succinctement la vie dans la Seigneurie de Repentignycarte p. 12, en aval de Montréal.

Vers le nouveau monde : d’un port français jusqu’à la terre d’accueil

Nicole Lessard décrit une traversée dangereuse et peu confortable : « les passagers du commun sont confinés dans la « Sainte-Barbe », « serrés comme des sardines », selon le témoignage du père jésuite Louis François Nau. L’endroit étant haut d’à peine un mètre soixante, on ne peut pas s’y tenir debout. »p. 39.

Après l’escale sur le Grand Banc de Terre-Neuve pour se réapprovisionner en eau douce le voyage se poursuit, la remontée du Saint-Laurent demeure une épreuvecarte p. 41. De Québec à Montréal il faut encore une semaine, accueillies et hébergées à la maison Saint-Ange, puis à l’ouvroir de la Providence, elles rejoindront la Seigneurie de Repentigny après leur mariage.

Repentigny au temps des filles du Roy

François Longpré présente la seigneurie. A l’origine Jean-Baptiste Legardeur s’installe dans cette seigneurie avec environ trente colons venus de Québec. Cette famille de Normands est arrivée en Nouvelle-France en 1636 avec Pierre Legardeur, son fils Jean-Baptiste, sa mère Catherine de Cordé, dame de Repentigny. C’est Jean-Baptiste qui reprend, à la mort de son père les concessions territoriales de la rivière L’Assomption et de la rivière Saint-Michel (Bécancour) en face de Trois-Rivières, obtenues auprès de La Compagnie de la Nouvelle-France en 1647. Des débuts difficiles car désargentés et dans un climat de crainte des attaques iroquoises.

L’auteur décrit le système seigneurial, copie du système de la métropole. En 1673, Jean-Baptiste Legardeur fait construire dans son domaine un moulin à farine en bois, mû par le vent. Les dénombrements permettent de se faire une idée assez précise de ce que sont les censives cédées aux colons. En 1678 une première chapelle est construite. À la mort de Jean-Baptiste, en 1709, son fils Pierre, sieur de Repentigny, devient donc seigneur. Il laisse à sa femme, Agathe de Saint-Père, une procuration pour l’administration des biens de la famille, une seigneurie endettée. Elle va gérer avec efficacité, agrandir les terres par l’achat de la Seigneurie de La Chesnaye, investir et accueillir de nouveaux colons venus de Montréal, après 1701. L’auteur décrit les évolutions de la seigneurie au début du XVIIIe siècle.

Repentigny au fils des édits

Cet encart présente, à partir des Extraits de La Nouvelle-France au fil des éditspar Philippe Fournier, Québec, Septentrion, 2011 des textes, sources de 1663 à 1760Pages 67 à 83 : de l’Édit concernant la création du Conseil souverain de Québec à l’ Obligation à tous les habitants de se munir de fusils dans les maisons (1682) ; de la Discussions en vue de régler l’emplacement de l’église de Repentigny à une Ordonnance forçant le remboursement des frais pour les soins donnés à un enfant trouvé.

Biographies des Filles du Roy

Ce sont onze portraits précis, pour chacune on apprend ses origines, y compris une des rares étrangères Marie Anne Bamont née en Belgique, le mariage, l’établissement à Repentigny, vie de famille et histoire de la descendance, la vie sociale et économique. Au fil des pages le lecteur entre dans la vie de Marie-Anne Bamont, Françoise Barbery, Marie Chrétien, Denise Colin, Marie Deshayes, Marie-Madeleine Duval, Jeanne Gruaux, Marguerite Jourdain, Marie Lemaire, Anne Poitron et Jeanne Sederay.

Il y découvre les contrats de mariage annulés pour un meilleur parti (Françoise Barbery), l’attrait de l’uniforme (Marie-Madeleine Duval), les veuvages et remariages, le dernier bateau avec Denise Colin qui voyage sur La Nouvelle-France parti de La Rochelle en 1673, les attaques iroquoises (Marie Chrétien, Denise Colin). Mais aussi celles et ceux qui déménagent fréquemment quand d’autres installent pour plusieurs générations, les femmes des soldats du régiment de Carignan-Salière comme Jeanne Gruaux et ses deux maris Jean René, originaire de Corconne (évêché de Nîmes) et Jacques Pigeon

De courts encarts en rapport avec un portrait abordent des sujets généraux :

  • La famille MorisseauDescendance du couple Bamont-Morisseau, des voyageurs vers l’Ouest et décrit la vie des coureurs des bois
  • sages-femmes en Nouvelle-France
  • Une rencontre improbable ou le dialogue imaginaire des Filles du roi devant l’église de Repentigny en construction, une façon de donner des détails sur le quotidien
  • une journée dans la vie de Denise Colin ou le récit de ce qu’a pu être une journée dans la vie d’une Fille du Roy, au milieu des aléas de sa vie
  • Loger et apprendre chez Marguerite Bourgeois : l’ouvroir de la Providence est un des lieux qui hébergeait les filles à marier à leur arrivée, tenu par la Congrégation Notre-Dame. L’œuvre de Marguerite Bourgeois, arrivée en 1653 fut d’organiser la première école en Nouvelle-France, une étable à Ville-Marie en 1658 où sont passés nombres de jeunes québécois. L’ouvroir outre l’accueil à la descente du bateau fut aussi une école d’enseignement domestique.
  • Les attaques iroquoises à la seigneurie de Repentigny. C’est l’occasion de montrer les défenses de la colonie : milices, régiments envoyés comme le plus célèbre : le régiment de Carignan-Salière, les effets des attaques comme l’abandon des concessions trop risquées.
  • Les ex-militaires censitaires à Repentigny : Nombreux sont les soldats envoyés défendre la Nouvelle-France, notamment ceux du régiment de Carignan-Salière, qui restent dans la colonie (400 d’entre eux, un peu moins de 200 marient des Filles du Roy). Il est vrai que le roi accorde à chaque militaire qui s’installe des vivres pour une année, un montant selon le grade (100 livres pour un soldat) et une terre pour y bâtir une maison, produire la nourriture suffisante pour répondre aux besoins d’une famille. Après 1670, La paix a été signée le 8 juillet 1667, une dizaine de tous ces anciens soldats quitte l’uniforme pour défricher la terre à Repentigny comme le montre les actes de naissance ou de mariage. Yves Chevrier décrit rapidement les troupes présentes dans la colonie aux XVIIe et XVIIIe siècles, ainsi que les guerriers amérindiens alliés de Français : Hurons et Algonquins.
  • Repentigny, un relais sur le chemin du roi : Si longtemps les communications se sont faites par la voie d’eauLe fleuve Saint-Laurent, que Les Algonquins nomment Magtogoek, c’est-à-dire le « chemin qui marche »,assez vite un chemin se dessine sur la grève. Ainsi L’acte de concession consenti à Pierre Legardeur en 1647 précise l’obligation de « laisser un chemin royal sur le dit fleuve Saint-Laurent […] à prendre du bord du dit fleuve en la saison qu’il est le plus élevé »cité p. 298. En 1706 est prise la décision de construire un chemin le long du fleuve, reliant Québec et Montréal, grâce au système des corvées. Comme le trajet entre Québec et Montréal prend de quatre à six jours, des relais sont créés, distants de trois à quatre lieues.

La carte de RepentignyCarte de la seigneurie de Repentigny indiquant les numéros des terres données en concession par le seigneur Legardeur de Repentigny. (p. 382-383) Extraite de Christian Roy, L’histoire de Repentigny., datée de 1882 illustre bien la disposition des concessions perpendiculaires au fleuve

Une chronologie des principaux événements reliés au développement de la Nouvelle-France et de la Seigneurie de Repentigny au temps des Filles du Roy et une abondante bibliographie complètent l’ouvrage.