Avec cet album, nous inaugurons un nouveau partenariat avec un éditeur. Cette fois, il s’agit d’une maison d’outre-mer, de Saint-Denis-de-La Réunion : Des Bulles dans l’océan. Et ce partenariat part sur d’excellentes bases.

La Réunion Kely est le nom d’un bidonville d’Antananarivo (Antà), le plus grand de la capitale malgache, mais dont les auteurs n’expliquent pas l’origine. Comme souvent, ceux qui y arrivent sont souvent des ruraux qui ont quitté leur village pour améliorer leur condition, avec le lot de désillusion qui pend immanquablement aux basques de leurs espoirs.

Fabrice et sa famille sont précisément de ceux-là. Hors de question de retourner au village : c’est une question d’honneur. Il faut sauver la face, quoi qu’il en coûte. Pour survivre, il faut accepter d’effectuer la moindre tâche rémunérée. Alors Fabrice récupère, revend. Quand la chance lui sourit, il réussit à obtenir un travail normal : livreur de pierres précieuses, par exemple. Mais cette chance a aussi son revers : on attire la convoitise, les coups, et le vol. Et c’est le début de la descente, car il faut rembourser le patron… À quoi s’ajoute l’instabilité politique, comme le coup d’État de 2009. Il faut trouver un terrain libre, à la Réunion Kely, et bricoler une nouvelle habitation avec ce qu’on découvre comme matériaux. L’abri est précaire, tout comme la vie. Si la solidarité existe, il y a aussi des règles à respecter pour pouvoir survivre. Il faut aussi économiser sou à sou pour pouvoir s’offrir le commerce rêvé : celui qui fait qu’on pourra revenir au village la tête haute. Le moindre petit plaisir coûte énormément.

Le style graphique de Liva Rajaobelina est très original. Comme l’indique l’éditeur, il a recours à « une technique dit à la sanguine à partir de croix au stylo bille et de grattage à la lame de rasoir sur un papier lisse et épais ». Cela donne un dessin en noir, très précis, extrêmement réaliste, qui permet un jeu d’ombres et de lumière particulièrement saisissant. Il permet également une puissance d’ « expression des visages » qui laisse toute leur place aux émotions.

Avec La Réunion Kely, on entre de plain-pied dans un univers qu’on peine à décrire avec des mots : il fallait bien la force des dessins de Liva et du scénario de Dwa pour nous le rendre sensible.

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Frédéric Stévenot, pour Les Clionautes