CR par Emmanuel Bain

Alain Erlande-Brandenburg est un spécialiste reconnu de l’art gothique, plus particulièrement de l’architecture, sujet sur lequel il publie abondamment. Son dernier ouvrage, publié aux éditions Picard, porte un titre accrocheur : La révolution gothique (1130-1190). Une telle formulation laissait espérer une perspective qui dépasserait la stricte histoire de l’art pour rejoindre une histoire sociale. On peut être de ce point de vue déçu. En revanche, l’auteur propose un manuel complet et à jour sur l’art gothique, probablement appelé à devenir un ouvrage de référence pour l’art religieux.

Il aborde successivement trois aspects : l’architecture, la sculpture puis les vitraux. L’architecture occupe la plus grande partie de l’ouvrage. L’auteur l’étudie suivant plusieurs angles. Il évoque d’abord les rôles du maître d’ouvrage (les commanditaires) et du maître d’œuvre. Cette partie montre le souci des premiers pour l’accueil des laïcs, tandis qu’il analyse aussi les outils (notamment plans ou maquettes) dont disposent les maîtres d’œuvre et la question de la main d’œuvre à laquelle ils peuvent recourir.

Il considère ensuite les édifices selon leurs parties (voutes, ouvertures, colonnes, murs etc.) dans le but de présenter la révolution technique que représente l’art gothique.

Dans un troisième temps, forcément long, sont présentées, classées par ordre chronologique, une série de monographies sur les monuments les plus connus des années 1130-1180. Sur chacun d’eux, A. Erlande-Brandenburg présente les étapes de la réalisation et identifie le maître d’ouvrage, en étant soucieux de corriger les cadres chronologiques et surtout de rechercher l’état du XIIe siècle, ce qui est souvent délicat à cause des restructurations ultérieures.

La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à l’ « image », en fait à la sculpture. Après un rapide regard historiographique, sont présentés, à travers divers exemples, les différents lieux du monument où figurent les sculptures. A. Erlande-Brandenburg présente ensuite succinctement les conditions techniques de la création : la formation des sculpteurs, le lieu de la réalisation de la sculpture, le fonctionnement des ateliers. Le chapitre suivant étudie les « œuvres », c’est-à-dire de nombreux ensembles sculptés replacés dans leur contexte.

La dernière partie est très brève : un chapitre porte sur les vitraux dont l’auteur souligne le coût et les fonctions. Un ultime chapitre de deux pages porte sur le matériel liturgique.

Cet ouvrage constituera donc un ouvrage de référence où puiser des informations précises sur la réalisation des œuvres architecturales les plus marquantes de l’art gothique du XIIe siècle. La réalisation du livre lui-même est quelque peu décevante : si la couverture et les planches sont très belles, comme le sont habituellement les ouvrages des éditions Picard, l’iconographie intérieure présente le double intérêt d’être très riche et commentée, mais elle est constituée essentiellement d’images en noir et blanc qui semblent assez anciennes et dont la qualité esthétique est assez médiocre.