Comment nos voisins belges se saisissent de l’enseignement de l’histoire et de la géographie à l’école primaire ? Démarches, documents, objectifs à atteindre…la situation est-elle comparable à la notre au travers de l’approche d’un manuel ?

La collection « Escales » des éditions De Boeck s’organise autour d’un guide pédagogique, d’un cahier d’activités et d’un fichier de documents couleur pour l’élève appelé « Doc’s en stock » rédigés par un collectif d’auteurs tant directeur et directrice d’école qu’inspecteur et inspectrice.

La lecture du volume 5-8 ans, « Vivre l’espace et construire le temps » laissait entrevoir quelques pistes intéressantes comme la référence à des compétences mixtes à ces deux domaines, la prise en compte des élèves non lecteurs dans les activités ou encore des déclenchements d’activités séduisants comme la correspondance scolaire par exemple. La formulation de la progression liée à l’espace s’avérait, elle aussi, tout à fait plaisante, privilégiant le spiralaire et les allers-retours permanents entre les échelles pour en saisir toutes les complémentarités.

Le guide pédagogique de ce volume 10-12 ans, « Histoire Géographie », expose une démarche laissant, ici également, transparaître de bonnes choses ça et là. La définition de la méthodologie de la géographie apparaît bien pensée autour de l’humain et des lois d’organisation de l’espace (dont certaines compétences sont listées un peu après : « caractériser des fonctions de résidence, de production, d’échanges… », « caractériser des dynamiques », « caractériser des structurations »…). On trouve également de bonnes grilles de lecture sur les plans, les espaces vécus, les codes de couleur en cartographie…

Mais lorsque l’on poursuit la lecture de ce guide et que l’on entre dans la partie « informations pour le maître », on réalise que la totalité d’entre elles concernent l’histoire à l’exception de deux rapides portraits de la Belgique et du Congo. Qu’en conclure ? La géographie va-t-elle tellement de soi pour que l’on suppose que l’enseignant n’ait pas besoin d’informations à son sujet ? N’est-elle qu’un prétexte à cadrer les analyses historiques ?

Cette seconde hypothèse n’est pas à exclure car on trouve finalement beaucoup de situations où la présentation d’un fait historique est l’occasion de présenter tel ou tel territoire. Cela peut s’avérer intéressant par endroits (découvrir le globe contemporain par le biais des Grandes Découvertes, retracer le parcours d’Hannibal sur la trame d’un voyage actuel…) mais on tombe rapidement dans l’excès (Martin Luther King qui oriente vers le pays de l’oncle Sam, le calame pour aller vers le pays de Gutemberg et les inventeurs pour découvrir celui de Denis Papin).

Cette utilisation de la géographie presque exclusivement au service de l’histoire est d’autant plus dommage que la structure de l’ouvrage évite très justement la séparation classique histoire/géographie et prend une liberté apportant une fraîcheur bienvenue.

D’autres sujets de géographie sont certes présentés (Union Européenne bien entendu mais aussi problèmes environnementaux comme cette idée du « désert qui avance ») mais avec finalement une approche très basée sur les repères, notamment physiques, les descriptions et des cadres territoriaux pris comme tels sans être discutés sur leur découpage.

Les points positifs sont plutôt à relever du côté des types d’exercices et de la variété des sollicitations à l’égard de l’élève : le cahier d’activités montre des demandes autour de la formulation de questions, de la réaction envers des caricatures jouant sur l’humour, de la réalisation de recherches en autonomie…

Au final, si ce genre de parti pris de la géographie au service de l’histoire peut avoir ses avantages par endroits (situations d’accroche motivantes, approfondissement d’un territoire donné…), elle montre également ses limites notamment si le reste de la géographie est essentiellement structuré sur l’acquisition de repères comme cela semble être le cas. Il manque par exemple d’importants volets sur les questions démographiques, les densités, les flux, les croissances et les évolutions pour bien saisir cette « organisation de l’espace » présentée en amont. Il y a donc dans cette « escale » à prendre et à laisser et le géographe sort un petit peu déçu de cette approche et de certaines séances pas forcément à la hauteur de ce que laissait présager l’attrayante partie théorique.