La Revue Dessinée pose dans son édito la question d’un appétit sans limite et il est vrai que plusieurs reportages de ce numéro insistent sur ce point, qu’il s’agisse de poisson, d’eau ou encore de pommes de terre.

Prendre la mer

Au Sénégal, la pêche est de moins en moins fructueuse et les Européens ne sont pas pour rien dans cet état de fait. Cela conduit des Sénégalais à quitter leur pays en ayant payé des sommes conséquentes pour gagner l’Europe. A travers plusieurs exemples, on découvre cette réalité du pays. Des bateaux usines raclent les fonds marins, ce qui a un impact sur un secteur qui fait vivre plus de 600 000 personnes dans le pays. Toute une économie et une société sont structurées par le poisson comme en témoignent celles qu’on nomme les « femmes transformatrices ». Il est manifeste qu’on assiste à une défaillance de l’Etat que des villageois essayent de compenser en s’organisant. Le «  En savoir plus » du reportage insiste sur le fait que de plus en plus d’embarcations disparaissent sans laisser de trace.

Loi, sport, sémantique et musique

« Au nom de la loi » raconte la façon dont l’homosexualité a été vue dans l’histoire. Au-delà de l’exemple de la Grèce antique, Jean-Christophe Mazurie évoque le fait qu’en 1750, à Paris, deux hommes condamnés pour homosexualité furent brûlés place de Grève. 1968 joua un rôle mais il fallut attendre 1982 pour l’abrogation du délit d’homosexualité.

« Mi temps » dit tout sur le ping pong ou sur le tennis de table, le premier terme évoquant plutôt le loisir là où le second désigne un sport. Il est d’ailleurs discipline olympique depuis 1988. Règles et autres effets sont expliqués au novice.

La rubrique sémantique se penche sur le terme de province. Il est souvent connoté négativement et on s’aperçoit que les grands auteurs ne sont pas pour rien dans cette image. Difficile de trouver un synonyme qui satisfasse tout le monde et finalement on constate que chaque région retrouve en son sein l’antagonisme Paris-province.

« Face B » se penche sur l’icône punk Siouxsie tandis que côté cinéma Otto T décortique « Cry baby » de John Waters.

Des frites à volonté

Ce reportage parle du business de la frite dans le Nord de la France. Les patatiers se démènent pour assouvir l’appétit dévorant des industriels de la frite. La production de pomme de terre transformée a été multipliée par cinq en vingt ans alors que la production de pomme de terre fraiche stagne. Les Hauts de France représentent aujourd’hui 63 % de la production nationale. Vendre à l’industrie de la frite est moins contraignant pour les agriculteurs qui peuvent dans ce circuit écouler les pommes de terre même si elles sont mal calibrées. Le paysage change et comme le foncier est cher en Belgique et aux Pays-Bas des agriculteurs s’intéressent aux terres françaises. « En savoir plus » nous apprend que chaque seconde 350 kilogrammes de frites sont avalés chaque seconde dans le monde.

Un trop long silence

Florence Baugé et Aurel lèvent le voile sur un aspect de la guerre d’Algérie. Il faut préciser qu’une version animée de leur bande dessinée sera disponible sur le site du journal Le Monde. Le reportage évoque la question des violences et des tortures sexuelles. Un tel sujet est difficile à documenter car cela faisait partie du système de répression et les femmes qui l’ont subi avaient honte de témoigner. Cependant, quand la question de la torture surgit dans le débat en 2000, cela fait remonter à la surface les souvenirs de Louisette Ighilariz. Elle a cherché à  retrouver le soldat qui l ‘a alors épargnée. D’autres personnes commencent alors à témoigner.

Job dating à l’Education nationale

S’il y a un sujet qui fait parler en ce moment, c’est bien celui du job dating dans l’Education nationale. Pourtant, les auteurs du reportage tiennent d’abord à rappeler que le phénomène n’est pas nouveau mais il s’est néanmoins accéléré. Entre 2005 et 2019, le nombre d’agents recrutés sans avoir le statut de fonctionnaires a augmenté de près de 50 %. Il se pose le problème de leur formation mais l’enquête interroge aussi la perte d’attractivité du métier. Le «  Grenelle de l’éducation » n’a pas produit de choc décisif en matière de rémunération. La situation est contrastée selon les matières et les zones géographiques. Il ne faut pas oublier non plus que le nombre de contractuels est important dans le supérieur.

Apiculture et sciences

On a coutume de dire que trois quarts des cultures mondiales dépendent de la pollinisation animale. Pour remplacer certaines colonies décimées, des apiculteurs se tournent vers des espèces exotiques plus productives. On a souvent une vision romantique de l’apiculteur et pourtant les chiffres délivrent une toute autre image. En France, 4 % des apiculteurs produisent les deux tiers du miel. Ce qui est certain, c’est que les insecticides ont massivement tué les abeilles et on assiste à la disparition progressive de l’abeille noire. Le paradoxe aujourd’hui c’est que des conservatoires interviennent pour multiplier la génétique de l’abeille noire alors qu’ils défendent une apiculture moins interventionniste. Cependant, que deviendraient-elles sans ce coup de pouce ?

Le numéro 38 évoquera le Grand Nord, se penchera sur le diktat des algorithmes mais aussi sur les paris sportifs.