Dans son édito, « La Revue Dessinée » rassemble plusieurs des contributions de ce numéro et se demande si nous ne sommes pas, par nos comportements, en train de scier la branche sur laquelle on est assis. Le numéro nous interroge donc sur la gestion des ressources de la planète,  sur le devenir des déchets mais aussi invite à se questionner sur notre obsession à vouloir tout évaluer.

 

Sous la bonne étoile

C’est d’ailleurs l’objet du premier reportage que de faire réfléchir à notre obsession contemporaine de la notation. Evaluer est devenu une véritable économie florissante. Prenant appui au départ sur la série « Black Mirror », on bascule ensuite vers une réalité qui est déjà là. En effet le livreur de chez Darty est noté et, si le résultat n’est pas au moins de 7, les problèmes commencent pour lui. Les auteurs présentent Fred Reichheld qui est à l’origine de ce système de notation de 1 à 10. Aujourd’hui donc tout est noté, que ce soit les livreurs d’Uber ou les restaurants. Le problème c’est que ces notes ont l’air d’être objectives alors que les biais sont nombreux. Ces évaluations sont manipulables et le reportage détaille quelques techniques pour procéder à de tels tripatouillages. Un des paradoxes c’est donc que le consommateur peut avoir tendance à s’appuyer dessus alors que ceux qui notent en réalité sont tout sauf le consommateur moyen. Le reportage propose aussi un passage vers la notation sociale en Chine.

Homéopathie, water-polo et autres rubriques

La rubrique « Inconsciences » s’intéresse à l’homéopathie. Cécily de Villepoix raconte la genèse et les principes ainsi que les évolutions récentes liées au déremboursement. « Mi-temps » propose de tester et d’en savoir plus sur le water-polo. Vous apprendrez peut-être que le rétropédalage est une des bases de ce sport et qu’il est considéré comme un des cinq sports les plus difficiles au monde. Si l’expérience vous tente toujours, le reportage précise les règles et les dimensions de la piscine pour pratiquer. La « revue des cinés » parle de Jim Jarmush tandis que « La sémantique c’est élastique » nous initie aux subtilités de langage entre euphémisme et litote par exemple. La rubrique « Instantané » revient sur une photographie de 1938 prise par Willy Ronis. Longtemps oublié ce cliché d’une ouvrière qui mobilise la foule a finalement ressurgi plus de quarante ans après. 

Le poids des lobbies

Le point de départ de cette enquête est la démission de Nicolas Hulot. Comme toujours il faut d’abord historiciser un phénomène pour mieux l’appréhender et, sur ce sujet, on peut remonter au XIXe siècle. Aujourd’hui, il existe des formations pour devenir lobbyste même si pudiquement on parle souvent de conseil. Les lobbystes cherchent souvent à se faire engager comme assistant parlementaire pour pouvoir peser dans les décisions. Plusieurs anciens lobbystes sont même devenus députés comme Benjamin Griveaux. On est assez abasourdi de lire qu’avant 2009 il n’existait pas de législation pour réglementer ce secteur d’activité. La Haute autorité pour la transparence manque de moyens. On remarque aussi la disproportion des moyens : l’ONG la plus importante, Greenpeace, ne dispose d’un budget que d’1,8 million d’euros, là où les lobbies de l’industrie chimique affichent une somme plus de six fois supérieure. Le reportage fournit plusieurs autres exemples tous plus édifiants, par exemple sur la pratique du pantouflage qui consiste pour un haut fonctionnaire à aller travailler dans une entreprise privée. Le reportage est très complet et montre aussi les techniques utilisées par les lobbystes comme la manipulation de données scientifiques. 

Que faire des déchets nucléaires ?

Cette enquête pose la question de l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Il faut d’abord s’arrêter sur la localisation choisie, dans un département de l’hyper-ruralité avec à peine 6 habitants au kilomètre carré. Il s’agit là d’un des plus grands projets industriels d’Europe qui vise à enfouir les déchets à 500 mètres sous la terre, d’aménager 270 kilomètres de galeries soit environ la longueur des couloirs du métro parisien. On mesure aussi que le projet est sur les rails depuis longtemps et que l’argent a pu être un moyen pour convaincre des élus d’accepter un tel projet. Ainsi, les aides versées peuvent aller jusqu’à représenter 70 % du budget d’une ville comme Bar-le-Duc. Le versement se fait par l’intermédiaire d’un organisme appelé l’Andra qui avance sous forme masquée. Cet organisme finance des expositions sur le nucléaire, les forêts, l’archéologie mais distribue également des ordinateurs ou des clés USB. Mais depuis 2016, on assiste à une montée des oppositions au projet d’enfouissement des déchets dans la région. 

Interpol

Maxime Dumeurger et Jean-Paul Krassinsky se sont penchés sur Interpol. L’institution a connu récemment plusieurs scandales. A travers plusieurs exemples, on se rend compte qu’une telle machine peut être utilisée à des fins non démocratiques. On suit le cas d’un écrivain allemand d’origine turque qui fait l’objet d’une notice rouge, c’est-à-dire qu’il est recherché. Certains régimes peuvent utiliser le système d’Interpol pour traquer des opposants. Les deux auteurs reviennent sur l’histoire de cette institution née en 1923. Le 11 septembre 2001 a marqué un tournant. Le nombre de notices rouges a été multiplié par dix en quelques années. Il y a bien des tentatives pour tenter de réformer Interpol mais elles ne semblent pas pour l’instant avoir porté leurs fruits. La structure manque de financements publics et à l’inverse la part des partenaires privés augmente. 

Au mois de juin, La Revue Dessinée proposera un reportage sur la Syrie, un sur le cannabis ainsi qu’un autre sur les tribunaux d’arbitrage où les multinationales ont tendance à faire la loi. 

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes