La Revue dessinée poursuit dans sa tradition de reportages tout en insérant ça et là quelques nouveautés. Il s’agit d’une citation en dernière page, une play list et aussi une clarification des quatre revues qui forment désormais le groupe à savoir XXI, Topo, 6 mois et La revue Dessinée avec chacune leur angle particulier.

Au pays du soleil couchant

Le Japon perd chaque année l’équivalent de la population de Toulouse. Le reportage se focalise sur l’exemple de la ville de Yubari. La ville est marquée par les anciennes mines de charbon devenues aujourd’hui objets touristiques. La ville est passée de 120 000 à 9 000 habitants ! C’est la première ville japonaise à avoir été mise sous tutelle. Le cas de la ville est emblématique d’une partie de la situation japonaise puisque le pays va passer de 126 à 88 millions en 2065. Un habitant sur deux a plus de 65 ans dans la ville et un sur quatre au Japon. Paradoxe, la ville a à sa tête le plus jeune maire du pays ! Il travaille notamment pour rendre la ville plus compacte c’est-à-dire pour regrouper les habitants pour éviter à avoir à gérer un territoire beaucoup trop grand pour ses moyens financiers. Les chiffres sont là : il a du se séparer des deux tiers du personnel de la mairie. Il y a même eu une campagne nationale de dons pour redresser les finances de la ville.

Trump forcément

La revue dessinée propose comme tant d’autres son analyse du phénomène Trump. Il s’inspire d’une série documentaire intitulée «Trump, un rêve américain ». Reconnaissons le temps de réflexion pour proposer ce reportage ainsi que l’angle original avec le parallèle avec le catcheur Ventura qui eut aussi une carrière politique. Cet ancien catcheur s’était fait de la publicité politique avec une marionnette. Donald Trump, lui, était à la tête d’un show télévisé en 2004. Maxime Robin et Nicoby examinent donc en parallèle la trajectoire de Ventura et de Trump et soulignent que tous deux jouent sur l’excès, l’amplification et la démesure. Après avoir dirigé l’Etat du Minnesota, Ventura a quitté la politique laissant derrière lui un déficit de 5 milliards de dollars.

Perpète les oies, COP 21 et Patti Smith

Si vous vous êtes peut-être déjà demandé d’où venaient certaines expressions qu’on utilise, la rubrique « La sémantique, c’est élastique » est faite pour vous. Vous apprendrez l’origine de Perpète les oies ou Trifouilly ou même Pétaouchnok. « Retour sur » propose d’examiner le bilan de la COP 21 qui fut considérée comme un succès. Oui mais, depuis la signature, les Etats-Unis s’en sont retirés tandis que plusieurs Etats américains annonçaient eux des mesures concrètes et fortes. Un tiers de l’électricité de la ville de Washington viendra bientôt d’une ferme éolienne. Mais les renoncements ou les hésitations sont nombreux ce qui conduit l’article à conclure qu’on est loin du résultat escompté à Paris. « Face B » s’est intéressée à Patti Smith et raconte son histoire qui commence avec le couple mythique qu’elle forma avec Robert Mapplethorpe. Face aux multiples épreuves de la vie, elle se reconstruit grâce à l’art et à la musique. « Inconsciences » explore le cas Zimbardo et ses expériences sur les mécanismes de l’obéissance. On y découvre qu’une expérience présentée comme une référence ne s’est pas déroulée comme on le disait, mais que paradoxalement cela permet quand même de faire progresser la science.

Enquêtes sur aujourd’hui

Parmi les longs formats de cette livraison, il y a « Sortie de route » qui, à travers un exemple dans l’Yonne, aborde la question des 80 km/heure. La mesure fait dans le coin l’unanimité contre elle. C’est une enquête sur ce que les auteurs appellent les « angles morts de la sécurité routière ». Rappelons au-delà du cas de la RN 151 les chiffres généraux : 3456 morts sur les routes en 2017 soit 6 % de plus qu’en 2013. C’est sur les routes du quotidien qu’on meurt dans l’hexagone car les axes secondaires représentent deux tiers des accidents mortels. Le cas choisi est assez emblématique en terme de pourcentage et cumule plusieurs difficultés comme la visibilité, le nombre de camions. Hélène Constanty et Nicolas Pitz consacrent un autre grand format à une affaire qui ressemble à un fait divers en Corse en 2010 mais qui est plutôt un exemple de pratiques mafieuses toujours à l’oeuvre. Un troisième reportage s’intéresse aux relations entre Kadhafi et Sarkozy. Il s’agit en réalité d’un extrait d’une bande dessinée à paraitre et qui est en quelque sorte l’aboutissement d’un long travail d’investigation.

Avaler la pilule

Quentin Ravelli et Jérôme Dubois ont suivi un sociologue, Quentin Ravelli, qui s’est lancé dans la biographie d’un antibiotique. C’est en fait un prétexte pour démonter le parcours ordinaire d’un médicament où « le marché dicte sa loi et la science suit ». Ils choisissent de ne pas traiter des scandales pour se consacrer plutôt au quotidien de l’industrie pharmaceutique. Ils ont suivi le chemin de la pyostacine, un médicament banal prescrit pour soigner les infections respiratoires. L’Agence nationale de Sécurité et du médicament apparait à la fois liée aux grands laboratoires de par la formation de ses experts et sous-dimensionnée pour traiter toutes les demandes. En revanche le groupe Sanofi-Aventis affiche une santé insolente avec une rentabilité trois fois supérieure à l’industrie automobile. L’enquête est passionnante et on découvre notamment comment un même médicament peut évoluer dans le temps pour soigner d’autres pathologies que celles prévues au départ. Le reportage aborde le cas du marketing et des visiteurs médicaux dont les techniques ont évolué. On découvre une brochure qui classifie les médecins en dix tendances pour que le visiteur médical sache quel argument utiliser selon le profil ! Le lecteur n’est pas au bout de ses surprises en terme de techniques de vente.

Toujours mordante, la Revue Dessinée s’intéressera dans sa prochaine livraison aux black blocs, au cannabis ou à la SNCF.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes