Alors que la Nouvelle-Calédonie a été récemment sur le devant de la scène à l’occasion du troisième référendum d’autodétermination, parait cet album de Makyo, Gresy et Casalanguida qui raconte son histoire récente depuis les années 80.

L’album commence en présentant les protagonistes que l’on va suivre. Si Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur sont connus, les sept membres de la mission du dialogue qui sont en quelque sorte les héros de cette bande dessinée sont, hormis Christian Blanc, moins célèbres. 

Les années 1980 avant Ouvéa

On suit d’abord Christian Kozar qui, au moment de cette histoire, est chargé de mission auprès du haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie puis sous-préfet des îles Loyauté. Cette entrée permet aux auteurs d’exposer la situation en soulignant, par exemple, l’importance des traditions. En 1984, les tensions sont présentes entre Caldoches et Kanaks. Cette situation conflictuelle impacte la vie de la famille de Christian Kozar avec les barrages dressés sur les routes. A cette époque, dix militants indépendantistes, dont les deux frères de Jean-Marie Tjibaou, sont tués.

La période Pisani

Edgar Pisani est chargé de calmer la situation à partir de 1985. Il propose de soumettre à un référendum la constitution de la Nouvelle-Calédonie en un Etat indépendant associé à la France. Eloi Machoro inspirateur de la révolte est tué par le GIGN. 30 000 manifestants défilent à Nouméa pour réclamer que la Nouvelle-Calédonie reste française. Le FLKS s’oppose au projet de référendum de Pisani. Lors d’une prise d’otages, on retrouve Christian Kazar qui va habilement négocier. Il établit le contact et réussit à éviter un bain de sang. En 1985, Pisani démissionne et un nouvel équilibre politique se met en place après les élections. 

Ouvéa

Quelques années passent et c’est le moment de l’épisode de la grotte d’Ouvéa. Alors que les évènements se déroulent en Nouvelle-Calédonie, Christian Kazar est foudroyé avec son fils tandis qu’ils se trouvent à Clermont-Ferrand. Il dira que c’est un peu comme s’il avait ressenti à distance la violence de ce qui était en train de se passer à plusieurs milliers de kilomètres. Lors de l’assaut de la grotte, deux militaires sont tués ainsi que dix-neuf preneurs d’otages. L’album pointe le rôle de Bernard Pons et revient sur les paroles de Jean-Marie Tjibaou qui parla alors de « jour de honte pour la France ».

La mission du dialogue

A partir de 1988, Christian Blanc recrute Christian Kazar avec pour mission de restaurer la paix. Les différents protagonistes sont présentés et ils ont des profils très différents : un conseiller d’Etat, le recteur de l’Institut catholique de Paris ou encore le président de la Fédération protestante de France. Les membres de la commission se rencontrent et apprennent à se découvrir. Ils arrivent alors sur place mais l’accueil est plutôt froid. Très vite, ils ont le sentiment que la parole n’a pas vraiment été donnée aux Kanaks et que la description de la situation faite par les RG ou la DST ne correspond pas vraiment à la réalité.

Le dialogue

L’album arrive à mettre en scène les négociations, ce qui n’est pas forcément évident. La mission est notamment fraichement accueillie par Jacques Lafleur. On voit les membres de la commission aller à la rencontre des populations puis mettre la pression sur Jacques Lafleur. Jean-Marie Tjibaou doit aussi faire des efforts dans ces négociations d’autant que, comme l’a précédemment montré l’album, il a perdu deux frères dans le combat pour l’indépendance. Lors des déplacements des membres de la mission auprès des populations, c’est l’occasion pour les auteurs d’apporter de l’information sur la colonisation de la Nouvelle-Calédonie. Au total, les membres de la mission de dialogue ont rencontré près de 1500 personnes. 

La négociation finale

L’album raconte enfin les discussions finales. Elles se font d’abord par l’intermédiaire des  délégations. Ensuite, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou entrent en scène. On voit l’implication de ces deux leaders pour faire accepter l’accord dans leur camp. L’ouvrage contient une postface avec de nombreuses informations. Elle retrace l’histoire de la Nouvelle-Calédonie en rappelant, par exemple, qu’elle fut après l’Algérie la deuxième colonie de peuplement. Le nickel est la ressource majeure du territoire, découvert en 1864 et exploité dès 1872. De façon paradoxale, l’attaque de la grotte d’Ouvéa a sans doute permis d’éviter une guérilla qui était alors sur le point d’éclater. En effet, tous les acteurs politiques comprirent alors combien le dialogue était indispensable.

Cet album retrace donc à la fois l’épisode de la grotte d’Ouvéa qui est connu, mais aussi le moment  des négociations. Les auteurs réussissent à mettre en images ce qui pourrait sembler particulièrement ardu. L’album donne aussi un message d’espoir en mettant en avant les vertus du dialogue.

Jean-Pierre Costille