Sébastien Karminsky, est un collégien à la fois un peu autiste et un peu geek, il est surtout passionné de « canulars et autres farces sur internet ». Après les attentats du 13 novembre, il crée un site, Vendredi maudit, qu’il veut d’abord informatif (« dans une première phase, ce pourrait être en créant un site dédié qui ne recueillerait que des informations fiables, réelles, vérifiées et glanées jusque dans les coins les plus obscurs du web » p. 19) mais qu’il destine en réalité à « créer un canular de portée mondiale […] afin « d’entraîner le monde crédule vers les délires les plus extravagants » (p. 20). Rapidement, un certain Lucidas le contacte, le tente avec de soi-disant informations inédites susceptibles d’alimenter Vendredi maudit. Poussé par la curiosité par la volonté d’être le créateur d’un site qui rencontre toujours plus d’audience et par le sentiment qu’il contrôle une situation, qui en fait lui échappe de plus en plus, Sébastien devient le diffuseur de théories complotistes d’abord farfelues au sujet des attentats du 13 novembre 2015, puis franchement diffamatoires au moment de la publication du dernier article, « injurieux et accusant nommément plusieurs personnalités politiques au pouvoir de haute trahison » (p. 112). Notre jeune héros, déjà victime d’isolement social, connaîtra une marginalisation encore plus importante au sein de son collège, sera même violenté et finira dans les locaux de la Surveillance du Territoire, soupçonné d’appartenir à un réseau terroriste…
Au fil des 174 pages découpées en 20 chapitres, Arthur Ténor, ancien instituteur qui se consacre à la littérature pour jeunesse depuis 1998, nous fait entrer dans l’univers du complotisme et de la manipulation sur internet. En effet, depuis les attentats de Charlie Hebdo, une véritable résurgence de ces thèses est apparue, qui ne sont portant ni récentes, ni réservées à la France. Une étude récente de l’IFOP réalisée en ligne entre le 19 et 20 décembre 2017 sur un échantillon de 1252 personnes et publiée dimanche 7 janvier 2017 affirme que 79% des Français croient au moins à une théorie conspirationniste. Les jeunes, s’ils ne sont pas les seuls destinataires de ces théories, en restent néanmoins les cibles privilégiés. D’ailleurs les recommandations de l’éducation, via les fiches Eduscol, encouragent les enseignants à « accompagner leurs élèves dans un travail de réflexion et de mise à distance critique des informations qu’ils reçoivent et diffusent, en questionnant leur usage des médias, en particulier les réseaux sociaux ».
La théorie du complot se lit facilement même si quelques aspects caricaturaux sont à relever :
La personnalité des personnages est très marquée et la position de Sébastien oscille entre un méchant Lucidas qui n’hésitera pas à le menacer (« Trahis-moi et demain ta jolie trombine circulera sur tous les réseaux sociaux de la planète web » (p. 116) et la gentille Hespérie, véritable voie de la raison
Sébastien, lui-même est présenté comme un génie de l’informatique, autiste et isolé socialement, rendant son personnage marginal et auquel le lecteur ne pourra pas toujours s’identifier
La situation devenue incontrôlable au point que les hommes du RAID fassent une perquisition à 6 heures du matin au domicile du jeune Sébastien, qui parvient malgré tout à conserver un trait d’humour « C’est bon, monsieur, j’avoue tout. Je suis un extraterrestre envoyé en mission d’observation sur la terre » (p. 159)
Le roman complétera donc de façon utile les outils dont les enseignants disposent déjà afin de travailler des thèmes et des compétences, plus que jamais au cœur de l’actualité :
– lien étroit entre les adolescents et internet
– responsabilité individuelle et internet
– vérifier une information
– exercer son esprit critique
D’ailleurs, le site internet de l’éditeur propose d’ailleurs des pistes de réflexion pédagogique en français comme en EMC.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter :
La riche bibliographie proposée par Cécile Dunouhaud, professeur agrégée au lycée Marguerite Yourcenar (Morangis) : Le texte de la communication « De la confiance à la défiance : les sciences face au complotisme », présentée à le 7 octobre 2017, à l’occasion de la 20e édition des Rendez-vous de l’Histoire de Blois.
Le site internet de l’éditeur proposant des réflexions pédagogiques.