Le livre est agrémenté de dessins de Daniel Casanave. Ils ont donc rassemblé leurs histoires les plus édifiantes après les avoir vérifiées, car sur ce genre de sujet, il peut y avoir beaucoup de distance entre le discours tenu et la réalité. Les auteurs souhaitent aussi mettre en avant, non pas les morts héroïques qui abondent dans les livres d’histoire, mais celles qu’ils regroupent sous le terme de stupides. Toutes les époques sont abordées, de l’Antiquité à aujourd’hui. Une petite formule accompagne chaque personnage pour qualifier sa mort.
120 récits de morts en dix chapitres
Le livre propose donc un tour d’horizon autour d’une centaine de personnages. Il fallait néanmoins trouver à organiser un tel inventaire. L’angle choisi a donc été de classer les morts selon des types : trop gourmands, trop libertins, ou encore trop tranquilles. Au total dix thèmes. Le livre propose en outre un index des personnes citées. Les auteurs ont choisi d’écrire sous forme rapide car, en général, chaque cas est traité en deux pages. Chaque chapitre évoque aussi à la fin quelques autres exemples sous forme brève.
Parmi ces 120 personnalités certaines sont évidemment plus connues. Les catégories proposées sont parfois très larges comme celle qui regroupe les trop sensibles.
Trop gourmands de chair…. ou de chair
Deux rubriques s’intéressent aux trop gourmands et aux trop libertins. Dans la première catégorie, on trouvera l’inévitable Vatel et son suicide. Moins connu sans doute, est l’acteur Mitsugoro, amateur de fugu, qui ne résista pas, au contraire de ses dires, au poison mortel de ce poisson. Plus drôle, si l’on peut dire, est la rubrique consacrée aux libertins. On retrouve le célèbre Félix Faure. Au passage, Bruno Fuligni dresse un portrait de l’homme peu flatteur, car il se fit même dessiner un projet de costume présidentiel, qui n’attira que des silences gênés lors de sa présentation aux ministres. Plus près de nous, Mgr Daniélou mourut dans des circonstances peu compatibles avec sa condition religieuse.
Trop curieux parfois !
Cette catégorie recèle de multiples cas intéressants. Le pape Jean XXI qui vécut au XIII ème siècle était passionné par la médecine. Il fit installer un cabinet médical dans son palais….mais à cause sans doute du poids de l’ensemble le plancher du cabinet s’écroula entrainant le pape dans sa chute. Franz Reichelt, né en 1878, tailleur de son état, inventa un costume parachute qu’il décida d’essayer à la Tour Eiffel. Au dernier moment il remplaça le mannequin par lui-même, et s’écrasa au sol sous l’œil des caméras. Cet exploit fut donc filmé en direct ! Parfois, les cas abordés permettent de remettre sur le devant de la scène des personnages oubliés comme Rosalind Franklin. Elle joua un rôle essentiel dans la découverte de l’ADN, mais elle fut victime de la misogynie de l’époque. En plus ses travaux l’exposèrent aux rayons X et elle mourut prématurément à 37 ans. Elle ne fut jamais reconnue pour les travaux sur l’ADN car le Nobel ne peut être décerné qu’à des personnes vivantes.
Quelques autres cas « remarquables »
On retiendra dans cet ensemble le cas d’Ignace Philippe Semmelweis. Ce médecin aurait pu sauver de nombreuses vies si on l’avait écouté. Il fut le premier à approcher l’idée de microbes mais il ne fut pas bien accueilli par ses collègues médecins qui voyaient là une attaque contre eux. Quant il se décide enfin à publier ses recommandations, il y ajoute de violentes critiques contre ses collègues qui se déchainent contre lui. Le message est brouillé et quelques années plus tard on le retrouve interné dans un asile.
Jack Daniel, c’est d’abord une success story dans le domaine du whisky. Mais l’homme avait un sacré caractère et un jour, face à son coffre fort, il bute sur la combinaison. Fou de rage il tape dedans et se fracture un orteil. La plaie s’infecte et il meurt au bout d’une semaine d’une septicémie. Aujourd’hui le grand bonheur des touristes est de se faire immortaliser en train de frapper le coffre.
Morts en service
William Henry Harrison fut le président américain qui resta le moins longtemps en fonction avec 32 jours de mandat avant de succomber à une pneumonie. Certains n’eurent même pas le temps de profiter de leur élection comme Auguste Ferret. Il meurt au moment du dépouillement sans donc savoir qu’il a remporté le siège de député.
Maurice Berteaux, ministre français de la guerre, assiste au départ de la course aérienne Paris-Madrid, mais un avion s’écrase et le tue. Il est le seul ministre de la guerre tué en exercice.
Trop actifs contre trop tranquilles
Deux chapitres sont consacrés à ce type de morts. On retrouve par exemple Henri II qui succomba à un coup de lance durant un tournoi. Malgré l’aide de deux médecins célèbres, Ambroise Paré et André Vésale, il succomba à ses blessures. Raymond Johnson Chapman mourut lui d’une balle de base-ball reçue en plein visage. Jules Dumont d’Urville, le célèbre explorateur qui avait vaincu tant d’obstacles mourut d’un des premiers accidents ferroviaires de l’histoire en banlieue de Paris.
On apprendra peut-être que Franco n’était pas celui qui devait mener le coup d’état. Le général Sanjurjo meurt dans un accident d’avion, puis trois mois plus tard c’est au tour de son second, le général Mola de décéder dans les mêmes circonstances : Franco s’impose donc. Parmi les personnages célèbres, il y a ceux qui sont souvent réduits à une histoire : tel est le cas du colonel Fabien. On le résume à l’assassinat d’un aspirant de la Kriegsmarine, mais on sait sans doute moins que Pierre Georges était casse-cou et volontiers farceur. Il meurt après un démontage hasardeux de mine, mais la chose fut tue car elle cadrait mal avec son image de héros et de résistant.
Difficile donc de résumer un tel livre qui égrène plus de cent portraits. Si on peut discuter les têtes de chapitres proposées, elles ont le mérite d’organiser cet étrange listing mortuaire. Abordant et démythifiant certains cas, le livre propose donc son lot d’anecdotes et une approche décalée de l’histoire. Le livre est à la fois divertissant et documenté.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes