Ce livre est la toute nouvelle version de celui paru en 2010 aux Editions Perrin. Son auteur, Neal Bascomb, est journaliste au New York Times, on lui doit plusieurs livres d’histoire pour le grand public. Le récit débute en 1944, lorsque l’Oberstrurmbannführer Adolf Eichmann, alors âgé de 38 ans, est chargé de ratisser la Hongrie et notamment le ghetto de Munkács afin d’en éradiquer les Juifs. Il se termine en 1962 avec sa pendaison suite au procès retentissant de l’année précédente.

L’ouvrage s’attache à retracer méticuleusement la fuite puis la traque d’Adolf Eichmann, un des responsables de la mise en œuvre de la Solution finale. Afin de retracer la vie du criminel nazi ainsi que que le parcours de ses « ravisseurs », l’auteur s’appuie sur des sources nombreuses et variées : des archives argentines, israéliennes et allemandes, celles de Yad-Vashem ou de l’United States Holocaust Museum de Washington DC, des ouvrages ou articles et notamment ceux rédigés par les protagonistes de cette histoire : les mémoires d’Adolf Eichmann, les livres de Simon Wiesenthal, de Peter Malkin, de Isser Harel ou de Tuviah Friedman.

Dans un premier temps, Neil Bascomb s’intéresse à la fuite d’Adolf Eichmann dont le nom apparaît rapidement sur les listes de criminels de guerre à arrêter. Ce parcours emmène le lecteur de la Hongrie à l’Argentine en passant par l’Autriche (Linz, les montagnes autour d’Altaussee), l’Allemagne et l’Italie d’où Eichmann embarque pour Buenos Aires en 1950 grâce à un réseau d’exfiltration en lien avec l’Eglise catholique avec l’évêque Alois Hudal. Durant ces années, Eichmann est plusieurs fois capturé mais réussit à s’enfuir. Pour survivre loin de sa famille, il accepte différents emplois, il est par exemple bûcheron et éleveur de poules ! Il change régulièrement d’identité : il est Otto Eckmann, Otto Heninger et enfin Ricardo Klement.

Bascomb décrit ensuite la nouvelle vie d’Eichmann en Argentine. Celui-ci commence par travailler à Tucumán dans une entreprise hydroélectrique. En 1952, il fait venir sa femme Vera et ses trois fils Klaus, Horst et Dieter (il aura un dernier fils, Ricardo, en 1955). En 1953, la compagnie fait faillite et la famille s’installe alors à Buenos Aires où il devient mécanicien dans une usine Mercedes-Benz. Il s’installe successivement rue Chacabuco (dans le quartier d’Olivos) puis rue Garibaldi (dans le quartier de San Fernando), là où sera enlevé quelques années plus tard.

L’essentiel de l’ouvrage s’intéresse bien sûr à l’opération visant à localiser, identifier, arrêter et enfin exfiltrer Adolf Eichmann en Israël. Tel un roman d’espionnage, le lecteur suit les différentes étapes qui ont mené à la volonté de traquer Eichmann puis de monter cette opération à travers les personnages de Simon Wiesenthal, Fritz Bauer ou David Ben Gourion ainsi que le quotidien du commando composé des membres du Mossad et du Shin Bet : Isser Harel, Zvi Aharoni, Peter Malkin, Moshe Tabor, Zvi Tohar, Avraham Shalom, Yaakov Gat, Rafi Eitan et le docteur Maurice Kaplan. Les préparatifs sont nombreux : surveillance d’Eichmann, achat de maisons ou plutôt de planques, de voitures, confection de faux papiers, plan de vol, … Finalement, le 11 mai 1960, dans la soirée, le commando enlève Adolf Eichmann de retour de son usine, à quelques mètres de son domicile. Dans sa cellule de la villa où il est séquestré, Eichmann est questionné, reconnaît rapidement sa véritable identité et signe une déclaration selon laquelle il accepte d’être jugé en Israël. Durant ces quelques jours, l’équipe des services secrets israéliens reçoit l’ordre de localiser et d’arrêter un autre criminel nazi en séjour dans une pension de Buenos Aires : Josef Mengele. L’ancien médecin SS est déjà parti.  Le 20 mai, Eichmann est transporté à bord de l’avion de la délégation israélienne venue assister au 150e anniversaire de l’indépendance de l’Argentine affrété par la compagnie aérienne israélienne El Al. Arrivé sur le sol israélien après une escale à Dakar, Eichmann est détenu non loin de Haïfa. Le 11 avril 1961, le procès débute, il durera 8 mois. A son issue, Eichmann est condamné à mort. Il fait appel, de nouvelles audiences ont lieu, l’appel est rejeté, il dépose un recours en grâce qui est lui aussi rejeté. Il est finalement pendu le 31 mai 1962 peu avant minuit. Ses cendres sont dispersées en mer Méditerranée en dehors des eaux territoriales israéliennes. 

 

Tel un roman d’espionnage, la lecture de cet ouvrage, au sujet à la fois terrible et passionnant, est haletante de la première à la dernière page. On pourra compléter cette lecture par la biographie d’Eichmann de David Cesarini, le livre d’Annette Wieviorka Eichmann, de la traque au procès, le film Opération finale (2018), le documentaire Le procès d’Adolf Eichmann de Michaël Prazan et écrit avec Annette Wieviorka (2011) ou encore la très belle exposition Juger Eichmann du Mémorial de la Shoah.

 

Pour les Clionautes, Armand BRUTHIAUX