Cette vaste synthèse étudie l’occupation urbaine depuis le XVIIe siècle par les plantes, parcs et jardins, mais aussi plantes « hors-sol » qui circulent dans l’espace urbain (fruits et légumes, fleurs coupées, déchets végétaux, etc.). Il s’agit de montrer que loin d’être un espace absolument artificialisé, non « naturel », la ville a constamment été imprégnée de végétaux, mais que cette présence a fluctué au fil des siècles. Sont interrogés les raisons, les acteurs et les défis de la végétalisation urbaine qui repose sur des motivations nombreuses, esthétiques, sanitaires, écologiques. De même, la végétalisation a sans cesse été soutenue par ceux que nous appelons les mains vertes, qui sont tout aussi bien des particuliers, des professionnels que les pouvoirs publics. Mais étendre ou maintenir la présence végétale en ville impose de relever de multiples défis (fonciers, financiers, esthétiques, biologiques…) qui ont pu varier au cours des siècles.

Ce livre propose aussi une réflexion neuve sur les usages qui ont été faits de la nature en ville, paradoxalement instrument d’urbanité, de sociabilité et donc d’affirmation sociale, mais aussi inversement jungle, ferment de discorde et d’ensauvagement, objet d’affrontements politiques. On peut également faire usage du végétal pour bien être et bien vivre, accompagner les plaisirs, exercer les corps ou cultiver les esprits. Plus prosaïquement, la ville est aussi, tout au long de ces quatre siècles, un lieu de production et de consommation important de végétal. Enfin, c’est aussi en ville qu’une science botaniste et un savoir sur les plantes se développent.

Ce tableau général, inédit, permet ainsi de voir la ville autrement et d’offrir des pistes de réflexion sur la nature en milieu urbain aujourd’hui.

Ce livre interroge les relations mondes urbains-mondes naturels. A l’heure où la thématique ville/nature est de plus en plus interrogée, est édité dans la collection « L’environnement à une histoire », cet ouvrage qui propose un bilan historique de la question.

 

Charles-François Mathis, agrégé d’histoire, est maître de conférences en Histoire contemporaine. Ses thèmes de prédilections sont la patrimonialisation des espaces naturels, les mouvements de protection de la nature, la lutte contre les pollutions et bien sûr la dialectique ville et nature. Il préside le Réseau universitaire de chercheurs en histoire environnementale. Il s’intéresse aussi de près à l’histoire socio-culturelle de la Grande-Bretagne d’aujourd’hui. Il est notamment l’auteur de In Nature We Trust. Les paysages anglais à l’ère industrielle (PUPS, 2010) et travaille sur l’histoire culturelle du charbon.

Emilie-Anne Pépy, ancienne élève de l’ENS Lyon, est maître de conférences en Histoire moderne à l’Université Savoie Mont-Blanc. Elle aussi spécialisée en Histoire environnementale (XVIIe – XVIIIe siècle) avec un intérêt particulier pour la santé et l’environnement mais aussi la constitution et la circulation des savoirs naturalistes. Elle travaille aussi sur les environnements montagnards leurs pratiques et leurs représentations. Elle co-dirige L’animal sauvage entre nuisance et patrimoine (d’ailleurs récemment proposé en accès ouvert sur OpenEdtion Books par l’ENS de Lyon : http://books.openedition.org/enseditions/6476 ), issue de sa thèse elle publie : Montagne sacrée, montagne profane. Le territoire de la Grande Chartreuse, XVIe – XVIIIe siècles en 2011.

A travers les pages de ce livre se posent une succession de thématiques liant ville et monde végétal. La toute première partie est dédiée aux définitions des concepts de base : « Qu’est-ce qu’une ville ? Quelle nature ? Nature en ville, nature de la ville ? » Le livre est agrémenté d’exemples, de chiffres concrets facilement mobilisable dans des classes du secondaire, et ce dès l’introduction : « Aujourd’hui, les cinquante plus grandes villes de France dépensent en moyenne 5 millions d’euros par an pour la création et l’entretien d’espaces verts, dont la superficie moyenne par habitant s’élève à 31m2 (avec de fortes disparités : Besançon atteint un record de 200m2 d’espace vert par habitant, quand Paris plafonne à 14m2). » Divisé en huit chapitres, l’ouvrage nous propose une ballade entre histoire moderne et contemporaine à travers la représentation de la nature végétale dans un contexte urbain particulier.

Le premier chapitre se pose la question de l’utilité de la nature en ville. Lieu de pouvoir, la ville se doit d’impressionner par son faste et sa beauté. La présence de la nature végétale est aussi perçue comme une thérapie, éloignant maladies physiques et morales. Les espaces libres, ouverts et végétalisés sont synonymes de santé publique : « Un jardin public, c’est une distraction saine pour l’ouvrier, qui n’a plus à se saouler au bar ; c’est aussi l’air pur et un rayon de soleil si nécessaire pour éviter la maladie. » Le chapitre 2, analyse le rôle des acteurs en charge de la végétalisation dans les villes. Divisés en 3 catégories (les particuliers, les professionnels et les pouvoirs publics) leurs évolutions, dans les pratiques, ainsi que leurs motivations à être les « mains vertes » de la ville sont expliquées. Le troisième chapitre s’attelle à analyser le défi de « verdir la ville ». Les critères esthétiques et de choix sont expliqués, ils changent selon les époques. Le quatrième chapitre s’intéresse à l’ordre du végétale et notamment à l’ordre social qu’il suggère et notamment aux stratégies d’évitement social : « l’évitement temporel se renforce aussi au XIXe siècle : on ne se promène pas au même moment selon le groupe social auquel on appartient. » Avec le chapitre 5 on entre dans « la fête ». Le bien qu’apporte le végétal en ville ; les jardins du (ou pour le)plaisir, comprendre comment est vécu le végétal aux travers des festivités urbaines. La photo (page 165) illustrant la fête des fleurs de Trouville, en 1922, est particulièrement représentative : On y voit au premier plan, un bébé dont la poussette arbore une décoration florale. On y voit aussi un enfant conduisant une brouette fleurie et en arrière plan, des femmes avec des parapluies floraux. « Les fleurs sont aussi parfois le matériau même de la fête (…) C’est le cas des célèbres concours de chars fleuris (…) » Après avoir évoqué l’aspect positif de la végétalisation, le chapitre 6 en vient à évoquer « le végétal (qui fait) désordre. » Il est cas de mauvaise herbe (ou mauvaise graine…), de désordre dans les parcs, et d’une analyse appréciée sur un récent mode de lutte, la guérilla jardinière. Le chapitre 7, nous fait entrer dans l’économie du végétal : La ville et ses marchés, Les jardins qui permettent de soulager le budget de familles modestes, la question de la déterritorialisation de la production est posée…Enfin avec le dernier chapitre on en vient à « la nature savante ». En effet, il est question de comprendre pourquoi le végétal, et certaines plantes en particulier, font du bien à notre santé. L’aspect botanique et scientifique est traité, avec au fil du temps une vulgarisation et une démocratisation de ces savoirs.

Dans le cadre du programme du secondaire, il serait intéressant de connaître cet ouvrage dans le cadre de la classe cinquième (développement durable) mais aussi de quatrième (urbanisation du monde). Concernant la classe de seconde, ce livre peut-être utilisé principalement dans le thème 3 (Aménager la ville, villes et développement durable). En effet, truffé d’exemples il peut enrichir les cours (et les connaissances du professeur) à ce sujet. Il propose aussi beaucoup de pistes qui peuvent être mobilisables dans des études de cas.

Mon seul regret à propos de cet ouvrage est que les notes (principalement bibliographiques) se trouvent à la fin du recueil et non en notes de bas de page. Néanmoins, j’ai vraiment apprécié ce livre, autant pour sa richesse, que pour son accessibilité. La construction du livre fait en sorte que l’histoire de l’environnement soit toujours en parallèle avec « la grande histoire » ce qui permet une vision ciblée et globale en même temps.