De ces deux auteurs, nous connaissons déjà L’Homme aux bras de mer. Itinéraire d’un pirate somalien. qui avait fait l’objet d’un compte rendu de Thibaut Villemin. Le dessin de Thomas Azuelos alterne des aplats de couleurs assez différents : du trait simple à une gamme de couleurs plus chatoyante. On obtient ainsi un univers graphique à plusieurs dimensions qui renvoie à des émotions différentes.

On a là un récit qui repose sur ce qu’ont vécu les deux auteurs, qui ont partagé la vie des zadistes de Notre-Dame-des-Landes pendant un temps. On pourrait alors penser qu’on tient alors un album partisan ; à tort. Bien sûr, on retrouve la tension entre forces de l’ordre et opposants au projet d’aéroport. Mais l’intérêt se situe ailleurs. La gendarmerie n’est guère montrée, symbole d’un État lointain, à distance de ce qui se passe réellement sur les lieux.

Les auteurs s’attachent à nous donner à voir des zadistes aux motivations différentes. Aux uns suffit la lutte contre le flic. D’autres voient à plus long terme, et considèrent le combat contre le projet comme la base d’une société alternative. Entre les deux, on a des individus qui ne savent pas forcément pourquoi ils sont là, certains ne cherchant qu’à satisfaire leurs intérêts.  L’album nous apprend ainsi à nous départir de l’image colportée par les médias, au mieux de zadistes formant un ensemble homogène, au pire de marginaux errant sans but, mais toujours aux crochets de la société.

On a également un troisième groupe, constitué par les agriculteurs dont les familles sont implantées de longue date. Et on touche là à un autre intérêt du récit, qui est de montrer que là non plus, il n’y a pas de position unanime vis-à-vis des zadistes. Doit-on les considérer comme des amis ou des fauteurs de troubles ? Pour autant, les points de vue ne sont pas forcément figés, pour certains des protagonistes, en tout cas. C’est dans ces interstices qu’émergent de nouveaux rapports sociaux, et les germes d’une nouvelle société qui se développe avec difficulté.

Bien servi par une partie graphique très intéressante, ce bel album séduit par la restitution de toute la complexité des engagements militants, et celles des relations entre autochtones et nouveaux arrivants. Ce qui s’édifie dans cette ZAD est donc bien plus grand que nous.

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