Cet ouvrage collectif, réalisé par une équipe internationale et pluridisciplinaire analyse les enjeux de l’accès au savoir: aspects juridiques et pratiques des droits d’auteurs.

Les populations africaines rencontrent de grandes difficultés à accéder aux revues et aux ouvrages savants de même qu’au matériel didactique en général que ce soit sous forme de livres que sous forme numérique.
Ces travaux s’appuient sur le projet Droits d’auteur et accès au savoir en Afrique (D2ASA), lancé en 2007 qui explore les liens entre les droits d’auteur et l’accès au savoir dans huit pays d’Afrique, à savoir l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Ghana, le Kenya, le Maroc, le Mozambique, le Sénégal et Ouganda.

Voilà un livre très pointu mais qui pose une question essentielle, qui pourra faire écho à des réflexions plus hexagonales: la propriété intellectuelle à l’heure d’internet, les relations entre droit d’auteur et accès au savoir, l’usage des œuvres en milieu scolaire.

Partant d’un constat: la nécessité d’améliorer les systèmes éducatifs en Afrique, les auteurs s’interrogent sur le frein que peut constituer les droits d’auteur dans des pays où le livre est cher, les bibliothèques rares et pauvres et l’accès à internet encore timide.

Le premier chapitre présente les grands axes du projet et la méthodologie : aspects juridiques, analyse des lois de protection des droits d’auteur, collecte de données sur les pratiques réelles et sur la ressenti des auteurs, des éditeurs, des bibliothécaires et des étudiants. La dimension « genre » annoncée ne sera en fait que peu abordé du fait même du manque de données.

Chacun des chapitres suivants est consacré, selon un plan type (présentation du contexte, environnement juridique, accès au savoir et recommandations) à un pays.

Pour L’Égypte on retiendra la possibilité offerte par la loi de 2002 de traduire en arabe sans autorisation de l’auteur les ouvrages non traduit dans les 3 ans après leur parution. Les bibliothèques y compensent en partie le prix élevé du livre et les systèmes d’apprentissage en ligne se développent.

Au Ghana, si les livres sont gratuits dans l’enseignement primaire et secondaire le manque se fait ressentir à l’université d’autant que les bibliothèques ne peuvent photocopier un livre qu’en 1 seul exemplaire.
Les lois de 1961 puis 2005 si elles sont conformes aux accords internationaux semblent être un réel frein à l’accès au savoir.

Les difficultés des universités kényanes datent des mesures d’ajustement structurel imposées par le FMI. Le système des droits d’auteur, héritage de la colonisation, a été complété par une loi en 2001. L’article analyse quelques procès nés d’une loi très favorable aux auteurs qui freine l’accès aux ressources didactiques mais l’université de Nairobi développe des cours en ligne.

Le développement des TIC a amené le Maroc a légiféré en 2000 et 2006 tout en offrant des exceptions au droit en faveur des lieux d’enseignement et des bibliothèques. Malgré tout la loi est souvent ignorée notamment en matière numérique dans ce pays où 12% de la population a accès à Internet.

Au Mozambique le coût des ressources didactiques est d’autant plus élevé pour les étudiants que les bibliothèques sont peu nombreuses et que le secteur de l’édition est quasi inexistant. La loi de 2001 prévoit des exceptions à des fins d’enseignement mais elle est à la fois peu connue et peu appliquée. On remarque la faiblesse de la production locale de ressources didactiques, et malgré des progrès en matière d’accès aux ressources numériques, des difficultés économiques et linguistiques par l’usage du portugais.

Si le Sénégal a depuis 1973 une loi, proche des lois françaises, la nouvelle loi de 2008 ne s’offre pas de système spécifique pour l’enseignement à distance ou en ligne. Après quelques essais coûteux et peu efficaces, l’université de Dakar a choisi de développer des formations en ligne sous licence libre. On constate que les bibliothèques ont peu de moyens pour financer l’accès aux ressources didactiques en lignes comme les revues scientifiques.

La situation de l’Afrique du sud semble plus favorable : deux lois en matière de droits d’auteurs 1978 et 2008 avec des exceptions pour l’utilisation des œuvres à des fins d’enseignement. Il existe même un groupe de travail des ressources libres de droits comme par exemple : Free Hight School Science Texts qui développe sur internet des manuels de mathématiques, de physique et de chimie.

Enfin l’Ouganda a consenti un effort récent de scolarisation mais développe aussi des bourses d’études supérieures pour les jeunes filles. La notion de droit d’auteur introduite par la colonisation a fait l’objet d’une loi en 2006 qui prévoit des exceptions pour une « utilisation équitable » à des fins de recherche, d’enseignement et permet la reproduction des ouvrages par les bibliothèques publiques mais qui ne dit rien sur l’apprentissage en ligne.

Le chapitre de conclusion vise à faire une synthèse. Il met en lumière l’existence dans plusieurs pays d’une protection « des expressions culturelles et du folklore », certes intéressante mais quand, comme au Ghana, elle est appliquée aussi aux nationaux elle constitue un frein. Les auteurs insistent sur les situations très variables des exceptions à la loi qui, là où elles existent, contribuent à favoriser l’accès aux ressources didactiques. Enfin, la gestion des droits numériques est encore peu élaborée sans doute du fait de la faible infrastructure sauf en Afrique du Sud. Les auteurs concluent sur la nécessité d’une redéfinition de la notion de droit d’auteur plus conforme aux réalités économiques des étudiants et bibliothèques et qui protégerait les auteurs et favoriserait la création.

© Christiane Peyronnard