Philippe Gilles est professeur des universités, doyen honoraire de la faculté de sciences économiques et de gestion de l’université de Toulon.

La Richesse des nations (A. Smith), Le Capital (K. Marx), la Théorie générale (J. M. Keynes), ont permis une systématisation de principes économiques et contribué à l’autonomisation de l’analyse économique en tant que discipline scientifique. A l’origine de différentes Écoles de pensée, leur dimension paradigmatique en fait des ouvrages largement étudiés, interprétés, commentés et cités, mais finalement peu lus du public, et ce d’autant plus que leur lecture peut s’avérer fastidieuse. D’où, selon Philippe Gilles, un effet de projection sur ces textes qui finissent par avoir un rapport indirect avec certaines théories qu’ils sont sensés contenir. L’auteur s’est donc fixé pour objectif « de revenir à la source des grands textes en gardant en mémoire le contexte historique et idéologique de leurs conceptions […] » (p. 15).

L’ouvrage est divisé en trois grandes parties qui correspondent chacune à l’un des trois textes. Les textes originaux, riches et volumineux, ne sont pas résumés et expliqués dans le détail. Il s’agit de mettre en lumière les principaux thèmes et d’en expliquer les aspects les plus importants auprès d’un public qui maîtrise le vocabulaire et les notions économiques fondamentales. A chaque fois, l’auteur adjoint, en plus de ses propres commentaires et explications, de nombreux extraits traduits du texte originel et des commentaires d’économistes réputés tels que J. Schumpeter ou K. Polanyi.

Recherches sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations (Adam Smith, 1776) : Dans son ouvrage, A. Smith cherche à comprendre les fondements de la richesse (dont il exclut la Nature). Ph. Gilles reprend et explique certains des thèmes abordés par A. Smith : la manufacture d’épingles comme exemple de la division du travail, la théorie des avantages absolus ou encore la célèbre « main invisible ». Il rappelle notamment qu’A. Smith ne concevait pas une liberté totale de commerce mais considérait comme indispensables certaines « limitations » pour protéger les industries de défense d’un pays ou encore préserver des industries naissantes, le rôle de l’État étant dès lors de réunir les conditions pour qu’un marché efficient voit le jour.

Le Capital, critique de l’économie politique (Karl Marx) : « C’est, à coup sûr, le projectile le plus terrible qui ait jamais été lancé à la tête des bourgeois (propriétaires du sol compris) » (Marx à J. Ph. Becker en 1867, lors de la publication du premier tome du Capital). Selon Ph. Gilles, Marx conçoit le capitalisme comme un mode de production particulier, historiquement daté, dont les contradictions intrinsèques sont surmontées lors d’épisodes de crises qui font partie du fonctionnement normal d’un système capitaliste organisé en cycles, ce que Marx résume dans la formule suivante : « le mécanisme de la production capitaliste écarte spontanément les obstacles qu’il lui arrive parfois de créer ».

Les autres aspects expliqué par Ph. Gilles concernent la théorie de la valeur et la transformation de la « plus-value » en « profit », l’accumulation du « capital individuel » et l’accumulation du « capital social » et les explications des cycles économiques.

Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (John Maynard Keynes) : Le troisième ouvrage, celui de Keynes, est un des fondements de la macroéconomie moderne. Sa principale conclusion est que la dépression et le chômage font partie intégrante du système économique contemporain. L’un et l’autre sont le fruit d’une organisation économique particulière dans laquelle les États ont un rôle à jouer, ce que Ph. Gilles résume par la formule : « Face à l’efficacité illusoire de la « main invisible » dans le « meilleur des mondes », du laisser-faire, les solutions concrètes doivent venir de l’exercice de la liberté individuelle encadrée et soutenue par la main visible des politiques » (p. 152).