Le sous-développement actuel fait ici l’objet d’une explication résumée sous forme d’un losange : le losange du sous-développement économique dont chacun des sommets correspond à un des facteurs du sous-développement : les facteurs historiques, géographiques et culturels, un environnement international souvent défavorable aux pays africains, une mauvaise gouvernance et la trappe de la pauvreté soit une situation voyant des personnes confrontées à des cercles vicieux qui ne leur permettent pas de s’extraire durablement de la pauvreté.
Malgré cela, l’auteur, maître de conférences à l’université d’Auvergne, possédant une expérience concrète des questions de développement en tant que consultant auprès de la Banque mondiale, adopte un point de vue optimiste. Comme de plus en plus de spécialistes du développement et de l’Afrique, il souligne les dynamiques positives à l’œuvre sur ce continent qui abrite la plupart des PMA.
Dans la première partie intitulée « Comprendre : l’état de la question, l’Afrique au bord du monde : quel diagnostic ? », a été privilégiée une approche chronologique. Après un chapitre en forme de rappel sur l’Afrique noire des origines à la décolonisation, est abordé le temps de la création des états-nations et des stratégies de développement soit la période 1960-1980. Suite à une décolonisation majoritairement pacifique, la première décennie d’indépendance a été synonyme d’espérance et, effectivement, des états sont nés, les indicateurs sociaux ont été améliorés. Mais à partir des années 1970, les stratégies de développement adoptées montrent leurs limites : les cultures d’exportations sont concurrencées, le déficit alimentaire s’accroît, la situation sociale s’aggrave. A la fin des années 70, les régimes ont pris un tour dictatorial très affirmé et les économies sont dans un état catastrophique. A tel point que les diversifications tentées ici où là sont remises en question et que l’on assiste à des replis sur ce qui faisait les spécificités de l’économie pré-indépendance : l’économie de plantation.
Les vingt années suivantes sont celles des fameux PAS (plans d’ajustement structurels). La croissance du PIB est leur objectif principal. De 1980 à la fin des années 90, plusieurs séries de PAS sont imposées par la Banque mondiale et le FMI. 5 générations de PAS se sont succédés et l’évolution de leur contenu est remarquable : on est passé de la volonté de réduction à cour terme des déficits à la nécessité admise d’accompagner les mesures économiques par des sous-programmes sociaux. L’auteur dresse néanmoins un bilan négatif de ces ajustements structurels : libéralisation et privatisation prônées par ces programmes n’ont pas atteint leur but d’une croissance forte ; en effet, elle a été insuffisante du fait d’une stagnation de la productivité, de la faible accumulation de capital et d’épargne. Au contraire, ces politiques de stimulation de la croissance n’ont pas réduit la pauvreté mais ont parfois accrû celle-ci. Jean-Pierre Foirry donne les raisons de ces échecs : ces politiques de réduction de la pauvreté par la seule croissance ne prenaient pas en compte tous les moyens d’influence par lesquels il est possible d’agir sur la pauvreté. Il préconise pour réduire durablement la pauvreté le développement des activités, la création d’emplois décents, la présence de services accessibles aux pauvres.
Enfin, est abordée la situation de l’Afrique noire au début du XXIème siècle. L’Afrique connaît des mutations, une révolution selon l’auteur : un processus de démocratisation s’est enclenché, la lutte contre la pauvreté a pris un nouveau cours : celui des OMD (objectifs du millénaire) et des PSRP (programmes stratégiques de réduction de la pauvreté). Ce tournant marque une volonté de changement, de penser le décollage des pays d’Afrique noire sur le long terme, d’appropriation des stratégies par les pays concernés.
De multiples pistes sont abordées pour envisager un avenir optimiste pour l’Afrique. D’abord concernant l’aide fournie par les pays développés, il faudrait passer d’une aide fixée selon des critères macroéconomiques à une aide attribuée pour chaque individu parvienne à atteindre un niveau de vie minimal. Pour passer de l’un à l’autre, il faut que tous les acteurs acceptent l’existence d’une phase de transition afin de passer d’une aide massive à l’autonomie vis-à-vis de cette aide. Parallèlement, l’épargne nationale intérieure et extérieure doit être mobilisée afin d’éviter un endettement qui pourrait obérer le développement amorcé. Durant cette transition, les états africains doivent tenter d’atteindre les OMD, créer des emplois de qualité et pour cela réindustrialiser leurs pays.
La conclusion de cette partie tient en quelques mots : si l’Afrique, et les bailleurs de fonds internationaux, se mobilisent autour des OMD et d’un développement humain durable, il n’est pas impensable que ce continent décolle comme certains signes le démontrent déjà. D’ailleurs, dans une partie Débattre, les OMD et le développement humain durable sont abordés comme une voie alternative au consensus de Washington : remplacer des mesures strictement économiques par une voie envisageant toutes les dimensions de la pauvreté.
En effet, l’intérêt de ce livre réside dans un historique du développement raté du continent africain mais aussi dans une partie Débattre : 4 questions y sont traitées en plus de celle des OMD. Dans « l’Afrique noire peut-elle ou veut-elle entrer dans le développement moderne », il rappelle les positions des afropessimistes pour qui si l’Afrique est dans une telle situation c’est parce que ce continent est pris dans 2 pièges : celui démo-économique et celui politico-culturel de la crispation sur les traditions et de l’absence de changement des mentalités. Foirry s’oppose à cette conception et mentionne l’absolue obligation de fournir à l’Afrique ce dont elle a vraiment besoin pour se sortir du tandem pauvreté-sous-développement : la justice à toutes les échelles.
Le cas ivoirien fait l’objet du 2ème gros plan, comment ce pays vitrine de l’Afrique est-il tombé dans le chaos. Dépassant les explications ethnico-religieuses, l’auteur avance plutôt un enchaînement de crises : économique, sociale et politique. Ensuite c’est au tour de l’Afrique du Sud d’être ausculptée : voilà un pays à qui, au début des années 90, tout réussissait. S’appuyant sur des potentialités, dirigé par un homme à l’aura internationale, l’Afrique du Sud devint une démocratie multiraciale à l’économie dynamique. Depuis, l’avenir du pays s’est assombri : un fort taux de chômage, l’explosion de la violence, le manque de vision à long terme de Thabo Mbeki.
Au niveau régional, depuis 2001, le NEPAD (nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique) doit permettre le décollage des pays d’Afrique noire. Seulement, malgré les nombreux projets, les réalisations sont peu nombreuses et le bilan plutôt mince, résultat des méfiances entre grands états et d’un manque de moyens.
Ce livre de lecture facile représente un intérêt évident pour les candidats au concours de l’agrégation en mettant l’accent sur les aspects économiques du sous-développement africain et en présentant des pistes pour l’avenir. Au-delà des idées, les chiffres récents seront appréciés ainsi que ces flashs qui ponctuent chaque chapitre (consensus de Washington, place des traites des esclaves dans l’histoire de l’Afrique noire.
L’enseignant y trouvera aussi son compte un peu pour les mêmes raisons mais surtout par l’optimisme du discours : trop souvent en 5ème, la présentation de l’Afrique, et ce qu’en retiennent les élèves, se résume à sa pauvreté. Les manuels scolaires vont souvent dans ce sens ou du moins ne verse que rarement dans l’optimisme. Ce livre, comme celui de Sylvie Brunel, peuvent être les outils d’une vision plus en nuances de ce continent « d’avenir » ?
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