C‘est une réflexion internationale sur les rapports entre diversité culturelle et développement et sur la place du monde associatif. Les contributions s’articulent autour de 4 thèmes:
Patrimoine culturel et développement touristique,
Identité dans un contexte migratoire,
Santé,
Place des associations dans la dynamique du changement économique.
M.-C. Diop (université de Dakar) introduit l’ouvrage par une réflexion sur le patrimoine. Mise en avant dans les années 60-70, la culture est aujourd’hui menacée à la fois par la faiblesse des financements et la marchandisation et la mondialisation. La reconnaissance d’un écrivain, d’un artiste passe souvent par la diffusion de ses oeuvres en Europe. Pour l’auteur il y a aujourd’hui une incapacité des élites à penser une alternative aux programmes d’ajustement structurel et à la dérive libérale. Face à cette situation il existe une dynamique des collectivités de base qui, donnant naissance à une “élite du terroir”, doit se diffuser dans l’ensemble de la société. Les associations sont alors des médiateurs entre populations et Etat avec un risque de clientélisme ethnique ou politique. Dans cette société bloquée où l’école n’assure plus la promotion sociale les jeunes recourent aux violences urbaines ou à la migration.
Chaque partie est introduite par un court texte de cadrage, les participants, tant africains qu’occidentaux, développent dans quelques articles des apports précis et variés.
Patrimoine
Monique Desroches (université de Montréal) situe la question du patrimoine dans la rencontre entre une demande externe d’exotisme et une offre authentique ou artificielle de la tradition. La mise en valeur patrimoniale permet-elle une réappropriation par les acteurs locaux? Quatre contributions présentent des exemples:
En pays Dogon, la conscience identitaire et la représentation symbolique sont à la base d’une interaction entre touristes et population d’accueil. La base associative en pays Dogon est la classe d’age et ses manifestations culturelles. Depuis les années 90 on constate une relance du mouvement associatif qui joue un rôle dans le développement local, l’auteur présente différents exemples en lien avec l’essor touristique. Il pose la question d’une “fossilisation” possible des rites et la nécessité de faire prévaloir un tourisme éthique respectueux des acteurs locaux.
Toujours au Mali, sont analysés le rôle et la démarche des associations étudiantes dans la mise en valeur de la culture mandingue de la région de Siby. On voit comment la définition d’un discours à présenter aux visiteurs a permis une reprise de contact entre étudiants et anciens, citadins et ruraux.
Les écueils possibles sont nombreux: conservation et risque de sur-patrimonialisation, fragilité environnementale et fréquentation touristique, professionnalisation de la culture et éloignement des communautés.
Au Bukina Faso, la défense des minorités linguistiques est affaire d’intellectuels qui réfléchissent dans un contexte de faible protection juridique des minorités et langues locales, pourtant de nombreuses associations travaillent pour l’alphabétisation, la production d’ouvrages didactiques ou de syllabaires répondant ainsi à un réel besoin des populations.
Stratégies identitaires
Robert Deliège (université de Louvain) apporte l’éclairage de l’anthropologie, repris par 4 contributions:
L’action des associations d’immigrants africains francophones en Ontario est analysée comme un axe d’intégration dans la société canadienne mais aussi comme un lien avec les pays d’origine par l’intermédiaire de projets d’aide.
L’évolution des mouvements étudiants au Sénégal montre à la fois une faible visibilité des engagements politiques, la montée des activités de loisirs mais aussi une présence croissante du religieux. Face à la tradition de liberté de démocratie et de tolérance de l’université sénégalaise l’influence de l’intégrisme islamique est comme une réponse à la crise sociale.
Le cas de la Côte d’Ivoire permet de poser la question des migrations intra-continentales et de la notion d’ identité/nationalité dans ce pays qui accueille plus de 5 M. d’immigrants originaires d’Afrique de l’Ouest.
Enfin une étude comparative des associations de réfugiés vietnamiens en France et en Angleterre met en évidence que la société d’accueil façonne les buts et les moyens d’action de ces associations.
Santé
Jean Benoist (université d’Aix-Marseille) évoque la grande diversité des engagements associatifs en matière de santé face à la carence des états.
Y a-t-il un discours de victimisation quand les associations s’intéressent aux groupes vulnérables (femmes, migrants…)?
Les associations burkinabés par leur action modifient le système de santé. Cet article propose une grille d’analyse multidimensionnelle (politique, action collective, logiques individuelles, bailleurs de fonds et coopération internationale) pour une meilleure connaissance du tissu associatif, de ses actions et de la place des soignants comme des malades.
Le V.I.H. est au Sénégal comme ailleurs en Afrique une donnée incontournable des politiques de santé, il s’agit d’analyser les associations, leur rôle dans la prévention et de constater leur faible place dans le dispositif des traitements antiviraux.
Développement
Mohammed Benguerna (université d’Alger) propose en introduction de cette quatrième partie de revenir sur deux notions ambiguës: développement et association.
Le premier exemple pose la question de la femme dans les associations au Maroc: action de développement économique en faveur des femmes et/ou revendications pour un statut de la femme. Image de la modernité, discours des bailleurs de fond et action récente de l’Etat se conjuguent pour faire une place importante aux femmes quelquefois au-delà de leur demande.
Au Nord-Cameroun, une structure: les « Groupements d’Initiatives Communes » sont un exemple d’association autour d’une activité émergente: le maraîchage.
La dernière contribution d’Alain Piveteau est peut-être la plus directement utile pour l’enseignement, il analyse le rôle d’intermédiaire, notamment financier que joue les O.N.G. dans les questions de développement entre action de l’Etat et rôle des marchés. Elles assurent une meilleure diversification des formes d’aide plus ajustées aux contextes locaux. Dans la masse des O.N.G., hétérogènes par la taille, l’ancienneté, le domaine d’action et la professionnalisation ou non des acteurs, on repère des théories diverses du développement. L’auteur souhaite une meilleure évaluation des actions des O.N.G., de l’efficacité réelle. Il pose la question de la participation effective des bénéficiaires aux décisions, du poids du “modèle” projeté sur les acteurs locaux, de la durabilité du développement engagé. Il prône pour les O.N.G. une culture de l’évaluation pour éviter un nouveau désenchantement après l’illusion du développement volontaire par l’Etat ou le laissez-faire des marchés.
Ce sont là les actes d’un colloque ambitieux et divers. Le lecteur l’abordera sans doute par telle ou telle contribution en fonction de ses centres d’intérêt.
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