C’est une équipe pluridisciplinaire nombreuse qui propose sous la coordination d’Alain Nonjon ce petit ouvrage destiné aux jeunes étudiants et pourquoi pas aux enseignants et qui fait un point rapide et diversifié sur l’Afrique en ce début du XXIè s. Quatorze auteurs qui en 5 à 10 de pages apportent un éclairage sur une question donnent envie d’approfondir à l’aide de la courte bibliographie proposée à chaque fin de chapitre. Un tour d’horizon qui vient déstabiliser beaucoup de clichés sur ce continent.

L’introduction fait un état des contraintes démographiques, écologiques, sécuritaires dans le contexte de la mondialisation auxquels l’Afrique est soumise mais aussi les facteurs positifs de changement: un regard positif sur son histoire, sur son potentiel humain, ses ressources spatiales, culturelles et annonce un développement alternatif. L’Afrique est comme un écho à l’ouvrage de René Dumont ; elle est désormais un espace enjeu pour les grandes puissances économiques, un espace convoité, un marché mais les questions restent nombreuses dont sa capacité à faire émerger des entrepreneurs africains du continent ou de la diaspora, le rôle des états en matière économique et l’émergence d’un projet continental.

L’Afrique, terre de déréliction

Une introduction pour présenter de manière concise l’histoire, rappelant que les premiers hominidés viennent de la corne de l’Afrique et qu’elle est bien dans l’histoire même si cela est méconnu par une Europe férue du signe écrit et méfiante à l’égard des sources orales. Le poids économique et démographique de la traite est rappelé ainsi que les grandes lignes de la colonisation et des indépendances. L’Afrique a aujourd’hui besoin d’une écriture dépassionnée de son histoire pour se tourner vers l’avenir.

Les matières premières et le pétrole sont aujourd’hui des richesses convoitées par les puissances émergentes (Chine, Inde) qui génèrent des recettes fiscales. Toutefois l’opacité des contrats et la corruption favorisent une économie souterraine qui, dans certains pays, représente jusqu’à 50% du P.I.B., tout en facilitant le développement d’activités mafieuses dans les pays les plus pauvres et politiquement instables associées au trafic de stupéfiants.

Les fondements de la politique de coopération de la France depuis les indépendances sont décrits: préservation des intérêts de l’ex métropole, mise en place d’un système de clientélisme. L’aide publique au développement serait à refonder.

Un rapide tableau de la politique, des stratégies du F.M.I. rappelle les grandes lignes des plans d’ajustement structural et la critique de joseph Stiglitz, les échecs tant pour redresser la situation des états que pour lutter contre la pauvreté, la déduction de la dette et les objectifs du millénaire ainsi que la récente évolution de ces politiques.

L’Afrique, terre d’élection, une nouvelle colonisation ?

Depuis le milieu des années 80 l’Afrique est, pour la Chine un marché doublé d’un accès aux matières premières. Les échanges commerciaux ont été multipliés par 10 depuis 2000, fondés sur le pragmatisme et une attitude courtisane envers les dirigeants africains (Zambie, R.D.C., Guinée) ils sont destinés à fournir à la Chine matières premières et pétrole (Angola, Algérie, Soudan). Mais c’est dans ses réponses aux appels d’offre pour la construction des infrastructures que la Chine marque des points: prêt, construction contre matières premières. Elle exporte des produits manufacturés et aujourd’hui capte des terres cultivables (RDC, Mozambique) malgré quelques revers et une image dégradée dans certains pays africains.

Portrait d’une entreprise chinoise en Afrique: la China National Petroleum Corporation est largement soutenue par l’Etat, elle s’est d’abord implantée au Soudan puis en Algérie, au Niger, au Tchad…
Pragmatisme économique, faible intérêt pour la situation locale l’ont amené à investir dans des zones à risque sans pour autant la mettre à l’abri de la concurrence des grandes sociétés pétrolières, pour répondre aux critiques dont elle a été l’objet, elle s’ouvre désormais à la main d’œuvre locale et montre un début de souci de l’environnement. On regrette l’absence d’exemples précis en ces domaines.

La Chine dispose d’un nouvel outil pour étendre son influence: les Instituts Confucius. Créés en 2004 pour diffuser la langue et la culture chinoise, ils se sont implantés en Afrique dans des lieux stratégiques pour les intérêts chinois et répondent timidement à la demande croissante d’apprentissage de la langue chez les jeunes Africains urbains et favorisés. Le bilan est difficile à établir, c’est un outil de la diplomatie parmi d’autres comme les bourses d’études.

Qui dit intégration dans le marché mondial, exportations minières pose la question des infrastructures portuaires qui doivent concourir à la rationalisation du système de transports par ailleurs indispensables face à l’urbanisation rapide du continent. La volonté des États associée à des opérateurs privés concessionnaires des terminaux portuaires ont permis des progrès mal reliés à des réseaux routiers vétustes et mal entretenus qu’une intégration régionale permettrait d’améliorer au profit des façades maritimes comme de leur hinterland.

L’aide au développement dans le domaine des TIC hésite entre la logique techno-marchande et le charity-business. Le secteur est prometteur dans des espaces où l’équipement en téléphonie mobile est proche des standards européens. Les obstacles sont pourtant nombreux: réseau électrique intermittent, manque de main d’œuvre qualifiée.

L’aide porte à la fois sur les infrastructures, financées par les grands bailleurs avec comme cibles prioritaires les villages, les hôpitaux, les centres scientifiques et de formation et les administrations publiques, et la fourniture de petits matériels par le biais de la solidarité numérique chère au président sénégalais Wade. La tentative de bilan montre la place croissante des grands opérateurs marchands tel Orange et une amélioration de la solidarité numérique longtemps inefficace avec des projets tels « Éducation Numérique pour tous en Afrique ».

L’Afrique, terre d’élection

Deux chapitres à propos de l’Afrique du Sud montrent son statut de puissance à l’échelle du continent.
Les conflits récents sont avant tout africains tant par les protagonistes que par les médiateurs avec comme exemple la R.D.C. et la région des Grands lacs. L’Afrique du Sud joue désormais un rôle dans la gestion des conflits (Sierra-Leone, Soudan etc…) s’appuyant sur le concept de « renaissance africaine » développé par Thabo Mbéki et le NEPAD qui met en avant la région comme espace de développement.

Depuis Mandela, l’Afrique du Sud cherche à s’imposer comme leader du continent, comme force morale à côté de son statut de puissance économique revendiquant, par une politique étrangère ambitieuse, une réforme des institutions internationales. Mais elle se trouve entre deux stratégies: représenter l’Afrique, vu son rôle (NEPAD, UA), et s’insérer dans les coalitions intercontinentales (BRICS, IBSA-G3).

L’Afrique, terre de confrontations

Quand on observe la croissance de la production pétrolière qui mobilise des investissements colossaux des grandes compagnies, se pose la question du partage de la rente. Après un petit rappel des modalités d’accords entre pays et compagnies depuis le début du XXe, l’auteur présente la situation actuelle en Afrique sub-saharienne: partage de la rente mais la méconnaissance par les pays des réalités (coûts, réserve…) les empêche d’avoir une politique de gestion optimale de la ressource.

D’autre part, le droit de l’environnement permet-il de lutter contre la négligence des compagnies pétrolières ? Prenant appui sur l’extrême pollution du delta du Niger, ce chapitre montre la relative impuissance des états à faire pression sur les compagnies pétrolières, le principe pollueur-payeur est ici inopérant comme le démontre l’attitude de la société Shell.

Le dernier chapitre est consacré à la Somalie à l’ère des pirates.
La piraterie a connu un développement alarmant, médiatisé quand elle s’est attaquée d’abord aux thoniers puis à des cargos de plus en plus gros. Depuis 2008, c’est l’espace maritime le plus dangereux. L’obtention de rançons d’autant plus élevées que la cargaison est stratégique a fait passer cette piraterie ancienne et endémique au stade d’une véritable industrie armée qui a créé une enclave de richesse (Baraawe) dans un pays non seulement très pauvre mais complétement déstructuré par un conflit interne depuis 20 ans. Qui sont ces pirates, bien armés, bien informés ? Sont-ils liés au terrorisme islamique ?

Un précis qui trace des pistes de lectures utiles pour comprendre l’Afrique en pleine évolution.