Histoire de la circulation des hommes, des richesses et des idées à travers le continent africain.
Catalogue de l’exposition du même nom au Musée du Quai Branly Jacques Chirac du 31 janvier au 19 novembre 2017.
Cet ouvrage, comme l’exposition, a pour objectif de faire connaître et reconnaître l’Afrique en tant que continent impliqué dans l’histoire du monde de la préhistoire à l’époque contemporaine.

C’est une découverte de l’Afrique espace carrefour de routes commerciales, de déplacements des armées, de migration des hommes que propose cet ouvrage et l’exposition du musée, l’histoire d’un continent multiple en relation avec le reste du monde.

Si les offres de visites intéresseront ceux qui auront la chance de s’y rendre, le dossier enseignant disponible sur le site du musée est un mine de documents.

Le livre est le fuit de la collaboration d’un grand nombre de spécialistes français et étrangers, historiens, archéologues, conservateurs de musée coordonnés par une historienne, spécialiste de l’Afrique Catherine Coquery-Vidrovitch aidée de Gaëlle Beaujan-Baltzer, responsable des collections Afrique du musée.

L’Afrique des routes, pourquoi ?

Une longue introduction resitue à grands traits l’histoire de l’Afrique rappelant que les historiens disposent de sources très variées, de plus en plus exploitées. L’Afrique berceau de la civilisation est le lieu d’émergence de l’homo sapiens.

C’est aussi une présentation des choix de l’exposition, une présentation et une explication du parcours proposé.

Dès cette introduction le lecteur peut découvrir des documents iconographiques de grande qualité et présents tout au long de l’ouvrage en illustration de courts et nombreux articles : objets archéologiques, masques et objets rituels, peintures, cartes mais aussi photographies.

Les premiers temps d’échange

Place de l’Afrique dans l’aventure humaine : C’est sur ce continent qu’ont été découverts les premiers outils. La connaissance de ces périodes très reculées ne cesse de progresser grâce aux fouilles archéologiques.

Les milliers de peintures rupestres et de dalles gravées montrent des troupeaux transhumants, premières routes à travers le Sahara et le Sahel.

Le Nil occupe deux chapitres : d’abord les routes empruntées par les armées de pharaon jusqu’en Nubie mettent en relation entre peuples des steppes et peuples nilotiques comme le montre la représentation de la faune dans l’iconographie méroïtique. Ce thème est, ensuite, détaillé sous les Lagides lors de grandes chasses à l’éléphant.

L’Afrique romaine est survolée de la côte mais aussi des routes transsahariennes et un coup de projecteur est donné sur Carthage, comptoir phénicien.

Cette première partie est complétée d’une carte : De l’histoire initiale aux formations étatiques avant l’arrivée des Portugais au XVe siècle. (p. 45)

Les siècles d’or IXe – XVIe siècles

Cette seconde partie est introduite par un long article d’Elikia M’Bokolo qui dresse un tableau général des pays soudanais jusqu’au XIXe siècle : période des échanges d’or, d’esclaves, de livres saints qui ont favorisé l’émergence d’ensembles politiques (deux cartes p. 45 et 63) et ont été soutenus par la diffusion de l’Islam. L’auteur n’oublie pas l’espace marchand indo-océanien et les routes du lac Tanganika. Il aborde ensuite l’espace atlantique avec le déplacement des routes et des pouvoirs liés à ce nouvel ordre économique. Enfin il rappelle que toutes routes commerciales et états impliquent l’expansion urbaine.
Ce développement introduit les articles spécialisés nombreux qui illustrent cet âge d’or.
L’épisode colonial cité sera repris dans la troisième partie (carte des explorations p. 73).

Un premier article invite à la réflexion sur les monnaies de sel, de cauris, de cuivre. Les perles en pâte de verre constituent également une monnaie d’échange entre l’Europe et le continent africain, elles sont fabriquées à Venise.
Mais c’est bien sûr la route ou plutôt les routes de l’or qui attirent l’attention. L’Atlas catalan de 1375 étudié ici offre bien des informations sur les échanges du métal précieux au Moyen-Age : lieux de production, routes caravanières, rôle des états sahéliens en interface du commerce avec les marchands musulmans et notamment le roi Mûsâ 1er.
L’étude des sites aurifères, enrichie par l’analyse chimique des monnaies arabes, informe sur les voies de circulation plus que sur les techniques d’extraction.

L’ivoire, ou plutôt les objets en ivoire sculpté, sont les témoins de la première expansion maritime du Portugal. Ces objets nous renseignent aussi sur la représentation que les Africains se faisaient des Européens.

La carte de la page 99 propose une synthèse du commerce du IIIe au XIXe siècle.

Les échanges entre monde indien et l’Afrique sont perceptibles grâce à l’étude des tissus, objets d’un intense commerce et source d’inspiration pour les tissus africains. Du VIIIe au XVe siècle l’océan indien apparaît comme un espace central entre Asie et Afrique et une source de la culture swahili sur la côte orientale.
C’est du Sud-est asiatique que vient sans doute la coutume des poteaux funéraires retrouvés sur les hauts plateaux éthiopiens et au Soudan.
L’approche des objets cultuels est riche d’enseignement sur les migrations ( groupes linguistiques carte p. 131, pratiques cultuels, types de représentation) comme le montre l’article consacré aux masques.
Les routes africaines sont ainsi souvent des routes spirituelles que l’on retrouve quand est analysée la diffusion de l’Islam en Afrique de l’Ouest. Les caravanes le long des itinéraires du commerce transsaharien ont permis la pénétration de la religion du livre face aux peuples animistes : les routes Dioula de Djenné et Tombouctou jusqu’au golfe de Guinée et plus à l’Est les routes Haoussa jusqu’au Nigeria.

Dans ces même régions un article est consacré aux routes des métaux (fer et surtout cuivre) retracées grâce à la technique de la cire perdue (Pays Yoruba et Bénin).

Qui dit commerce dit ville comme le site récemment fouillé de Koumbi-Saleh en Mauritanie.

Le dernier article fait une place aux plantes et matériaux. Il est illustré de magnifiques planches botaniques sur la banane et complété d’une très intéressante carte des échanges de plantes dans le monde (P 159) qui rappelle combien, dans l’histoire, les plantes ont été rapportées et acclimatées d’un continent à l’autre.

Les temps modernes et contemporains

Cette troisième partie s’ouvre sur les routes de l’esclavage depuis les premières arrivées en 1441 sur les côtes portugaises en provenance des côtes mauritaniennes. La carte (p. 167) permet de situer les étapes de la mise en place de la traite atlantique.
Un second article pose la question des effets de la traite sur les cultures africaines entre le XVII et le XIXe siècle. L’analyse des moyens de protection imaginés contre les razzias montre le recours aux génies protecteurs, le rapport au sacré, à la parenté à plaisanterie encore bien vivante au Sénégal Ce fait culturel autorise les moqueries entre personnes n’appartenant pas au même groupe linguistique ou patronymique. Les partenaires ont obligation de se protéger mutuellement sous peine de malheur, par exemple les Sérères et les Diolas sont parents à plaisanterie..
La valorisation des produits de traite est un symbole de pouvoir et des fêtes sont devenues des instruments de validation des trafics négriers comme au Bénin La fête des coutumes du Royaume d’Abomey.

La traite est aussi à l’origine du déplacement d’une expression religieuse spécifique des côtes africaines vers Haïti : le culte vaudou. Comment l’obligation de christianisme faite aux esclaves a pu protéger leurs croyances africaines.

Les routes religieuses sont aussi celles de la chrétienté depuis le temps des patriarches, le temps de la séparation des Eglises copte et éthiopienne avec le développement de l’Islam avant que les Portugais puis les autres puissances coloniales ne cherchent à christianiser le continentCarte p. 187.

Les villes ont connu une évolution au cours de la période contemporaine de la ville « créole » à la ville coloniale, du comptoir marchand cosmopolite au lieu du gouvernement colonial (administration, firmes coloniales) comme le montre l’exemple de Bamako.

Des cartes font le point sur les évolutions à la période contemporaine (p 198-199) : la présence européenne en 1895 et les révoltes, les empires en 1914, l’évolution de 1919 à 1935.

La période coloniale marque l’espace par le développement de nouveaux moyens de déplacement et de transport : de nouvelles routes en direction des métropoles. Le port devient un lieu de circulation des marchandises, des hommes et des culturesCarte des chemins de fer et sites miniers p. 208. Les conditions de construction de ces nouvelles infrastructures sont évoquées. L’article consacré au travail dans les colonies portugaises complète cette dimension à travers l’exemple de la traite déguisée en salariat dans la culture du cacao.

Trois courts articles traitent de l’Afrique d’aujourd’hui : Johannesburg, une ville qui peut paraître le symbole même de la ville africaine moderne, l’art populaire éthiopien et les représentations de Mamy Wata Esprit de l’eau, parfois décrit comme une sirène, mi-femme mi-poisson, ou d’une belle femme tenant un serpent, elle est parfois perçue comme une métaphore des conditions africaines modernes.

Un dernier article conclut l’ouvrage sur la circulation des objets et expressions artistiques et sur l’émergence d’un art africain contemporain.