Voilà une idée de cadeau… ce livre nous offre une réflexion sur la préservation de patrimoine naturel et son inscription dans la culture des peuples rencontrés. Les photographies de Jean-François Hellio et Nicolas Van Ingen propose une mise en image, une mise en scène remarquable, une véritable invitation au voyage.
Il s’agit d’une lente descente le long du littoral du désert mauritanien à la forêt dense du Sierra Léone: diversité des paysages et des communautés qui vivent ces espaces entre terre et mer; de la subsistance quotidienne aux mythes les plus profonds pour nous faire découvrir cette unité entre nature et culture autour de Mami Wata, légendaire déesse des embouchures, lieux d’une grande biodiversité.

Pierre Campredon est spécialiste de la conservation de la nature, il fut longtemps en poste en Guinée Bissau et donc un grand connaisseur des contrées qu’il nous propose de visiter. Son ouvrage est à la fois une promenade naturaliste précise et documentée et une rencontre ethnographique, enrichi des illustrations de deux photographes de talents
http://www.hellio-vaningen.fr/_fr/index.asp.

Exubérance de la vie maritime au bord du désert

Le littoral du golfe d’Arguin dispose, par sa situation au contact les milieux méditerranéen et tropical, d’une grande richesse d’espèces, les poissons, les oiseaux: phoques, échassiers, pélicans et grands migrateurs. Ce foisonnement a permis aux Imraguen de vivre de cette mer nourricière bien que difficile mais aussi convoitée depuis longtemps par les marins canariens, puis bretons, aujourd’hui coréens… L’auteur retrace à grande ligne l’histoire de cette côte de puis la préhistoire, évoque le naufrage de La Méduse, la vie traditionnelle des pêcheurs et leurs relations avec les éleveurs nomades du désert.
La promenade se poursuit jusqu’au delta du fleuve Sénégal et amène le voyageur à la ville la plus française du continent Saint Louis, aux grands aménagements et leurs méfaits, un peu atténués par la création des Parcs du Diawling (Mauritanie) et du Djoud (Sénégal), grande réserve de biosphère transfrontalière.

Les rivières du Sud, le mélange des fleuves et de la mer

Déjà repérés par les Portugais au XVI ème siècle, les grands estuaires et leurs bras secondaires: les bolons constituent de vastes espaces à fleur d’eau, domaine par excellence de la mangrove si précieuse face aux changements climatiques.
La mangrove est ce lieu apparemment monotone qui foisonne de vie et assure la restauration des ressources halieutiques. Le lamantin, si menacé aujourd’hui qui habite ces espaces a sans doute contribué à la légende de Mami Wata.
Le Sine Saloum est une terre de femmes attachées à la récolte des coquillages: huîtres et traditionnellement cauris quand les hommes se livrent à la pêche à bord de leurs petites pirogues monoxyles mais aussi quand les pluies chassent le sel une terre de riz.

Les Bijagos: l’archipel des îles sacrées

En Guinée Bissau, un ancien delta transformé en archipel abrite un peuple: les Bijagos dont l’auteur analyse le modèle social sophistiqué. Des hommes qui se déplacent d’îles en îles, en fonction de la jachère, la vie est rythmée par le riz, le palmier à huile et la pêche dans le respect des tortures marines de l’île de Poilaô.
Après un tour des espèces animales de cet écosystème, il nous montre que ce “modèle bijago”, classé par l’UNESCO est en danger. Comment conjuguer tradition et modernité?

Sociétés en souffrance

A l’issue de cette lente descente le long du littoral Pierre Campredon pose quelques questions sur les menaces qui pèsent sur les espèces et les hommes:
• La pêche: développement de la pêche artisanale, concurrence de la pêche industrielle, épuisement des ressources et de quelques espèces emblématiques: poissons-scies, requins, langoustes.
• Hydrocarbures offshores: aubaine ou menace
• Occupation du littoral: des capitales en croissance rapide ce qui entraîne des désordres pas toujours perçus (extraction de sable des plages qui aggrave l’érosion littorale, multiplication des sachets plastiques, véritable plaie de l’Afrique de l’Ouest, extensions touristiques mal planifiées

L’auteur insiste sur l’impérative adaptation au changement climatique qui menace déjà des villes comme Saint Louis ou Banjul. On peut regretter une position d’expert extérieur qui laisse peu de place à la parole des populations plus conscientes qu’on ne l’imagine d’ordinaire des dangers qui les menacent.

Construire l’espoir, dessiner l’histoire

Ce dernier chapitre présente les avancées en matière de protection de la nature.

Le Parc du Ban d’Arguin est présenté comme la solution, une assurance vie pour la pêche mauritanienne, avec des points de crispation entre protection et nécessité économique des populations.

Les Parcs du delta du Sénégal au service de la paix entre Mauritanie et Sénégal et l’action de l’ONG Océanium qui allie éducation à l’environnement et replantation de la mangrove.

Un espoir pour les Bijagos: l’aire marine protégée d’Urok: lieu de mise en valeur de la culture de ce peuple qui est associé à sa gestion.

La conclusion ouvre sur les tentatives de coalition régionale de conservation qui se mettent en place avec l’aide de grands organismes internationaux comme le WWF ou l’UICN…

Un beau livre pour une première approche du littoral de l’Afrique de l’Ouest.