Le réseau Canopé et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah proposent une approche en trois temps avec un livre, un web documentaire et un site internet. Ce dispositif à plusieurs facettes est consacré à ce que l’on appelle « l’album d’Auschwitz », un ensemble exceptionnel de 200 photos, daté de 1944, qui a donné à voir le processus d’extermination.

Un album exceptionnel sur la déportation

Serge Klarsfeld retrace d’abord le parcours de cet album, récupéré par Lili Jacob (ou Lili Zelmanovic) à la fin de la guerre. Toute sa famille est morte à Auschwitz et, point particulièrement émouvant, on la retrouve, ainsi que ses frères, sur une des photographies.

Elles ont été prises par deux officiers, Bernhard Walter et Ernst Hoffman, et retracent une déportation particulière, celle de 1944. L’existence de la voie ferroviaire jusqu’à l’intérieur du camp permet de situer chronologiquement cet ensemble.

Serge Klarsfeld rappelle que certaines des photos avaient déjà été publiées dans d’autres ouvrages, le plus souvent sans identification précise. Le procès de Francfort au début des années 60 avait alors permis d’en savoir plus. On trouve dans le livre les photocopies des dépositions du procès. On n’a pas tout de suite compris l’importance de cet album. Il y a eu une édition publiée en 1980.

L’album d’Auschwitz, un témoignage sur la déportation des Juifs de Hongrie

Cet album témoigne donc de cette déportation de mai 1944 qui a concerné les Juifs de Hongrie. Un article rappelle qu’un million de Juifs vivait dans l’empire austro-hongrois en 1914. Cela représentait 6 % de la population hongroise. Emancipés dès 1867, ils vécurent tranquilles jusqu’en 1918 mais, aux lendemains de la guerre, ils sont stigmatisés. En 56 jours, 350 000 sont gazés dès l’arrivée sur un total de 437 000 déportés. Ils font partie des 1,2 millions de tués à Auschwitz.

L’article suivant s’intéresse à l’album d’Auschwitz et le décrit. Il précise qu’il est composé de 190 photographies pour 197 au départ, dont désormais 183 ont été retrouvées. Ensuite on a la reproduction de l’album original, ce qui constitue donc l’essentiel de ce livre.

Des outils pour prendre en mains ce document

Un article fait le point sur le complexe d’Auschwitz avec l’organisation en trois camps. On dispose d’une chronologie, de plans et des dessins de David Olère. Serge Klarsfeld et Marcello Pezzetti proposent un focus sur la Judenrampe. « A l’exception des Hongrois et des Juifs du ghetto de Lodz, c’est là que sont arrivées la grande majorité des personnes déportées à Birkenau. C’est l’endroit où la plupart des survivants ont vu pour la dernière fois leur famille. ».

L’ouvrage propose surtout l’analyse et le commentaire de seize photographies. Ce choix permet de comprendre le processus qui va de la sélection jusqu’à l’extermination. A gauche, il y a l’image et à droite son commentaire avec une référence numérotée sur sa place dans l’album. Le commentaire est assez détaillé. Il y a des focus où on peut voir les personnages qu’on a pu identifier.

Parmi les autres outils à disposition du professeur, notons les annexes avec « le sort des Juifs en France sous l’Occupation » : c’est très synthétique avec un encart sur le bilan. Il y a aussi des extraits de témoignages de Juifs de France déportés à Auschwitz, un glossaire et une bibliographie.

Le web documentaire : un précieux outil pédagogique

Il ne faudrait surtout pas négliger le webdocumentaire associé à la publication. En effet, il ne s’agit pas ici d’un simple alibi pour afficher un prolongement lié aux nouvelles technologies. Pour s’y rendre, il faut aller sur https://www.reseau-canope.fr/les-2-albums-auschwitz/ Il existe une entrée accessible à tous, et une entrée réservée à ceux qui possèdent le livre.

Les entrées thématiques sont les suivantes : l’arrivée à Auschwitz-Birkenau, être officier sur le site, le témoignage de Lili Jacob, débats historiographiques sur la Solution finale, l’album d’Auschwitz, l’album d’Höcker. Chacune de ces entrées est ensuite très développée et apparait en bas de l’écran. Chacune des sous-entrées donne lieu à un commentaire dont on peut aussi lire le texte.

On trouve une entrée par échelle avec le monde, l’Europe, le complexe d’Auschwitz, et Auschwitz-Birkenau. Enfin, il faut mentionner une approche chronologique qui va du Moyen Age à 2009.

Pour accéder à l’espace pédagogique, cela nécessite d’avoir le livre car il y a un système de code. Une fois votre compte créé, vous pouvez accéder à un espace avec huit questionnaires à destination des élèves. Dans le menu « Créer », vous pouvez préparer les questionnaires. Cela se fait sous la forme d’un glisser-déposer d’un certain nombre de questions parmi un stock proposé.

Petite limite, vous ne pouvez pas créer de questions, mais cela s’explique car chaque question posée est reliée à un extrait du Dvd ou du webdocumentaire et précise à l’élève quelle partie regarder pour pouvoir répondre. Quand votre questionnaire est créé, cela génère un code à communiquer à vos élèves. L’élève dispose ensuite d’un cadre dans lequel il peut écrire sa réponse.

Le dvd « Album(s) d’Auschwitz »

Le film commence en mettant en regard les deux albums d’Auschwitz, celui des bourreaux, c’est-à-dire celui communément appelé de Höker, et celui de Lili. Rappelons que l’album d’Höker montre des clichés de visites officielles, de cérémonies, ainsi que des photographies plus personnelles illustrant les activités sociales des SS. « Beaucoup de photos sont prises à Solahütte, un lieu de villégiature SS à environ 30 km au sud du camp principal d’Auschwitz ». Ces deux albums constituent donc les deux faces de la réalité des camps. Une musique envahissante ponctue ce rapprochement évoqué au début du film mais, heureusement, elle s’atténue au bout de cinq minutes.

Le film évoque la destinée des Juifs hongrois. Lili Jacob intervient à plusieurs reprises dans le film et l’on entend également des extraits des journaux d’officiers nazis dont celui de Rudolf Höss. Le documentaire revient sur le fait qu’en deux mois, 430 000 Juifs de Hongrois sont déportés, la plupart gazés, dont 24 000 en un jour. A partir de novembre 1944, le front se rapproche. Il s’agit alors pour les nazis d’effacer les traces des crimes commis. Alors que la guerre se termine, Lili raconte comment elle trouve un album dans une baraque. Sur les clichés, elle voit ses frères, puis elle-même. Le film explore ensuite les destinées d’après-guerre. Höker devint caissier dans une banque.

Lili Jacob, quant à elle, garde précieusement son album et ne veut pas le vendre. Elle accepte cependant que des copies soient faites, ce qui lui permet de réaliser son rêve, aller aux Etats-Unis. Le film se focalise ensuite sur les années 60 car, jusque là, l’histoire des populations juives a été occultée. L’album de Lili peut alors fournir des preuves pour les procès qui commencent.

Elle vient d’ailleurs témoigner, apportant avec elle son album. Beaucoup des accusés seront libérés ou verront leur peine initiale finalement réduite. En 1980, elle fait don de son album à Serge Klarsfeld. Arrivé à ce point, on retrouve donc le début du livre. Lili Jacob disait : «  Je ne les hais pas, parce qu’ils devront vivre avec ça », paroles d’une force incroyable dans ces circonstances.

Cet ensemble très complet propose d’abord la reproduction intégrale de l’album et l’accompagne de nombreux éclairages. Il se révèle donc utile à l’enseignant pour traiter cette question en cours. En reproduisant in extenso cet album, il en souligne l’importance et montre comment il est devenu une pièce essentielle pour appréhender le processus génocidaire.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes