Les héroïnes, qu’elles soient issues de l’Histoire, des mythologies, de la littérature, du cinéma ou des jeux vidéo, en disent long sur la place de la femme dans la société, à travers le temps. Analyser des femmes comme Barbie, Lady Macbeth, Circé ou même la Schtroumpfette, c’est d’abord se plonger dans le passé et comprendre pourquoi ces figures féminines sont ancrées dans l’imaginaire collectif. C’est aussi questionner les stéréotypes qui ont façonné les esprits et la façon de considérer les femmes. C’est, enfin, jeter un regard sur la société d’aujourd’hui, qui recycle encore trop souvent les vieux clichés.

Un hommage aux héroïnes sous forme de réhabilitation

Dans ce second tome, l’auteure, en plus des contes et légendes, a éprouvé la nécessité d’investir de nouveaux supports comme les albums de comics, les jeux vidéo, les BD, les films et les séries, comme Trinity (Matrix), Ellie (The Last of us), Daenerys Targaryen (Game of trones), la Schtroumphette… Une grande place est laissée à la pop culture. Des figures moins connues, plus ambiguës, sont également abordées, permettant de décentrer le regard européano-centré, comme La Malinche, Mulan, Sainte Soline, Chang’e… De Barbie à Anne Franck, en passant par les Valkyries et Lady Macbeth, l’album nous propose une réinterprétation éclectique, rafraichissante et pétillante, de vingt-et-une figures à l’aune des pensées féministes mais aussi par un prisme écologiste.

Si certains récits ont longtemps enfermé les femmes dans des cases, leurs histoires, remises au goût du jour, peuvent devenir émancipatrices. Les mythes racontés par les « meufs » n’ont pas fini de réinventer nos sociétés.

Chaque femme est décrite dans trois pages de bande-dessinée, avec d’abord un dépoussiérage des idées reçues puis un décryptage de l’archétype qui lui est assigné, forgé par le regard masculin. Ensuite, sont évoqués les liens avec notre société actuelle. Une ouverture sur un fait de société, des ouvrages liés ou des réflexions intéressantes concluent cette analyse. Un texte proposant une analyse plus poussée de l’auteure et un encadré pour aller plus loin et élargir la réflexion enrichissent les pages de bande-dessinée. L’humour omniprésent et le ton incisif rendent l’ensemble de l’album très plaisant et intéressant à lire. Les dessins, très simples, colorés et sur-vitaminés, rajoutent au plaisir de la lecture. Le format court se prête bien à une exploitation en classe, notamment dans le cadre de l’EMC, en collège et en lycée.

Réinterpréter les histoires des femmes pour en faire des figures inspirantes

Blanche Sabbah : « Avec Mythes et Meufs, ma réinterprétation féministe des contes et légendes qui façonnent notre culture, ce sont toutes mes passions qui se croisent. […] Dans ce volume, j’ai voulu souligner la permanence des archétypes que l’on retrouve à travers les époques et les continents, mais j’ai aussi interrogé la fluidité et la multiplicité des figures féminines. J’ai voulu rendre flexibles et perméables les catégories de genre, et donner à voir combien la culture queer et féministe est riche en créativité, comme il est libérateur de nous réinventer. »

L’objectif déclaré de l’auteure, avec Mythes et meufs, est que les histoires de femmes, souvent utilisées contre elles, deviennent des clefs pour comprendre les enjeux actuels, des alliées, des figures inspirantes et enrichissantes. L’idée est, à l’heure où les gouvernants durcissent leur répression partout, où la menace de l’extrême droite est de plus en plus palpable, où l’urgence écologique est de plus en plus criante, où l’on sent dans certains devoirs d’élèves un militantisme alarmé face à différentes urgences sociales, que ce livre soit un outil pédagogique pour nos combats, mais aussi pour nous faire rêver d’héroïnes puissantes et de mondes merveilleux.

Pour conclure et reprendre l’élogieuse critique du journal Le Soir, « l’esprit de Blanche pétille d’ouverture et d’ironie sur l’humanité ». J’ai adoré cette lecture.