De retour parmi les auteurs présentés sur le site la Cliothèque, Romain Huret qui a les Etats-Unis comme sujet d’étude principal, ne pouvait certes pas passer à côté d’un tel sujet, après l’élection de Barack Obama.

Les projets de Barack Obama en matière de justice sociale ont suscité chez beaucoup d’observateurs de nombreuses attentes. Paradoxalement les Etats-Unis sont devenus le pays modèle de développement de la pauvreté dans le monde occidental. La catastrophe de la Nouvelle Orléans a donné à voir une Amérique pauvre, noire, édentée et obèse. On connaît les chiffres de 40 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Ici Romain Huret va décoder ce discours, montrer que ces pauvres « honteux » ont tendance à devenir de plus en plus visibles. Le cyclone Katrina a été le dernier moment de cette exposition d’une Amérique de la misère mais il n’a pas été le seul pendant le XXe siècle. La grande dépression, les années soixante ont été des moments forts de cette mise en avant de la question sociale aux Etats-Unis.
Le ton de Romain Huret est parfois provocant lorsqu’il développe sur le thème de la beauté des pauvres, en démontrant que celle-ci est aussi visible par une appropriation des lieux et des espaces. Une des raisons d’ailleurs du refus des pauvres de la Nouvelle Orléans de quitter le quartier où ils peuvent espérer un soutien.
L’idée de la dimension esthétisante de la vision des pauvres est également dans le caractère temporaire de cette pauvreté. Les Etats-Unis vident encore largement dans l’idée que le destin est tout de même l’élévation sociale et la réussite pour tous. La pauvreté traduit un vice, un coup du sort, une faiblesse pathologique. Paradoxalement, il semblerait que ce soient les administrations républicaines, à partir de Reagan, qui, en mettant en avant la réussite et en stigmatisant la pauvreté comme une tare, qui ont remis en cause cette idée. La société étasunienne n’est pas redistributrice, sauf pendant des périodes très brèves, le fair deal de Truman ou la great society de Johnson. Les ambitions de Clinton ou d’Obama, ont été plus modestes, ont le voit

La définition des pauvres est apparue en 1965 avec de très fortes oppositions des républicains et des monétaristes qui s’opposaient au principe même d’une assistance sociale prise en charge par l’Etat. Ces assistances sociales à vocation caritative et pas redistributive étaient d’ailleurs largement soumises à conditions, notamment celles versées aux femmes seules. Des enquêteurs venaient d’ailleurs vérifier la présence d’un concubin au petit matin…
La loi de 1935 au départ privilégiait les bons pauvres, les enfants orphelins, les aveugles et les personnes âgées nécessiteuses. Les domestiques et les ruraux, sont exclus du bénéfice de ces aides sociales, à cause des démocrates du Sud qui font pression sur Roosevelt afin que les noirs n’en bénéficient pas.
Dans les années 80 la gabegie de l’assistance est dénoncée. Les queen’s welfare (essentiellement des jeunes filles noires) sont ainsi dénoncées avec leurs enfants qui leurs permettent de toucher des aides sociales. Le workfare qui a été voté en 1996 soumet l’obtention d’une aide sociale à un travail d’utilité collective… Mais les villes ont du mal à en assumer la charge.
La conclusion de Romain Huret est assez pessimiste. La non résolution de ce problème social par les Etats-Unis se révèle dangereusement contre-productive. Elle aboutit à un rejet du modèle américain, un modèle qui privatise la résolution de la pauvreté et qui fabrique massivement de l’exclusion.

Les ouvrages de Romain Huret présentés sur le site La Cliothèque

http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article2633


http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article1931