La courte mais intense période de guerre civile de « l’année des quatre empereurs » demeure le cadre de la suite des aventures de l’ex-centurion Quintus Aper et la gladiatrice Columba, avec qui l’on avait eu le plaisir de faire connaissance dans un précédent album. Ces deux héros de fiction se trouvaient alors en Gaule, en l’an 68 de notre ère, pendant la rébellion du gouverneur de la province de Gaule lyonnaise Gaius Julius Vindex. Ce deuxième opus débute en l’an 69 avec l’assassinat de l’empereur Galba. Deux empereurs militaires s’affrontent pour sa succession, Othon à Rome et Vitellius en Germanie. En Judée, le troisième prétendant Vespasien reste en embuscade dans l’attente du moment propice.

Depuis Rome, son frère le préfet Sabinus confie toutefois une mission délicate au dévoué Quintus Aper : ramener en lieu sûr Antonia Caenis, la maîtresse de Vespasien. Surprise par la guerre alors qu’elle séjournait pour raisons de famille à Cologne, la dame n’est pas en sécurité dans le territoire désormais contrôlé par Vitellius. Durant cette équipée périlleuse, Quintus croise une équipe de spadassins chargée par Othon d’assassiner son rival. Son amie Columba est l’une de ces mercenaires. Tous deux lient à nouveau leur sort pour escorter sur le chemin du retour vers Rome l’étonnante Antonia Caenis, maîtresse femme douée d’un talent d’hypermnésie. Les dangers du passage des Alpes, les risques de la route et de la mer, les périls de la guerre civile sont autant d’épreuves que traversent les protagonistes durant leur parcours riche en péripéties.

L’intérêt du scénario est enrichi visuellement par la qualité de l’évocation illustrée. On ne peut qu’être sensible au soin apporté à la restitution du cadre matériel de la romanité, routes, lieux d’étapes, cités, navires. Une attention minutieuse est consacrée aux détails de la vie quotidienne, à l’univers des boutiques, aux graffitis muraux, ce qui accentue encore l’impression d’authenticité dégagée par les images. La véracité documentaire de ces éléments n’est pas un des moindres mérites de cette bande dessinée. On ne doute pas que Jean-Claude Golvin, éminent expert de l’illustration archéologique qui signe la préface, ait apprécié en connaisseur la qualité de leur réalisation.

Un cahier documentaire copieux d’une vingtaine de pages complète l’album. Il contient une série de notices thématiques présentant les protagonistes et les événements de l’époque. On y remarque particulièrement une belle présentation de l’étonnante égérie de Vespasien, Antonia Caenis, qui est un personnage historique authentique. Des descriptions de la mode vestimentaire féminine à l’époque romaine et de la vie des femmes sur le limes lui sont adjointes. Le tableau fait de ce dernier thème s’appuie notamment sur les remarquables découvertes archéologiques du site britannique du fort de Vindolanda, ce dont on profitera pour déplorer qu’il n’existe toujours aucune étude en langue française dédiée à ce lieu majeur de l’archéologie romaine. De passionnantes évocations des voies romaines à travers l’espace gaulois, de l’écriture, des inscriptions et des graffiti sous le Haut-Empire et de la médecine à Rome complètent le panorama. Ce contenu très pédagogique et abordable, accompagné par une illustration de qualité, est particulièrement bien adapté au public collégien et lycéen.

La qualité de la proposition et son agrément visuel font escompter avec confiance la suite de l’aventure, puisqu’un troisième volume est annoncé. On souhaite d’autant plus de succès à Columba et Quintus Aper que cette publication a bénéficié de l’apport d’un financement participatif : ce soutien éclairé à une jolie réussite mérite d’être reconnu et encouragé.

© Guillaume Lévêque