Une méga analyse ….
Derrière ce terme de méga analyse, il faut comprendre que John Hattie a rassemblé pendant plus de quinze ans des travaux sur les apprentissages. Cette somme correspond donc à l’analyse de plus de 900 méta analyses portant elles-mêmes sur 50 000 articles scientifiques venant d’études sur 240 millions d’élèves. L’annexe 2 revient sur les 900 et quelques méta-analyse et l’annexe 5 précise, pour ceux qui veulent en savoir plus, la question du calcul de la taille des effets qui est au coeur du repérage des méthodes efficaces. Sans entrer dans les détails techniques, le chiffre de référence à connaitre c’est 0,40 qui correspond aux apports moyens dans une situation d’apprentissage. Il faut donc comprendre que tout chiffre supérieur correspond à une pratique bénéfique pour l’élève alors qu’un chiffre inférieur montre l’inverse.
…. au service d’un objectif clair
Ses travaux commencent à être relayés, par exemple récemment dans un mooc intitulé « L’innovation pédagogique dont vous êtes le héros ». Une des idées fortes de John Hattie est de rendre cet apprentissage visible, c’est-à-dire de définir quelles sont les méthodes efficaces aux élèves et aux professeurs éventuellement. Monique Brodeur prend le temps de mettre en perspective ces travaux pour dire qu’ils ne représentent pas l’alpha et l’omega de tout acte d’enseignement. Il serait néanmoins très dommageable de se priver de ses conclusions et conseils. L’annexe 3 porte sur les facteurs qui influencent le rendement scolaire des élèves.
La structuration du livre
Le livre est organisé en neuf chapitres et six annexes. Ces neuf chapitres s’inscrivent dans trois parties : l’origine des idées et le rôle des enseignants, les leçons, les postures essentielles. Pour faire passer son message et ses conclusions, John Hattie choisit de proposer des outils pour aider les enseignants dans leur travail d’analyse, voire de transformation des pratiques. Tout au long du livre, on trouve aussi des petits encarts en grisé qui sont autant de points de vérification pour voir si on applique « les bonnes méthodes ». La table des matières est proposée au début de l’ouvrage et elle est suffisamment détaillée pour avoir déjà une idée générale sur ce qu’on va pouvoir trouver. Vous pouvez découvrir la table des matières ici.
L’ouvrage comprend une abondante bibliographie ainsi qu’un index thématique qui permet très rapidement d’en savoir plus sur un point précis.
L’origine des idées et le rôle des enseignants
La première partie précise d’abord quelques aspects méthodologiques. Il « y a enseignement et apprentissage visibles lorsqu’une pratique délibérée est instaurée en vue d’atteindre ce but, lorsqu’une rétroaction est donnée et sollicitée et lorsque des gens actifs …prennent part à l’acte d’apprendre ». John Hattie souligne bien que son étude n’envisage pas la question des programmes mais souligne l’influence de l’enseignant. C’est pour cela qu’il s’intéresse aux « postures fondamentales » que doivent adopter les enseignants. On lira ici des grands principes que l’on espère unanimement partagés comme « l’attitude bienveillante ». Les pages 25 et 26 résument quelques points clés auxquels croit John Hattie. Le lecteur ne doit pas s’attendre à des sortes de formules magiques car « il n’existe pas de recette, pas de cahier de développement professionnel…il s’agit d’une façon de penser ». De même, John Hattie, s’il souligne le rôle des enseignants, ne veut pas se limiter à la simple explication de personnalité pour expliquer des réussites.
La planification de la leçon
Cette deuxième partie est le coeur de l’ouvrage et se déploie sur cent-cinquante pages. Pour réussir, John Hattie invite les enseignants à tenir compte de plusieurs éléments dans la préparation de la leçon. Parmi eux, l’influence des perceptions de soi des élèves sur la leçon. Il pointe l’idée d’auto efficacité, d’auto motivation, de perfectionnisme ou de comparaison sociale. Il parle ensuite de l’apprentissage ciblé, c’est-à-dire qu’il est fondamental d’être clair en ce qui concerne les apprentissages et les moyens. Il rappelle que « les élèves ont souvent besoin qu’on leur enseigne explicitement les intentions d’apprentissage et les critères de réussite ». Il plaide également pour ce qu’il appelle « l’enseignement direct » qui doit respecter des critères pour être efficaces, critères qu’il détaille et commente par ailleurs. Il est nécessaire que les enseignants parlent entre eux d’enseignement.
Quelle amorce pour la leçon ?
S’il est fondamental que les professeurs échangent sur leurs façons de faire, ils ne doivent pas pour autant monopoliser la parole. John Hattie insiste pour changer la « proportion entre la parole et l’écoute ». D’après plusieurs travaux, seulement 5 à 10 % des discours de l’enseignant favorise une conversation ou un dialogue impliquant les élèves. Bref, il est important que les enseignants écoutent ! Dans une étude, Brualdi a montré que les enseignants posaient beaucoup de questions, jusqu’à 300 par jour, et la majorité d’entre elles étaient en réalité de bas niveau cognitif. John Hattie invite à se méfier de certains réflexes, comme celui de coller des étiquettes aux élèves. En effet, s’il concède qu’un diagnostic sur un élève est intéressant, il doit alors être le point de départ et non la raison pour ne pas enseigner. John Hattie se montre critique sur les travaux d’Howard Gardner et sur l’idée d’intelligences multiples. Le chapitre se conclut par un tableau très utile qui récapitule les effets de telle ou telle pratique. L’amorçage est en tout cas fondamental et l’auteur suggère de revenir sur l’accroche choisie en conclusion de la leçon afin de consolider ce qui a été appris.
Le déroulement de la leçon
Pour engager les élèves, autant qu’ils soient motivés. John Hattie cite les travaux de Winne et Hadwin qui ont élaboré un modèle de motivation en quatre étapes à utiliser avec les élèves : constater un écart, fixer des objectifs, mettre en oeuvre des stratégies, combler l’écart. Ce chapitre précise d’autres éléments de base à connaitre pour faire réussir les élèves dans leur apprentissage, comme ceux qui concernent le fonctionnement de notre cerveau. Quoi qu’on en pense, l’être humain ne peut assimiler une quantité illimitée d’informations et lorsqu’on présente de nouvelles idées, on doit éviter de surcharger la « mémoire de travail ». Pour cela plusieurs stratégies existent comme celle qui implique que les idées nécessitant d’être associées entre elles doivent être présentées de manière contigüe dans l’espace et dans le temps. De même, la répartition des périodes d’étude dans le temps favorise une meilleure mémorisation à long terme plutôt que la tenue d’une séance unique. John Hattie pointe également que des programmes de type « apprendre à apprendre » qui ne sont pas intégrés au contenu ont peu de valeur. En revanche, parmi les méthodes à privilégier sur le point délicat de la prise de notes, les travaux de Kobayashi pointent qu’il est plus efficace pour les élèves de travailler à partir de prises de notes de l’enseignant car celles-ci formaient une référence.
La place de la rétroaction
C’est un des principaux facteurs de réussite et peut-être un des moins utilisés. Ce déficit s’explique sans doute par le fait qu’un tel processus oblige par exemple à reconsidérer la place de l’erreur. John Hattie définit les trois questions auxquelles doit répondre la rétroaction : où dois-je me rendre, comment y parvenir et quelle est la prochaine étape ? L’auteur pointe le fait que peu d’élèves sont capables d’énoncer les objectifs de la leçon. Il invite aussi à prendre quelques précautions comme de ne pas mélanger félicitations et rétroaction. Les travaux de Leahy et Wiliam montrent que « lorsque les évaluations formatrices sont intégrées dans l’emploi du temps et les activités quotidiennes en classe des enseignants, une amélioration considérable du rendement des élèves …est possible ». La rétroaction doit être ciblée, précise et claire. Pour savoir concrètement comment procéder, on peut se reporter aux travaux de Shute qui énonce les neuf lignes directrices pour que la rétroaction ait un effet positif sur l’apprentissage pages 196-197. Le chapitre suivant revient sur la leçon du point de vue de l’élève, ce qui peut être redoutable et déstabilisant. John Hattie conclut en rappelant que « l’enseignement centré sur l’apprenant repose essentiellement sur quatre critères : une relation chaleureuse, la confiance, l’empathie et des relations positives ».
Les postures des enseignants, des leaders scolaires et des systèmes
Dans cette troisième partie, John Hattie propose une approche plus systémique, c’est-à-dire un modèle possible de changement pour l’école. Pour que des transformations puissent avoir lieu, il peut être aussi utile de cerner ce qui ne permet pas le changement. Ce sont les travaux de Fullan qui a mis en évidence quatre moteurs « inefficaces » : la reddition de comptes, la qualité individuelle des enseignants et des directions, la technologie, les stratégies fragmentées. A l’inverse, on peut relever des exemples de postures essentielles : avoir des attentes élevées envers tous les élèves, appliquer des pratiques pédagogiques efficaces dans toutes les classes au quotidien ou encore favoriser des relations positives avec les parents. L’idée générale est de changer la façon dont nous percevons notre rôle et de stimuler la collaboration, la confiance et l’engagement. On trouve à la fin du chapitre une grille pour faire son propre bilan du point de vue de l’apprentissage visible. L’annexe 1 se présente comme une liste de vérification de tous les indices de bonnes pratiques disséminés tout au long de l’ouvrage.
C’est un ouvrage que chaque enseignant doit prendre le temps de lire pour s’interroger sur ses pratiques, sur ce qu’il fait. Au-delà de tout empirisme réussi, les travaux de synthèse de John Hattie proposent une mise en perspective et une identification de ce qui marche ou non en terme d’apprentissage. Un ouvrage indispensable.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.