Dans cet ouvrage richement illustré, l’artiste graphique espagnole Rebeka Elizegi propose sa propre sélection du travail de cinquante femmes qui font de leurs collages à la fois des œuvres d’art à la technique parfaitement maitrisée, des récits d’instants de vie, des revendications remplies de fantaisie et, voire même pour certaines, des cris déchirants dans un monde où les enjeux de pouvoir et de reconnaissance sont au cœur des luttes féministes.
Dans sa préface, Rebeka Elizegi compare le collage à « un champ de bataille » et force est de constater que ces artistes – y compris l’autrice – sont des guerrières qui portent leur identité en déstructurant la réalité des images qu’elles s’approprient pour en construire d’autres qui leur sont cette fois-ci propres. Offrant à voir des scènes d’un monde entièrement recomposé par des femmes, son agencement pourrait sembler déstructuré au premier regard, il n’en est rien. Le collage devient alors une source de questionnement, de revendication, de quête d’identité, mais aussi de plaisir où l’imagination féminine s’exprime sans contrainte normative fixée par un milieu artistique – et pas seulement lui – qui, trop souvent invisibilise les femmes.
Si l’art du collage peut apparaître de prime abord comme un art mineur, inconnu ou oublié, la somme proposée dans ce livre, tant par sa diversité que par les introductions commentées de chaque collagiste, démontre qu’il n’en est rien. En effet, portraits anciens, immeubles de verre et d’acier, timbres, sacs en papier, fil, chromos, technologies du numérique … permettent des dispositifs militants à ces plasticiennes « qu’elles -les images oubliées – proviennent d’un magazine de jardinage ou d’un livre scolaire » comme le constate Olga Lupi, collagiste française qui, depuis son enfance sur les murs de sa chambre, pratique aussi bien le collage à la main que le collage numérique, dans un travail solitaire ou dans une démarche collective, sur les murs des villes ou en fabriquant des cartes postales.
De Sherry Parker née en 1949, collagiste à la fin de sa vie professionnelle et qui reconnaît n’avoir jamais souffert de la moindre discrimination en Californie à Ingrid Mabelle, jeune femme noire née au Brésil en 1992 venue au collage pour « dépasser de mauvais moments », cet art tisse des liens entre des femmes venues de tous les horizons, au-delà de leurs origines et de leurs parcours individuels. Elles se reconnaissent toutes dans la démarche de Rebeka Elizegi qui les relie dans la communauté que compose « L’art du collage au féminin « .
Utilisant la technique qu’elle définit comme étant un photomontage cousu, Annegret Soltau, collagiste allemande, retravaille des photographies d’elle-même, de sa famille qu’elle évide. Elle interroge à travers cette démarche le diktat de la beauté féminine et la nécessité d’être « une vieille femme » pour être reconnue comme elle le dit à Rebeka Elizegi.