Embarquons pour la Grèce de Clytemnestre et d’Agamemnon ! La particularité de la collection « les manuels d’art et d’archéologie antiques », richement illustrée, est de replacer les principales œuvres et styles dans leur contexte historique. Après un premier ouvrage consacré à l’art de la Crête et des palais minoens, ce second volume de la série est dédié à l’art mycénien, de son apparition vers 1600 av. J.-C., dans un monde helladique où les œuvres d’art étaient jusque-là rarissimes, à ses dernières survivances à la fin du IIe millénaire avant Jésus-Christ. Cette culture mycénienne s’implante et prend son essor jusqu’à la côte anatolienne, développe des relations avec le Proche-Orient et l’Égypte, donnant à Chypre un rôle de plaque tournante dans le commerce méditerranéen.

La première partie décrit la formation, entre 1600 et 1450 av. J.-C., de l’art mycénien illustré, par les objets des tombes à fosse de Mycènes emplies de bijoux, de masques funéraires en feuilles d’or, de poignards ouvragés… C’est l’époque où la Grèce continentale, jusqu’alors la plus pauvre des régions du monde, se hisse, par sa richesse nouvelle et par ses œuvres d’art, au niveau de la Crête des Cyclades. Qui a créé ces œuvres ? Les similitudes stylistiques entre les sceaux, les bijoux, les armes ouvragées sont-elles dues à des transferts artistiques, à des emprunts iconographiques ou s’agit-il du transfert par un même artiste de son style d’un art dans un autre?

Une deuxième période s’étend de 1450 av. J.-C., moment où les Mycéniens prennent le pouvoir à Cnossos et s’y installent jusqu’à la destruction de ce palais vers 1370 av. J.-C. C’est l’époque où se constituent les formes et le répertoire de l’art mycénien. C’est aussi le début d’une expansion mycénienne dans le bassin méditerranéen, moment où le commerce avec l’Égypte (sous les règnes des Pharaons de Thoutmosis III, Aménophis II et Aménophis III) est en plein essor. En Grèce, ce sont les riches peintures et sculptures de la tombe de Clytemnestre et du trésor d’Atrée et surtout les grandes fresques des murs et les sols du palais de Cnossos et du pavement Banti de Haghia Triada. Ce style se répand dans tout l’Orient, en Égypte avec le plafond peint de Malkata.

L’apogée de cette culture, le moment où le monde égéen devient un monde mycénien est l’objet de la troisième partie. C’est l’époque des palais continentaux de Pylos, Mycènes, Tirynthe et Thèbes. Les décors évoluent vers l’abstraction et la stylisation. La fabrication des bagues-sceaux en or disparait peu à peu. L’art du relief se reporte sur le travail de l’ivoire, notamment les splendides peignes arborés dans les opulentes chevelures. Les perles de verre bleues tendent à remplacer celle en faïence. Parallèlement les fortifications des grands sites grecs (Tirynthe, acropole de Mycènes…) sont renforcées. Les remparts dont l’épaisseur peut atteindre 8 m sont souvent construits en appareils cyclopéens c’est-à-dire en très gros blocs ajustés sans argile comme la porte des lions ou la poterne de Mycènes). Ceci suppose une organisation considérable et manifeste une très grande maîtrise technique. Mais à quoi servent ces fortifications ? S’agit-il d’une manifestation de la puissance ? S’agit-il de contrer de petits conflits ou de vastes incursions ? Les relations se poursuivent avec l’Égypte même si Mycènes est absente des textes diplomatiques notamment des lettres trouvées à Tell el Amarna. En revanche, en Anatolie centrale, les archives des souverains hittites, révèlent l’existence des conflits entre ceux-ci et une certaine « Ahhiyawa » que certains identifient avec Mycènes. La sphère mycénienne s’étend. Les relations sont ainsi amorcées avec la Méditerranée centrale, l’Italie du Sud, la Sicile, la Sardaigne. Chypre tient une place de plus en plus importante dans le commerce méditerranéen. Importations et imitations, transferts artistiques se multiplient entre le monde égéen, l’Égypte et le Proche-Orient. Ce sont les poignards, les harnachements de chars, et autres célèbres objets de la tombe de Toutankhamon en Egypte, les coupes en or en or et les pièces d’ivoire trouvées à Ugarit sur la côte levantine. Mais les ivoires mycéniens subissent eux aussi l’influence des modèles orientaux : les têtes des lions de la maison des boucliers n’en témoignent-ils pas ?

La dernière partie de l’ouvrage relate les transformations de l’art mycénien après 1200 avant Jésus-Christ. Les troubles qui affectent l’ensemble du monde mycénien entrainent une réorganisation de la société et du système économique. Ces troubles perturbent, sans les interrompre totalement, les relations entre l’Egée, l’Orient et l’Occident. Ce ne sont plus les relations diplomatiques mais des échanges irréguliers de type commercial. Les objets de prix trouvés dans les tombes notamment celles de guerriers sont souvent des objets hérités de l’époque précédente (trésor de Tirynthe).

Mais toutes ces magnifiques pièces sont-elles authentiques ? Un masque en électrum a fait son apparition dans les années 1960. Plus petit que le masque dit « d’Agamemnon », il présente la même forme du visage, les mêmes oreilles, les mêmes yeux, la même barbe, la même moustache. Seuls certains petits détails sont différents. S’agit-il d’un vrai masque funéraire mycénien ou est-ce l’œuvre d’un faussaire? Et qu’en est-il du poignard de Genève ou de l’anneau d’or de Nestor ? Un beau livre à lire pour le découvrir !

Véronique Grandpierre