En adaptant le roman éponyme du hollandais Harry Mulisch (1927-2010) paru en 1982, Milan Hulsing (La cité d’argile) a réussi son pari. Et la Boîte à bulles aussi en reprenant cette bd initialement parue aux Pays-Bas en 2015, avec le soutien de la Dutch Foundation for literature.
C’est une enquête, une enquête qui avance au fil des années traversées (1945-81) par Anton, dont les parents et le frère ont été assassinés en 1945 par les nazis. Le héros est donc un rescapé, alors que sa famille a été exécutée en représailles de l’assassinat d’un collabo, dans leur rue. Et la maison natale brûlée, Anton a alors douze ans. Ses souvenirs s’effilochent, sa mémoire sombre. Mais, paradoxalement, plus le temps passe et plus Anton reconstruit ce funeste moment, à la faveur de rencontres et de retours à Haarlem, la ville où tout s’est joué.
Mémoire vs histoire
Le propos, dur, est mû par un récit bien charpenté et des dialogues qui mêlent voix intérieure et rencontres amoureuses, familiales, amicales, politiques. Car l’arrière-plan socio-politique des Pays-Bas (le projet Maisons blanches en 1966), mais aussi international teinte ces quatre décennies, déployant par exemple la question du jugement des collabos hollandais ou celle de la production de bombes à neutrons par les Etats-Unis de Reagan en 1981. Néanmoins, la colonne vertébrale reste ce combat pour restaurer la vérité sur cette nuit atroce de 1945. Un combat qui jette deux protagonistes habitués à se rencontrer sur les rings des débats démocratiques : la mémoire et l’histoire.
La palette chromatique ne laisse pas indifférent, avec ses lavis et ses monochromes. Le dessin est minimaliste, parfois à la limite de l’ébauche, comme le montre parfois le visage de Takes – le résistant qui exécuta le collabo – comme pour mieux souligner la complexité et la fragilité de l’existence. Il s’insère dans des pages aux rythmes visuels très variés, allant de la double-page (p 108-9) à des scansions très marquées (neuf cases).