Automoville – automobile, ces deux termes n’ont pas seulement une lettre de différence, ils sont consubstantiels. La ville d’aujourd’hui et son étalement urbain ne sont possibles que grâce à l’usage des transports motorisés individuels. La faible densité des espaces périurbains et surtout rurbains empêche la mise en place d’un réseau opérationnel et rentable de transports en commun. Ce constat a été fait dès les années 1950 aux Etats-Unis lors du développement des banlieues. Le phénomène existe sous la forme européenne depuis les années 1970.
Daniel Coulaud, géographe et urbaniste, mais aussi ancien élu d’une commune périurbaine, propose à ses lecteurs d’aller au-delà des idées reçues sur la ville et d’aborder la complexité de la question. Il se refuse au pessimisme et ne remet pas en cause notre mode de vie urbain. Pour cela, chaque chapitre de son travail commence par un exemple introductif développé, choisi à différents endroits de la planète (Madagascar, Chine, Roumanie, France…). Le but de ce développement est de donner chair à la réflexion et de comprendre que « la ville de 2009, ce n’est pas celle de 1950 plus les voitures ». L’automoville, comme le concept de développement durable, se compose de trois piliers interactifs : la ville, l’automobile et le mode de vie.
Organisé en 5 actes, telle une pièce de théâtre, le propos de Daniel Coulaud se déroule selon un plan chronologique assez déroutant pour un ouvrage de géographie. Cette approche historique s’accompagne d’un exercice de prospective (2050). Même si on comprend la démarche de l’auteur (comparaison des modes de vie et des mobilités des Français au début du XIXème siècle avec celui des Zafimaniry de Madagascar, aujourd’hui encore ou bien encore description d’une rue de la périphérie de Limoges à travers les âges), ce parti pris historique désarçonne le lecteur avide de lire de la géographie. Il aurait été plus honnête d’intituler l’ensemble : l’histoire des mobilités. En dehors de cette réserve, on apprend beaucoup à la lecture de l’ensemble sur les transports autrefois, en France, surtout même si, sur des sujets périphériques (insalubrité des logements), des références manquent. Si, comme l’indique l’auteur, page 49 « la première enquête sur les conditions de logements des Français est menée en 1906 », le lecteur est en droit d’attendre la référence à Villermé et à son étude intitulé Tableaux de l’état physique et moral des salariés en France (1840), qui faisait déjà une large place aux conditions de logements des salariés en question.
L’ensemble de l’ouvrage regorge de détails sur la réglementation routière, sur les innovations automobiles (les salons de l’automobile) ou bien encore sur les réseaux et les équipements routiers. Le tout s’appuie sur des extraits d’articles de presse, des campagnes publicitaires (analysées très finement). Ce parti pris narratif, s’il facilite la lecture, l’emporte sur des analyses plus profondes de l’étalement urbain, conséquence partielle de l’essor des mobilités, comme l’a bien montré Pierre Merlin dans un ouvrage paru en 2009 L’exode urbain. Toutefois, on saura gré à Daniel Coulaud de développer une réflexion à contre-rebours de celle dont les médias se sont emparés. Contrairement à ce qui se dit, Coulaud relativise l’étalement urbain (rendu possible par l’usage de l’automobile) et sa remise en cause au nom du développement durable. Il rapproche l’époque dans laquelle nous vivons avec les années 1970 post crise pétrolière. A l’époque, on annonce déjà la fin des mobilités pendulaires alors qu’il n’en a rien été. Coulaud s’attache aussi à montrer en quoi l’automobile est un objet emblématique qui ne se résume pas à transporter des passagers : « Des voitures à vivre » comme l’annonçait le slogan publicitaire d’une célèbre marque automobile. Il montre ainsi qu’elle est au cœur de notre société et il prévoit qu’il sera difficile de s’en passer. La preuve ! Dans le chapitre consacré à la ville en 2050, dans un exercice de prospective farfelu, il reprend l’affirmation de J.M. Bucharan (Traffic and town, 1963, in Métropolis N°1, novembre 1973) « je suis persuadé que si un martien venait dans une ville sans voiture, et s’il devait inventer un moyen de transport, il inventerait l’automobile. »
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