Si Françoise Choay estime que la ville n’existe plus en raison de l’accroissement du nombre de mégapoles, de l’étalement urbain et de l’avènement d’une civilisation qui fonctionne en réseau, Ludovic Halbert, quant à lui, pense que les métropoles peuvent être le support des politiques de développement économique et d’aménagement local et qu’on leur doit beaucoup. Chercheur au CNRS, membre du LATTS, maître de conférences à l’Ecole des Ponts et Chaussées – Paris Tech, il analyse ici dans cet essai la métropolisation en s’appuyant sur l’économie territoriale.
L’avantage métropolitain
Les métropoles sont les pôles des réseaux de la mondialisation et des lieux de tensions. L’auteur refuse de réduire la métropolisation à la concentration des hommes et des activités à forte valeur ajoutée. Il estime que l’avantage métropolitain tient à la capacité à mobiliser des ressources extrêmement variées. L’avantage métropolitain est le résultat d’un écosystème intégré et ouvert dont les métropoles doivent comprendre les ressorts afin d’en tirer les bénéfices. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer pour favoriser la mobilisation des ressources locales et nationales. Il n’y a pas de déconnexion des métropoles de leur environnement immédiat. Cette affirmation s’oppose à celle de Pierre Veltz et à sa notion d’économie d’archipel (2005), même si Halbert ne nie pas l’insertion des métropoles dans un système de nœuds qui forme un réseau. Il faut dire que son propos ne se réduit pas aux grandes métropoles mais aussi aux métropoles régionales. Il s’appuie pour cela sur les exemples de l’Euroméditerranée, comme de la mégalopole européenne ou de la France et montre que les habitants ont aussi un rôle à jouer en tant qu’innovateurs.
Métropolisation et territoire
L’auteur a le souci tout au long de son texte de bien préciser le sens des termes. Ainsi en est-il de mégapoles et de métropolisation. Il estime que la différence ne se réduit pas à une notion de taille (il est courant de considérer comme mégapole les villes de plus de 10 millions d’habitants). Philadelphie est le résultat de la métropolisation (2 millions d’habitants) alors qu’elle n’est pas une mégapole. De même, il y a des mégapoles qui sont peu concernées par la métropolisation (exemple de Kinshasa). C’est l’insertion dans les réseaux qui fait la métropole. La localisation des sièges sociaux des multinationales est emblématique de cette insertion mondiale. Ludovic Halbert refuse l’idée que la métropole est une « ville d’exception » même s’il reconnaît leur rôle de « locomotives » (cf. Beckouche. Le yoyo et la locomotive. Evolution récente de la place de l’Ile de France dans l’économie nationale, Annales de géographie, 1995). Il montre les limites de la ville d’exception qui tend à gommer la place des sociétés locales au profit des entreprises. Dès les années 1970, « le risque d’une déconnexion entre les régions métropolitaines interconnectées dans un archipel d’îlots de richesse et les territoires » a été souligné, alors que, parallèlement, des modèles d’organisation extérieurs à la métropolisation comme les districts industriels étaient mis en avant. De plus, l’auteur estime que, même si l’activité économique, qui est articulée dans des réseaux, peut être qualifiée de hors-sol, cela ne veut pas dire qu’elle soit déterritorialisée.
Métropolisation et réseaux
Les clusters (nos « pôles de compétitivité ») sont les « révélateurs du fonctionnement intrinsèque des régions métropolitaines » mais cela ne signifie pas pour autant que la « métropole fonctionne en vase clos ». La force d’une métropole tient à sa capacité à mobiliser des ressources à différentes échelles grâce à son insertion dans les réseaux (cf. Suzanne Berger. Made in monde, 2006). Ludovic Halbert refuse « l’idée selon laquelle le monde serait devenu « plat », quasiment ubuquiste, comme si toute activité économique pouvait être réalisée n’importe où. » Il reconnaît toutefois toute sa place à l’hypermobilité et met en avant l’idée que les métropoles sont « hyperscalaires » (la forte capacité des territoires à mobiliser ces ressources multilocalisées).
L’ensemble est très riche. L’auteur met en œuvre beaucoup d’épistémologie au service d’une démonstration convaincante. Même si certains passages sont plus difficiles que d’autres à suivre, l’ensemble se lit bien et finalement on referme ce petit livre : rassurée, convaincue par la réaffirmation du rôle des territoires et de la société qui les peuple.
© Catherine Didier-Fèvre