Dans un court essai, le géographe Yves Boquet nous présente la situation actuelle de l’archipel philippin.

Professeur de géographie à l’Université de Bourgogne-Franche Comté, Yves Boquet est spécialiste de géographie régionale, et de l’Asie de l’Est. Cet essai est l’ébauche d’un ouvrage plus épais en préparation.

Dès l’introduction, Yves Boquet nous rappelle que le pays a été visité par François Hollande en 2015 (p.1). L’archipel est le pays le plus terraqué (composé de terres et d’eau) du monde. La mer y occupe une place essentielle. A ce titre, la fosse des Philippines est la 2ème plus profonde au monde avec -10560 mètres. Sur terre, le volcanisme est présenté avec des exemples plus ou moins connus (le médiatique Mont Pinatubo par exemple). Les risques sont ensuite développés à partir de l’exemple des cyclones tropicaux, nommés « bagyos » aux Philippines.

7017 île et une mégapole

La deuxième partie s’intéresse aux problématiques de la société. Le vieillissement de la population commence à être visible. Toujours dans le domaine démographique, Yves Boquet décrit l’influence de l’Église sur la fécondité en insistant sur l’opposition massive de la population vis à vis de l’avortement : « aucun pays au monde n’est plus universellement opposé à l’avortement » (p. 14-15). La sécurité alimentaire témoigne de grandes inégalités. 5% des Philippins ne mangent pas à leur faim (surtout dans l’Ouest de l’île de Mindanao). Ceci a des conséquences sur la santé : le paludisme, la dysenterie et la fièvre dengue sont des maladies fréquentes. L’un des obstacles à surmonter concerne l’éducation. L’école publique n’est pas gratuite et les classes sont composés d’une soixantaine d’élèves. Ceci entraîne le développement des écoles privés où les effectifs sont moindres, et les enseignants mieux rémunérés. En matière de religion, les Philippines sont une exception notable en Asie : il y a très peu de traces de l’hindouisme et du bouddhisme. La majorité de la population est chrétienne avec une minorité musulmane dans le Sud (à Mindanao).

Ce large panorama de type vidalien se poursuit par l’analyse de la mégapole philippine : Manille. L’archipel se structure autour de la macrocéphalie de la région-capitale. 11,5 millions de personnes y habitent, soit 5 à 6 fois la population des deux principales métropoles de province que sont Cebu et Davao. La ville abrite la première Chinatown d’Asie. La démesure consécutive de l’intégration progressive dans la mondialisation est visible à travers le commerce puisque 3 des 10 plus grands mall du monde sont situés autour de Manille. Bizarrement, Quezon City est la plus grande commune du Grand Manille : avec 3 millions d’habitants, elle est plus peuplée que la capitale. Ce développement urbain est anarchique : aucun schéma directeur d’aménagement n’existe à l’échelle métropolitaine. Le quartier de Makati concentre la plus grande part des richesses et forme le CBD de la mégapole (p.55). La ville de Cebu en province se caractérise comme étant le troisième port de passager dans le monde. Ceci est dû à sa position stratégique à l’échelle de l’archipel.

L’économie philippine dans la mondialisation

L’inscription dans la mondialisation est très clairement analysée à travers de nombreux exemples, dont les migrations. La ligne aérienne la plus prisée au départ des Philippines est celle reliant Manille à Hong Kong. Elle est principalement fréquentée par des migrants temporaires.

Sur le plan historique, l’archipel est d’abord une colonie espagnole (XVIème siècle-1898), avant de devenir indépendant pendant six mois en 1898. A la fin de l’année 1898, l’archipel est sous tutelle états-unienne. Ce double héritage se retrouve dans la récurrence des noms de famille : d’origine espagnol (Aquino, Garcia, De Leon, Martinez, Ramos, Marcos) et catholique (Bautista, Cruz, De Dios, Rosario, Santos). Les liens entre la religion et la politique sont forts. La dévotion peut mener Ferdinand Marcos (président de 1965-1986) à parler de l’exercice de son mandat comme étant d’essence « divine ». Corazon Aquino (présidente de 1986-1992) s’inscrit dans ce même schéma. La religion influence également l’éducation. Par exemple, les conférences universitaires commencent souvent par l’hymne national et par une prière du doyen de la faculté (p. 43). Sur le plan didactique, un paragraphe se prête à merveille afin de définir le rôle et la place des migrations dans la société philippine.

« Si les produits industriels du pays sont peu visibles sur les marchés mondiaux, les travailleurs philippins, qualifiés et non-qualifiés, sont considérés comme la principale exportation du pays. Employées de maison à Hong Kong ou employés des boutiques à l’aéroport de Dubaï, infirmières en Libye ou concierges en Californie, professeurs de mathématiques aux Bahamas ou aides-soignants à Taïwan, en Israël ou en Italie, plombiers au Qatar ou électriciens à Madagascar, hôtesses de l’air sur Saudi Airlines ou marins des cargos et navires de croisières dans la monde entier, un nombre croissant de Philippins ont choisi l’expatriation temporaire ou à long terme pour assurer un avenir meilleur pour leur famille, en raison de la faiblesse des revenus et du chômage élevé dans leur pays d’origine ».
Source : Yves Boquet, « L’avenir des Philippines : un archipel dans la mondialisation, EUD, page 58.

L’archipel est ancré dans la mondialisation notamment par le biais de l’externalisation de la comptabilité et des centres d’appels anglophones. Ces BPO (Business Processes Outsourcing) sont très présents grâce à l’accent des Philippins : celui-ci est proche des latinos (un héritage de la colonisation espagnole) et se révèle facile à comprendre pour les États-uniens.

Un conseil à l’éditeur pour une seconde édition de cet excellent livre : le nom des États-Unis est tronqué sur la quatrième de couverture. Dommage !

Un opus de synthèse d’une remarquable clarté et accessible pour se former.

Antoine BARONNET @ Les Clionautes.