Cet ouvrage a été publié chez Perrin en 2006 en édition brochée. Moins de deux ans plus tard, il est ici proposé au format de poche. Une formule qui, en période de crise et de baisse du pouvoir d’achat, ne pourra pas laisser indifférent. Pas plus que ce beau texte d’un spécialiste reconnu de l’Université de Caen.
C’est à une belle aventure, où l’on sent l’odeur de l’iode et le bruit du vent qui claque dans la voile des drakkars que François Neveux nous invite. Ces hommes du nord qui ont été des pillards redoutés remontant la Seine, en 841, ont été à l’origine de la naissance de la Russie et de deux royaumes qui ont traversé les siècles.

Qu’ils aient été chefs vikings, rois de la mer, venus des rives de Scandinavie, conquérants d’une principauté du royaume de France ou de l’Angleterre, administrateurs bienveillants de la Sicile comme Roger II, les normands sont originaires de Scandinavie mais ils se sont parfaitement intégrés aux populations qu’ils soumettent.

L’aventure des normands se déroule sur plus de quatre siècles. Deux vagues du mouvement viking, la première entre 930 et 980, la seconde vague cinquante ans plus tard, marquent durablement l’histoire de l’Angleterre. En 1014-1016, ce sont des Danois qui s’emparent de l’Angleterre et cinquante ans plus tard, les normands venus de France (1066-1069).
Ces Ducs de Normandie qui se sont auparavant largement assimilés dans cette province qui leur a été cédée par le Roi de France, Charles le Simple en 911, se sont lancés à la conquête des terres qui se trouvaient de l’autre côté de la mer. cette étendue de mer n’a jamais été un obstacle, même si les ducs de Normandie ne sont plus les grands navigateurs du siècle précédent.
La conquête de l’Angleterre est d’abord l’aventure personnelle d’un homme, Guillaume le Bâtard.

De Guillaume le Bâtard au Conquérant

L’Angleterre est prise en main par des Bretons, des Flamands et des Français, tout autant que par des Normands de souche.
Une fois conquise et matée, l’Angleterre a été remarquablement bien administrée, comme l’était le duché de Normandie, e .La résistance anglaise a été farouche et les successeurs de Guillaume le bâtard, devenu le Conquérant avec la bataille de Hastings en 1066 se sont livrés une guerre sans merci, avant que la croisade n’appelle Robert Courteheuse, le Duc de Normandie. À son retour, il doit se battre contre Henri Ier qui s’empare finalement du trône. Le royaume anglo-normand est ainsi constitué pour quelques temps. La mort de Richard Cœur de Lion, la médiocrité de Jean sans terre son successeur et l’habileté de Philippe Auguste mettent fin à ce Royaume Anglo-Normand en 1204.

En Italie, pendant tout le XIe siècle, une famille de toute petite noblesse de Normandie, celle des Hauteville, constitue un Royaume qui va durer jusqu’au XIXe siècle. Ce sont des hommes comme Guillaume Bras de Fer, Robert Guiscard ou le grand comte Roger, qui sont les bâtisseurs du seul royaume que les siciliens aient jamais accepté. Ce royaume normand de Sicile, dont Roger II et ses successeurs vont faire l’État le plus fort d’Italie perdure jusqu’au milieu du XIIIe siècle avec Frédéric II Hohenstaufen, Roi de Sicile et accessoirement empereur d’Allemagne. Il parlait le latin et l’occitan, l’arabe et le grec, pas forcément l’allemand alors qu’il s’empare de la couronne impériale en 1220. le bon gouvernement de Frédéric II reste sans doute l’un des héritages les plus durables des Normands.

Guide de voyage

Ces normands, héritiers assez lointains somme toute des Vikings, se lancent, comme leurs devanciers à la conquête des terres qu’ils rallient par la mer. Leur principale motivation était sans doute le désir de se procurer des richesses. Toutefois, parce qu’isl apprennent vite aux contacts des peuples soumis, isl se révèlent comme de bons organisateurs.
Ces populations qui vivaient accrochées sur les rives de Scandinavie ont créé des villes et des États territoriaux et le métissage que ce soit en Angleterre ou en Italie donne une civilisation originale et, pour le cas de la Sicile, plurielle.

Contrairement à cette légende entretenue par Walter Scott, les Normands ont tenu à respecter les populations conquises. Les conquérants gardent leur langue, pendant un temps, un dialecte français, l’anglo-normand), mais c’est l’anglais qui finit par s’imposer, bien avant la mondialisation.

En Italie, et notamment en Sicile, les Normands s’adaptent aux apports antérieurs, Grecs, Arabes et Berbères, Lombards et Italiens du Nord. ils sont peu nombreux et la langue officielle du royaume de Roger II est le grec, l’arabe et le latin.

Ce livre à l’écriture plaisante permet d’apporter des éclairages intéressants dans bien des situations. On pense bien entendu aux cours de seconde sur la Méditerranée au XIIe siècle. On peut aussi prendre cet ouvrage comme un guide de voyage en Normandie comme en Sicile. Ce livre sous le bras, une visite de Chateau Gaillard, la forteresse des Ducs de Normandie défiant le Rois de France ou une promenade dans les rues de Palerme sur la place qui jouxte le palais de Roger II, n’auront plus le même sens.

Bruno Modica © Clionautes