Dire que l’Histoire militaire représente une très faible part de l’édition contemporaine est un euphémisme. L’on apprécie ainsi d’autant plus les efforts de la maison d’édition Pierre de Taillac, abordant des sujets peu communs, notamment l’histoire d’un des bataillons militaires des plus célèbres : le 7ème BCA (Bataillon de Chasseurs Alpins). Ouvrage collectif, sous la direction du colonel Catar, celui-ci fait suite à deux précédentes monographies publiées respectivement en 1953 et 1994, et réactualise les enjeux rencontrés par le bataillon.

Première partie : 1840-1945, le 7 entre dans l’histoire militaire de la France

Les cent premières pages de l’ouvrage constituent un condensé des éditions précédentes, et reviennent sur les grandes étapes qui ont fondé le bataillon et forgé son identité et sa réputation.

Voulu aux origines par le duc d’Orléans en 1837, afin de servir de peloton d’essai à la nouvelle carabine Delvigne-Pontcharra, et officialisé par ordonnance en 1840, le bataillon évoluera progressivement vers son terrain de prédilection, la montagne, à la fin du XIXe siècle (1888). Entre temps, celui-ci aura acquis au cours de l’épisode célèbre de la Sidi-Brahim en 1845 son identité et sa réputation et se sera illustré sur de nombreux théâtres de conflit, notamment lors de la guerre de Crimée et la prise de Sébastopol, lors de la guerre du Mexique sous le Second Empire, ou encore lors de la campagne du Maroc au début du XXème siècle.

Engagé dans le premier conflit mondial, le bataillon opérera principalement dans les Vosges et la Somme et sera engagé dans des épisodes marquants comme l’Hilsenfirst (épisode qui vaudra au bataillon la croix de guerre) ou encore le Chemin des Dames.

La période de l’entre-deux guerres permettra au bataillon de parfaire son entraînement ; à l’image de l’ouverture de l’École de Haute Montagne en 1932 à Chamonix et la fondation des Sections d’Éclaireurs Skieurs ou SES; ou de moderniser l’équipement. Ainsi, lors de la Seconde Guerre Mondiale, les sections chargées de la défense des Alpes stopperont les unités italiennes dans les massifs jusqu’à la signature de l’armistice,empêchant de la sorte l’invasion du territoire par les armées du Duce.

Néanmoins les premiers mois du conflit furent néfastes pour le bataillon, qui perdit lors de la bataille de Pinon, entre le 5 et le 7 juin 1940, 60% de ses effectifs. Le 1er septembre de la même année, le 7ème BCA est dissous. Ses hommes grossiront les rangs des mouvements de résistance, notamment en Savoie via l’Armée Secrète, sous les ordres du commandants Bulle. Celle-ci qui participera activement à la libération de ce territoire. A l’issue du conflit, le 7ème BCA sera engagé dans l’occupation de l’Autriche et ne rentrera en France qu’en 1953.

Deuxième partie : 1954-2001 : Des appelés aux professionnels

La seconde partie de l’ouvrage, entièrement issue des travaux du comité de rédaction, revient sur l’histoire du bataillon lors de la seconde moitié du XXe siècle. La logique chronologique et factuelle qui était déjà celle de la première partie, est ici reprise.

Le propos s’ouvre donc sur l’engagement du bataillon dans la guerre d’Algérie dès 1954 pour ses premiers éléments et dans sa totalité en 1956, alors que s’ouvre le centre d’instruction du bataillon à Bourg Saint Maurice afin de faire face aux afflux massifs de recrues. Basé en Kabylie, sa mission première fut la traque des rebelles du FLN dans la région, et la protection des villages ralliés aux positions françaises. De nombreuses opérations y sont menées, notamment les opérations Pierres Précieuses et Jumelles en 1959, aboutissant à l’élimination totale des rebelles dans l’ouest du massif kabyle.

Le bataillon n’interviendra plus en dehors des frontières françaises avant le conflit du Liban et la mise en place de la FINUL à laquelle participera le 7ème BCA en 1984. Il sera de nouveau engagé en 2006 au sein de l’opération Baliste, pour mettre fin à la nouvelle invasion israélienne du Liban. Les interventions ultérieures du 7ème, menées en Yougoslavie en 1994-1995 et au Kosovo en 1999, dans le cadre d’opérations de l’ONU et de l’OTAN pour le maintien de la paix, seront marquées progressivement par la professionnalisation du bataillon,

Basé à Bourg Saint Maurice en 1962, le 7ème BCA se modernisera au cours de ces décennies à la fois dans sa formation technique, à l’image du passage obligatoire du Brevet d’Alpinisme Militaire pour tout appelé et l’organisation de grands entrainements hivernaux tous les ans en France et à l’étranger, et dans sa formation tactique, à l’image de l’organisation de grandes manoeuvres militaires estivales et hivernales et la modernisation progressive de l’équipement.

Troisième partie : 2002-2015 : Nouveaux théâtres, nouvelle garnison pour le 7

Dans les dernières pages de l’ouvrage, les auteurs reviennent sur les différents théâtres d’opération récents du 7ème BCA. Déployé en Afrique (Côte d’Ivoire ou encore Mali), en Afghanistan ou sur le territoire national, appelé à mener des missions diverses allant de l’escorte à la pacification et la surveillance de zone démilitarisé, le 7ème BCA, et les auteurs s’efforcent de le mettre en avant, constitue un élément central de la Défense Française. Parallèlement à ses déploiements, le bataillon sera déplacé en 2012 de Bourg Saint Maurice aux garnisons de Varces près de Grenoble.

Sur le plan méthodologique, étant donnée la nature du travail monographique, l’approche évènementielle fut largement privilégiée. Ceci à défaut d’une mise en perspective qui aurait pu être davantage marquée par endroit.

Mais cela est loin d’entamer le sérieux de l’ouvrage. Nous en recommandons ainsi la lecture pour tout passionné ou curieux de l’Histoire militaire. A ceci s’ajoute le plaisir de posséder une édition de très bonne facture, à la fois imprimée sur papier glacé et laissant une très large place à une documentation pléthorique et soignée.