Il n’est sans doute pas besoin de présenter longuement l’excellente collection Problèmes économiques (PE), parus à la non moins excellente Documentation française. Cette revue bimensuelle offre en 48 pages une revue d’un thème au moyen de 4 ou 5 articles tirés de la presse française et étrangère. Quelques articles sur d’autres sujets complètent le numéro. PE permet ainsi un véritable panorama des publications actuelles. Rendons ici hommage à ce remarquable travail, à l’œuvre depuis 1948 ! Ce numéro 3002 est consacré au Brésil de Lula.

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Le dossier sur le Brésil ouvre le numéro. On y trouve cinq articles venant de quatre sources différentes, voire opposées – ce qui n’est pas un des moindres avantages de PE.

Tiré d’Alternatives Sud, le premier article – Le Brésil de Lula : de l’espoir… à la désillusion ? – tire des années Lula un bilan plutôt nuancé, qui tranche avec l’image sociale que l’ex-président brésilien entretient sans partage dans l’opinion publique occidentale, et peut-être brésilienne. L’action de Lula se situe davantage dans la continuité que dans la rupture. C’est d’ailleurs essentiellement son deuxième mandat qui accentue les priorités sociales. Les résultats, qui sont indiscutables – 20 millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté entre 2003 et 2008 – sont autant imputables à la croissance économique qu’aux programmes sociaux. Sur les structures foncières, par exemple, l’action de Lula a été quasi inexistante : la concentration foncière s’est accrue sous ses mandats.

Le deuxième article – Quand le Brésil tire la leçon des crises financières , tiré de The Economist – analyse la situation du pays pendant la crise financière : tirant parti de l’expérience acquise pendant les crises précédentes, le Brésil a attiré, en raison de taux d’intérêt plutôt élevés, les capitaux étrangers mais aussi nationaux. Le système bancaire brésilien n’a donc pas flanché pendant la crise financière. Inconvénient de cet avantage : les taux d’intérêt élevés tendent à décourager l’endettement des ménages de la classe moyenne, ce qui freine d’autant le développement de la consommation intérieure. Un problème d’une actualité brûlante, un peu partout dans le monde en développement !

En effet, comme le montre l’article suivant, toujours tiré de The Economist, la classe moyenne brésilienne est en plein essor. La classe C (classe moyenne) est passée de 34,4% de la population en 2005 à 44,6% dès 2008 et est restée stable après la crise. Le crédit à la consommation s’y développe, mais sans doute pas aussi rapidement qu’on pourrait l’espérer en raison du niveau des taux d’intérêt susmentionné.

Alternatives internationales se demande pour sa part : Lula a-t-il vraiment fait reculer la pauvreté ? En dépit de quelques redondances avec le premier article – un défaut mineur inévitable dans une compilation d’articles – les apports sont nombreux et montrent que les programmes sociaux, au premier rang desquels la célèbre bolsa familia, ainsi qu’une conjoncture économique favorable ont incontestablement fait reculer la pauvreté. Un très intéressant encadré sur la mesure de la pauvreté nous apprend ainsi que la proportion de pauvres – telle que la définit le pays – est passée de 35% en 19999 à 25% en 2007. Mieux : la pauvreté absolue – définie à l’aune des autres PED – y a été réduite de 70% en 1990 à 29% en 2005. Cependant, les inégalités sociales persistent à un niveau élevé, le plus élevé de tous les pays émergents.

Le dossier consacré au Brésil se clôt sur Le Brésil, puissance régionale, puissance mondiale , tiré du remarquable Atlas de la mondialisation publié chaque année par nos collègues de Sciences Po (et dont on ne saurait trop recommander la lecture assidue). Les auteurs y passent en revue la hausse des marqueurs de puissance et d’influence du Brésil dans le concert des nations : intégration compétitive dans la mondialisation, puissance agricole et industrielle, puissance commerciale en émergence sinon émergée, ambitions régionales et mondiales, G20, IBAS, BRIC, maintien de la paix dans l’ONU, firmes mondiales, diplomatie active… Le Brésil pourrait devenir la 5e puissance économique mondiale dès 2014 (à la place de… devinez qui ?).

A signaler une bibliographie très complète et récente qui permet d’aller plus loin sur la question.

En dehors du dossier sur le Brésil, notons quelques articles : un point sur les lendemains de crise de l’économie mondiale, un très remarquable entretien avec ce chercheur hors norme qu’est Philippe d’Iribarne, tiré de Sciences Humaines sur « Penser la diversité des cultures », où celui-ci explique pourquoi la mondialisation n’est pas Disneyland : une pensée originale et féconde, à découvrir absolument avant de traiter ce sujet dans nos classes ! Enfin, un article sur l’énigme des relations entre la Suisse et l’UE, où l’on comprendra pourquoi la Suisse ne peut pas être dedans, mais aussi pourquoi elle ne peut pas être dehors : un petit bijou d’ « intégration non adhésive » !

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La place manque pour parler de tout, évoquer toutes les idées et les débats nés de cette lecture. Au chapitre des regrets : une impression limitée au vert, noir et blanc, qui rend les cartes moins belles, mais c’est la sanction d’un prix très abordable ; une ou deux erreurs mineures, notamment dans la légende d’une carte ; quelques redondances entre les articles, mais aussi avec des lectures préexistantes, mais c’est la rançon d’une revue comme Problèmes économiques.

Des regrets qui n’altèrent en rien son extrême intérêt pour nos enseignements, même s’il faut plutôt l’utiliser comme source de réflexion et de données qu’en exploitation directe, tant il est vrai que géographie n’est pas économie.

Christophe CLAVEL

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