Questions internationales, numéro 37 mai juin 2009
Le Caucase : un espace de convoitises
Éditions la documentation française

Consacrée à un territoire qui a été à la une de l’actualité lors de l’été 2008 cette étude de la documentation française présente l’immense intérêt de proposer des cartes très précises sur cette région et des chiffres concernant la population parmi les plus récents que l’on puisse trouver. L’éditorial de Serge Sur présente le Caucase comme située aux marges des empires disparus, de l’empire ottoman et sassanide pour la perse à l’empire russe et soviétique pour une période plus récente. Le récent conflit entre la Géorgie et la Russie à propos de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie a attiré l’attention internationale sur cette région qui peut apparaître comme périphérique mais qui constitue un enjeu central pour les relations à venir entre l’Europe occidentale, la Russie et le Proche-Orient.
Pour Jean Radvanyl dans son étude sur le Caucase du Sud entre reconquête nationale et purification ethnique, le territoire constitue probablement la mosaïque de peuples la plus complexe d’Europe. Si des strates diverses de population se sont accumulées dans cet espace fragmenté, la tendance est aujourd’hui à une sorte d’homogénéisation ethnique souhaitée par les dirigeants actuels.
Entre le dernier grand recensement soviétique de janvier 1989 et ceux qui ont été réalisés entre 1999 et 2002 dans les quatre états de la région, Azerbaïdjan Arménie Géorgie et Russie, des évolutions sont directement perceptibles Sur le territoire Arménien par exemple la population est passée de 3,5 millions à moins de 3 millions d’habitants tandis que la Géorgie est passée de 5.4 millions d’habitants à 4.3 182 millions d’habitants pendant la période considérée. Les changements sont encore plus importants pour la composition nationale des états et régions du Caucase du Sud en Géorgie par exemple la population abkhaze a diminué de plus de la moitié entre 1989 et 2000. En Azerbaïdjan par contre la population qui se situer à 7 millions d’habitants en 1989 approche les 8 millions 10 ans plus tard. Une des caractéristiques de la démographie régionale pointée par l’auteur de l’article et la quasi disparition des russes de la région. On soulignera pourtant l’absence très remarquable de toute violence ouverte envers les Russes mêmes si les questions linguistiques, l’évacuation organisée des bases militaires et les différences introduites dans l’accès aux études ont conduit la population russe a émigré.

Dans les nouveaux états indépendants on observe un renforcement de l’importance des nationaux comme dans les régions autonomes sécessionnistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. L’Arménie est parvenue à une homogénéité ethnique remarquable, 98 % de nationaux, et l’Azerbaïdjan s’en rapproche.

Michele Kahn ancienne rédactrice du courrier des pays de l’Est, présente la situation du Haut-Karabakh, une république autoproclamée dont le statut est encore loin d’être réglé malgré les propositions du groupe de Minsk, au sein de l’organisation de sécurité et de coopération en Europe. Ce territoire peuplé de 137 000 habitants dispose d’institutions considérées comme démocratiques avec un président élu au suffrage universel pour cinq ans depuis 1994. Le territoire a beaucoup souffert de la guerre qui a éclaté en 1991 contre l’Azerbaïdjan. Les forces arméniennes sont présentes en territoire azerbaïdjanais avec l’occupation du corridor de Latchnine qui relient le Haut-Karabakh à l’Arménie sur une distance de 8 km. La diplomatie turque semble très active sur ce sujet avec une présence dans des rencontres informelles aux côtés des autorités arméniennes.

Taline Ter Minassian présente les transitions politiques des trois territoires qui formaient l’éphémère Transcaucasie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie. On soulignera ici les points communs en matière de transition politique passant du pouvoir soviétique à une sorte de démocratie administrée finalement assez proche de ce qui se fait en Russie avec Poutine et Medvedev. La pratique politique dominante en Transcaucasie est une sorte de conception « asiatique » du pouvoir s’appuyant sur un système clientéliste. Aucun des trois scrutins organisés en 2008 n’a pu satisfaire au critère de transparence établie par les observateurs occidentaux.

En Arménie on peut parler d’installation d’un système oligarchique même si les institutions ressemblent beaucoup à celle de la Ve république associant un pouvoir présidentiel fort s’appuyant toutefois sur une majorité parlementaire. Le pouvoir en place maintient de bonnes relations avec la Russie même si un rapprochement a lieu avec les États-Unis. Toutefois ces derniers réserves l’essentiel de leur attention à l’Azerbaïdjan voisin.

En Azerbaïdjan la dynastie Aliev semble solidement installée au pouvoir. Heydar Aliev ancien apparatchik communiste a présidé les destinées du pays de 1993 à octobre 2003. Son fils Ilham Aliev lui a succédé à l’âge de 41 ans. Il a été réélu triomphalement en octobre 2008 avec plus de 88 % des suffrages exprimés. Peu de commentaires ont été entendus sur le caractère pour le moins discutable en matière de sincérité de ce scrutin. De plus lors du référendum de mars 2009, les azerbaïdjanais ont voté massivement pour la suppression de la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels. L’actuel président est assuré de pouvoir conserver sa fonction après 2013. Le régime s’appuie évidemment sur sa manne pétrolière qui lui permet à la fois de moderniser son arsenal militaire et de favoriser une diffusion de l’islam dans l’espace public à grand renfort de construction de mosquées et d’écoles coraniques.

En Géorgie le rôle fondamental du territoire pour les acheminements pétroliers à partir de l’Azerbaïdjan vers la Turquie en contournant la Russie est évidemment déterminants pour comprendre l’évolution de ce pays. Le caractère démocratique de la Géorgie est quand même largement sujet à caution. La vie politique depuis l’indépendance semble assez chaotique. Édouard Chevardnadze a été le président de la Géorgie de mars 92 à la révolution des roses le 23 novembre 2003. Pendant près de 10 ans l’ancien ministre des affaires étrangères de Mikhaïl Gorbatchev a développé un système présidentiel s’appuyant sur des alliances claniques et régionales. L’Abkhazie et l’Ossétie du Sud sont, pendant cette période largement autonome à l’égard du pouvoir central de Tbilissi.

C’est Chevardnadze lui-même qui a mis le pied à l’étrier à Mikhaïl Saakachvili. Ce dernier devait le renverser trois ans après avoir été nommé ministre de la justice par son protecteur. Élu préside de la république le 4 janvier 2004, bénéficiant d’un soutien affiché de la part de l’administration américaine de l’époque Mikhaïl Saakachvili a été réélu avec seulement 53 % des suffrages en novembre 2007. Sa posture agressive dans l’affaire de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud peut s’expliquer par la volonté de constituer une unité nationale autour de la défense de l’intégrité territoriale de son pays. Actuellement le pouvoir du président est fortement contesté avec une radicalisation du nationalisme géorgien qui semble se développer.

Floriane Gloaguen présente les territoires d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie en s’interrogeant sur leurs statuts réels : régions séparatistes ou états autoproclamées ? L’Abkhazie avec un territoire de 8600 km² est traversée par l’unique voie ferrée qui relie directement la Géorgie à la Russie. Les Abkhazes sont majoritairement chrétiens orthodoxes mais ont participé aux côtés des bolcheviques à la reconquête de la Géorgie qui avait proclamé son indépendance en 1918. Ceci explique sans doute un certain ressentiment. De plus, à la fin de la période soviétique, les Abkhazes s’opposent à l’installation de géorgien sur leur territoire. En janvier 91 une première tentative de prise de contrôle par le pouvoir de Tbilissi avait abouti à un affrontement armé entre les milices Abkhazes et les forces de sécurité géorgienne. Tout comme l’Abkhazie l’Ossétie s’est dotée de constitution instaurant un régime présidentiel, et bénéficient, de plus de 1008 sous la protection russe d’une indépendance de facto.

L’article de Thrniké Gordadzé, responsable de l’observatoire du Caucase de l’institut français d’études anatoliennes, évoque la géopolitique et la rivalité des grandes puissances dans la région. Il est clair que le Caucase a toujours été l’un des lieux d’affrontement par excellence des empires des grandes puissances. Des rivalités byzantino-perses à la nouvelle guerre froide post-soviétique entre Russes et Américains, les acteurs locaux sont réduits au rôle de figurants secondaires dans le jeu des grandes puissances. Dans le même temps et à toutes les époques, les acteurs locaux ont dû composer avec les grandes puissances. Les élites locales ont pu composer avec leurs protecteurs. L’empire ottoman pendant sa domination n’a aboli aucun royaume ou principautés de Géorgie, tandis que l’empire tsariste a maintenu le statut privilégié de la noblesse georgienne. En même temps, ce sont ces élites locales qui ont pu conduire des mouvements de contestation voire de rébellion contre les empires. Les grandes puissances se sont également servies des acteurs locaux pour s’affronter, parfois par géorgiens interposés.

Au XIXe siècle la Russie a progressivement pris le contrôle total de la région sans pour autant parvenir à éliminer les prétentions des puissances concurrentes. Après la période d’incertitude entre 1918 et 1921, la Paix de Kars entre la Russie soviétique et la Turquie kémaliste devait sceller le sort de la région jusqu’en 1991.

Après l’effondrement de l’URSS, l’administration étasunienne ne s’est pas immédiatement préoccupée de l’évolution régionale. C’est seulement à partir de 1994 que les présidents géorgiens et azerbaïdjanais ont pu réduire l’influence de la Russie sur leur territoire. C’est le projet d’oléoduc Bakou – Tbilissi – Ceyhan qui est venu dresser les uns contre les autres les Américains et les Russes dans la région. La Russie a été affaiblie du fait de la guerre en Tchétchénie pendant la deuxième partie des années 1990. Des 1998, Édouard Chevardnadze a évoqué la possibilité de rejoindre l’organisation du traité de l’Atlantique Nord à l’horizon 2005. Son successeur Mikhaïl Saakachvili a poursuivi dans cette voie. De ce fait, l’Azerbaïdjan a suivi le même processus essaie également rapprocher des États-Unis. Si les États-Unis sont très présents dans le développement du potentiel militaire de l’Azerbaïdjan, ils se sont montrés beaucoup plus discrets en matière de soutien politique à un régime peu démocratique. Le soutien que les États-Unis ont apporté à la Géorgie dans sa marche vers l’alliance atlantique a suscité de la part des Russes un soutien de plus en plus affirmé au mouvement séparatiste Ossetes et Abkhazes. Pour les puissances régionales comme la Turquie, si le soutien à l’Azerbaïdjan est clairement affirmé, il n’en reste pas moins que la recherche d’un accord avec l’Arménie est toujours un objectif d’Ankara. En fait l’oléoduc à rapproché politiquement la Géorgie et l’Azerbaïdjan de la Turquie, mais à favoriser également un rapprochement avec l’Arménie. Le premier ministre turc, Erdogan, a proposé une initiative de sécurité régionale appelée à plate-forme de coopération et de stabilité du Caucase. L’une des idées qui la sous-tendent et de diminuer le rôle des acteurs extérieurs à la région, en premier lieu les États-Unis, en privilégiant le format 3+2, les trois pays du Caucase plus la Russie et la Turquie. L’Azerbaïdjan et surtout la Géorgie souhaitent pour leur part la participation des États-Unis et de l’union européenne dans toutes les négociations.

L’Iran, même s’il peut apparaître moins présents dans la région que la Russie où les États-Unis, est également tout à fait impliqué dans les évolutions récentes. Il existe en Iran une communauté turcophone, de 12 à 20 millions de personnes. Les Iraniens ont toutes les raisons de se méfier des évolutions intérieures de l’Azerbaïdjan voisin qui peut apparaître comme un cheval de Troie des États-Unis. Si les relations ont pu être très tendues entre les deux pays elles ont connu une certaine détente basée sur des projets de gazoduc permettant d’alimenter en gaz iranien la province enclavée azerbaïdjanaise du Nakitchévan.

De plus, les autorités de Bakou se méfient du prosélytisme chiite d’inspiration iranienne qui se développe dans le pays.

Dans un entretien consacré à la nécessité d’une implication réfléchie de la communauté internationale, Thierry de Montbrial, le directeur général de l’institut français de relations internationales, se montre très réservé sur les immixtions extérieures dans la région. Il ne cache pas ses réserves devant l’adhésion de la Géorgie, de l’Azerbaïdjan et l’Arménie à l’OTAN ou à l’union européenne. Il parle à propos du processus de rapprochement de la Géorgie avec l’OTAN de l’arrogance occidentale, reconnaissant d’un côté l’indépendance du Kosovo, mais condamnant celle de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. On ne peut que sourire à la lecture de cette anecdote relatée avec une certaine gourmandise, rappelant à un canular imaginé par l’action française après la guerre de 14 18. En France, à cette époque, l’heure était alors au soutien à l’indépendance à tous les confettis issus de l’empire austro-hongrois. Le canular consisté en une lettre de soutien à un peuple « Poldève » qui n’existait évidemment pas. Cette lettre, envoyé aux députés, reçu le soutien de plusieurs d’entre eux. La lettre a été évidemment rendue publique. On pourrait souligner, à l’appui de cette réserve face au soutien à l’indépendance de micro – entités, les conséquences que pourrait avoir, et qu’on déjà dans une certaine mesure, les constitutions de micro – États mafieux, en matière de développement d’une criminalité transnationale, disposant d’une base étatique.

Enfin, concernant l’Iran, Thierry de Montbrial ne peut que prendre acte du renforcement de la puissance objective de ce grand pays qui a pourtant été mis au ban de la communauté internationale depuis 1979. Le renversement de Sadam Hussein a fait disparaître Moyen-Orient le contrepoids que représentait face à Téhéran le régime de Bagdad. L’Iran est devenu de fait le premier bénéficiaire de l’effondrement de l’Irak, et il devra forcément retrouver sa place dans le jeu diplomatique régional.

Annie Jafalian présente le Caucase comme un carrefour énergétique et son article est très largement illustré par une carte de synthèse qui présente les différentes routes énergétiques faisant le lien entre l’Europe et la Méditerranée d’une part, les gisements pétroliers et gaziers de l’Azerbaïdjan du Turkménistan et de la Russie d’autre part. Il convient de ne pas oublier les constructions de gazoduc et d’oléoduc vers la Chine qui tient à assurer la sécurité de ses approvisionnements en énergie, largement tributaire des routes maritimes sur lesquelles elle n’a pas la maîtrise. L’oléoduc Bakou – Tbilissi – Ceyhan a été incontestablement une contribution à la sécurité énergétique de l’Occident mais dans le même temps le conflit russo-géorgien d’août 2008 a fait la démonstration de sa vulnérabilité. De ce fait, des routes alternatives initiées par Gazprom ont été envisagées. Un nouveau gazoduc passant par le Turkménistan et le Kazakhstan permettra à la Russie de faire transiter du gaz vers l’Europe par son territoire. Dans le même temps, l’Iran peut profiter de la situation et permettre l’Azerbaïdjan de procéder à des échanges de pétrole, appelés « swap » avec l’Iran, et donc d’intervenir dans les approvisionnements du golfe persique à partir du terminal pétrolier de l’île de Kharg.

Anne Marie Le Gloannec, directrice de recherche au centre d’études et de recherches internationales présente également la politique de l’union aux PME dans le Caucase du Sud.
L’union européenne s’est préoccupée des pays du Caucase méridional au début des années 2000 dans le cadre de la politique européenne de voisinage. Au départ il était question simplement de la Moldavie et l’Ukraine, et éventuellement de la Biélorussie, même si la démocratisation du régime se situe à des horizons assez lointains. La révolution des roses en Géorgie en 2003 à modifié la donne. L’union européenne a tout d’abord lancé des projets essentiellement techniques avant de s’engager dans une approche plus politique. La politique européenne de voisinage est, au moins du point de vue géographique, particulièrement ambitieuse. Lancée en 2003, elle entendait construire une ceinture d’États bien gouvernés, de Rabat à Bakou, en favorisant l’introduction de réformes politiques, économiques et sociales. Toutefois d’après l’auteur, une véritable politique régionale fait encore défaut. En proposant une synergie pour la mer Noire, la commission européenne réclame un rôle plus actif de l’union européenne dans la résolution des conflits. Cependant, l’intervention de l’union européenne est apparue pour le moins brouillée du faîte des dissensions entre états membres. À la suite du conflit en Abkhazie et de la constitution de la mission d’observation des Nations unies en Géorgie en 1994.1 groupe des amis de la Géorgie a été créé avec les États-Unis la Russie et les trois grands européens, l’Allemagne la France et le Royaume-Uni. La commission européenne y participait également. En 2005, un second groupe, plus hostile à la Russie, réunit les trois états baltes la Pologne, Roumanie, Bulgarie puis plus tard la République tchèque et la Suède. Au plus fort de la guerre russo – géorgienne, une délégation de ce groupe a manifesté sa solidarité avec le président Saakachvili. L’article ne parle pas, et on s’étonne de cette prudence, de l’action du président Sarkozy dans le conflit géorgien.

Sylvia Serrano livre également une analyse du conflit russo-géorgien. L’interprétation dominante de cette confrontation a été géopolitique. Il s’agissait de la première intervention de l’armée russe en dehors de ses frontières depuis l’invasion de l’Afghanistan en 1979. La Géorgie est la seule frontière directe entre l’organisation du traité de l’Atlantique Nord et l’URSS pendant la guerre froide. Elle a été présentée comme le théâtre d’une nouvelle guerre froide opposant la Russie et les États-Unis. L’auteur conteste cette appellation d’une nouvelle guerre froide en montrant facilement que l’antagonisme n’est pas idéologique entre la Russie et les États-Unis. Il n’empêche que cette confrontation est basé sur des enjeux de puissance et que la Russie a su utiliser la torpeur estivale et la campagne électorale aux États-Unis pour faire une véritable démonstration de force et pour montrer qu’elle entendait maintenir son influence dans le Caucase. Le soutien américain à l’adhésion géorgienne et ukrainienne à l’alliance atlantique a éte très mal ressenti à Moscou et, même si finalement la prudence est de mise, le pouvoir russe a tenu à montrer quelles étaient les limites à ne pas dépasser. Washington a cherché à étendre son influence dans le Caucase, et cela des 2002, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. La présence de quelques combattants islamistes en Géorgie dans une vallée peuplée d’une minorité proche des tchétchènes à justifier l’envoi de 200 conseillers militaires américains. Vu de Moscou, cela apparaissait comme une légitimation des ambitions stratégiques américaines, contrôle des oléoducs et anticipation d’une éventuelle défection turque. Par ailleurs, la question du bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque, les réactions de Moscou, déployant un système offensif à Kaliningrad, ont montré là aussi que la Russie était de retour sur la scène internationale, après l’effacement consécutif à l’effondrement de l’Union soviétique.

Les autorités géorgiennes ont souhaité leur émancipation de la Russie est très clairement, bien avant Saakachvili, ont recherché de nouveau protecteurs.

Les autorités géorgiennes ont cherché à donner à leurs relations avec les entités sécessionnistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud une dimension idéologique de manière les inscrire dans un cadre géopolitique global. De son côté la Russie a joué un rôle central dans le conflit opposant Tbilissi à ses républiques sécessionnistes en apportant un soutien militaire aux Abkhazes en 1993 et en se livrant à une politique d’annexion rampante dont l’illustration la plus évidente est la distribution de passeport russe aux ressortissants de ses républiques. Pourtant, le degré d’instrumentalisation des causes séparatistes par la Russie diffère sensiblement entre l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. En Abkhazie les élites politiques ont des capacités d’autonomie plus grande qu’en Ossétie. Lors de l’élection présidentielle de 2004, le candidat soutenu par Moscou n’a pas été élu. En Ossétie, le projet indépendantiste est une illusion et le projet a toujours été la fusion avec l’Ossétie du Nord au sein de la fédération de Russie. Le gouvernement ossète est composé d’hommes de main directement nommée par Moscou, souvent issus des ministères de force, comme l’intérieur et la Défense nationale.

Le bilan de l’offensive de 2008 est très largement positif pour les Russes qui ont été capables d’affaiblir l’influence des États-Unis dans la région, d’autant plus que la médiation européenne leur a été globalement favorable. Les observateurs de l’union européenne envoyés en Géorgie dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense se contentent de patrouiller en dehors des entités séparatistes. Si Nicolas Sarkozy a pu présenter a posteriori le plan européen comme ayant permis de mettre fin à l’avancée russe, rien ne permet d’affirmer que leur intention était d’envahir Tbilissi. Le texte ne fait aucune référence par contre à l’intégrité territoriale de la Géorgie, ce qui relativise à tout le moins l’action du président français dans cette affaire.

Au delà du Caucase

D’autres questions sont également traitées dans ce numéro 37 de questions internationales, notamment une étude sur le triangle de Weimar, la structure de coopération entre la France, la Pologne et l’Allemagne. Ce triangle de Weimar a permis de rapprocher la ce Pologne des structures européennes et du système de sécurité international.

Le triangle de Weimar est surtout un instrument stratégique du bilatéralisme franco-allemand, permettant la France d’ancrer l’Allemagne à l’ouest de l’Europe et en même temps pour l’Allemagne, affirmer sa vocation traditionnelle en Europe centrale. Dans le même temps la Pologne, sous l’impulsion de Donald Dusk à proposait de créer un partenariat oriental, une initiative qui vise au renforcement de la coopération économique, environnemental et social avec l’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie. On retrouve ce groupe de pays, associé aux états baltes et à la Suède dans le regroupement des amis de la Géorgie qui s’est manifestée en août 2008.

Christophe Chiclet, historien et journaliste, membre du comité de rédaction de la revue confluence Méditerranée, présente la Serbie, huit ans après la chute de la dictature Milosevic.

Depuis la chute de Milosevic en 2000, l’arrestation de Radovan Karadzic, la Serbie s’est très largement rapprochée de l’Europe. L’union européenne a signé le 29 avril 1008 un accord de stabilisation et d’association avec Belgrade qui constitue le premier pas vers une demande officielle d’adhésion. Des prêts financiers conséquents ont également été consentis. Dans le même temps, une mission européenne de sécurisation, EULEX, remplace progressivement la mission des Nations unies pour le Kosovo. Il semblerait que des négociations directes entre le Kosovo, indépendant depuis février 2008, et Belgrade puisse s’ouvrir à brève échéance. Les Serbes du Kosovo du Nord aspirent à être rattachés à la Serbie.

Xavier Hautcourt, chercheur et diplômé de Sciences-Po Paris, présente le nouvel ordre politique ou stratégique au Proche-Orient après la guerre de l’été 2006 entre Israël et le Hezbollah. Cette guerre qui a causé des souffrances importantes à la population libanaise est liée à l’échec de la stratégie régionale américaine et à un processus de complexification et d’inflation de la violence sur la scène politique régionale. Cette analyse a été confirmée par la récente offensive israélienne contre le Hamas dans la bande de Gaza. Globalement, la capacité des États-Unis à stabiliser la situation en Irak, largement sujette à caution, ne permet pas d’espérer à court terme l’ouverture de négociations globales sur les litiges entre acteurs régionaux. De ce fait, la Syrie comme Israël, se sont engagés dans une politique de confrontation indirecte par acteurs locaux interposés. Deux systèmes d’alliance ou porteur d’une vision antinomique ont pu émerger de la guerre de juillet août 2006:une alliance pro-occidentale rassemblant les États-Unis, leurs alliés arabes, turcs et Israël ; un front du refus réunissant la Syrie, l’Iran, le Hezbollah et le Hamas.

La guerre de Gaza a montré que ces puissances pouvaient jouer un rôle déstabilisant dans la région. Les perspectives de paix se sont éloignées encore plus. Deux autres mises au point figurent également dans ce numéro particulièrement riche, une étude sur la cour pénale internationale et les O.N.G. et enfin une histoire des compagnies des Indes rédigées par le moderniste Gérard Le Bouedec, qui rappelle la rivalité franco-anglaise est la première mondialisation.

Enfin parmi les documents de référence un texte d’Hérodote sur le mythe des amazones montre comment ces dernières à régler leur conflit avec une technique originale ; un texte d’Alexandre Dumas voyage dans le Caucase publié en 1859 montre comment cette région a pu exercer sa fascination en raison des mythes qui y ont pris racine.