Entre le sommet de Copenhague, qui semble avoir accouché d’une souris tant il a paru difficile de mettre d’accord les divers intervenants aux perceptions divergentes et aux priorités très éloignées de la protection de l’environnement et du réchauffement climatique, le projet de loi de taxe carbone, les primes pour l’achat de «voitures propres» instaurées en France, le succès des divers films et documentaires de Yann Arthus Bertrand, Nicolas Hulot, le changement de position de La Maison Blanche, tout indique que le réchauffement climatique est un sujet d’actualité et qu’il préoccupe élus et citoyens. Et les nombreux ouvrages publiés, dont certains furent chroniqués par les Clionautes, renforcent cette impression.
– « Le changement climatique. Un nouveau défi mondial »
http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article1581
– « Les modèles du futur: changements climatiques et scénarios économiques »,
http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article1397
Ce petit ouvrage est rédigé par un professeur d’économie, Christian Perthuis, conseiller scientifique de la mission climat à la caisse des Dépôts et un ingénieur agronome spécialisé dans l’environnement, Anaïs Delbosc. Il est composé de trois parties :
Faut-il agir face au changement climatique ?
Comment agir efficacement ?
Et, enfin comment agir équitablement ? 

15 idées reçues ( parmi lesquelles : « la remontée du pétrole va régler le
problème » ; « il faut lever les incertitudes avant d’engager l’action » ; « il
faut instaurer une taxe carbone universelle »,  « Kyoto n’a servi à rien », « le marché du carbone met en danger la compétitivité  de nos industries » ;« les riches sont responsables du réchauffement climatique mais ce sont les pauvres qui trinquent » ; « de toutes les façons je ne peux rien faire à mon échelle »…) sont une à une, conformément aux objectifs de cette collection, reprise par un des deux auteurs qui analyse ce sur quoi elle se fonde, la part de vérité qu’elle recèle puis la nuance ou en montre les limites, et parfois , la  part d’attentisme dangereux qu’elle véhicule. Les auteurs utilisent, pour ce faire, un panel d’arguments pertinents, concrets et scientifiquement étayés. Ils terminent l’analyse de l’idée reçue en proposant une solution qui prendrait en considération les divers acteurs et/ou enjeux et/ou qui permettrait d’aller plus loin pour limiter les émissions de gaz à effet de serre responsables essentiels du  réchauffement climatique.

La réalité du réchauffement et de l’importance des émissions de gaz à effet de serre dans les processus sont traités dès les premières pages puisque les deux premières idées reçues passées au crible sont « nos sociétés souffrent déjà du changement climatique » (sous-entendu, il est trop tard de toute façon pour faire quelque chose, ce à quoi les auteurs répondent que nous ne sommes qu’au début du processus donc les sociétés doivent s’y préparer et, pour éviter le pire, agir sur les causes du réchauffement climatique et donc diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre sans plus tarder) et « il faut lever les incertitudes avant d’engager l’action » (Les auteurs soulignent que même les vérités scientifiques les mieux établies trouvent toujours des détracteurs et que le réchauffement climatique n’échappe pas à la règle; ils précisent qu’aujourd’hui les incertitudes tiennent surtout, d’une part, à une connaissance encore partielle des interactions des divers phénomènes sur le réchauffement climatique, les recherches scientifiques permettent de mieux les comprendre certes mais aussi en mettent d’autres en évidence qu’il faut à leur tour comprendre … et, d’autre part, à l’estimation du réchauffement climatique surtout à des échelles locales)

Parmi les affirmations discutées, il m’a semblé intéressant de m’attarder sur l’idée reçue « il faut planter plus d’arbres » car elle semble simple à réaliser, de nombreux acteurs économiques rappellent que le papier ou autre matériau employé dans la fabrication de leur produit  est issu de forêts éco-gérées ou « qu’un arbre coupé  c’est un arbre replanté » et qu’ils ne nuisent donc pas à l’environnement. Il faut planter des arbres puisqu’ils absorbent le CO2 présent dans l’atmosphère. Certes, mais ceux-ci en restituent également  au cours de leur vie et notamment lors de leur décomposition; donc à l’état naturel, le bilan  d’une forêt est neutre. Il semblerait donc plus judicieux de protéger ou mieux gérer les arbres existants. En effet, pour compenser les amputations que subissent les trois poumons de la Terre (Amazonie, Bassin du Congo et le Massif forestier qui s’étend de la Birmanie à la Papouasie Nouvelle–Guinée) chaque année et qui provoquent un « re-largage » estimé à 15-20% des émissions de gaz à effets de serre  soit plus que ce qui est émis par l’ensemble des voitures, bateaux, avions utilisés dans le monde, il faudrait planter 14 milliards d’arbres par an et donc boiser/reboiser 9 millions d’hectares. Où trouver les terrains ? Sur les terres agricoles, alors que l’agriculture est largement responsable de la déforestation ? Il donc nécessaire d’intégrer à cette réflexion l’agriculture, d’autant qu’elle est responsable de 15% des émissions de gaz à effet de serre : méthane (élevage et riziculture) et protoxyde d’azote (usage d’engrais azoté).
Réduire ces dernières sans réduire les rendements pour ne pas rendre nécessaire l’extension de la SAU et finalement le déboisement telle est l’une des équations à résoudre. Alors, planter? Oui; si cela s’accompagne d’un entretien durable des nouvelles exploitations et si cela ne se fait pas au détriment de la SAU essentielle pour la sécurité alimentaire et cela ne doit pas occulter le fait que la déforestation et l’agriculture sont responsables du tiers des émissions de gaz à effet de serre mondiaux donc qu’il est nécessaire de transformer le système énergétique ( peut on parler de « biocarburant » ?) et de « re-concevoir » la gestion des ressources agricoles et forestières de la planète.

La lecture de l’ensemble permet de mieux comprendre les diverses sources d’émission de gaz à effet de serre, la complexité du phénomène et par la même de sa gestion, son impact sur le réchauffement climatique qui est démontré, ainsi que le fonctionnement des mécanismes de régulation mis en place au niveau européen et mondial suite notamment aux accords de Kyoto. Ce recueil nous permet aussi, mais dans une  dans une moindre mesure, de saisir  l’impact environnemental, économique, géographique et sociétal du réchauffement climatique.
Malgré la gravité du sujet et l’urgence de la prise en considération  du problème, les auteurs évitent de sombrer dans le catastrophisme et surtout invitent  à l’action.  Une action individuelle, collective, citoyenne, solidaire et non utopique. La nature n’y apparaît pas sacralisée,  ni l’environnement sanctuarisé mais comme partie intégrante de l’équilibre des sociétés humaines et de leur développement, de leur bien être et donc par conséquent à protéger et pour ce faire des changements de mode de vie, de valeurs voire même sont à envisager. Ce livre est écrit ne l’oublions pas par un économiste et un ingénieur agronome ; la seconde partie, d’ailleurs, contient quelques analyses conomiques  plutôt  pointues voire ardues,  sur les marchés de gaz à effet de serre européens et mondiaux. Pour conclure,  casser nos propres idées reçues ou être capable d’argumenter pour lutter contre les idées reçues ou les « y a qu’a » que l’on peut entendre ça et là n’est pas la moindre des qualités de ce livre. Un regret, mais cela est souvent le cas de ce type de collection, il est extrêmement pauvre en document ; 2 ou 3 graphiques assez complexes illustrent la seconde partie (l’un d’eux : « évolution du prix du quota de CO2 sur le marché européen (un quota= 1tonne), p 71) alors pour un usage pédagogique en géographie, voire en éducation civique… ?

Pour aller plus loin ou avoir une illustration de quelques «  idées reçues » :

*http://www.youtube.com/watch?v=j380hhCrews

 

CR par Yveline Candas