« Désastreux, lamentable, catastrophique, voire pire…»
Le chevalier Vatenguerre est la version française des aventures de Sir Gadabout, personnage de Martyn Beardsley dont les aventures avaient paru en version originale anglaise chez Orion en 1993-2000 sous forme de volumes distincts illustrés par Tony Ross et réédités par la suite. Cette consternante épopée avait été adaptée à la télévision en 2002-2003Sir Gadabout: The Worst Knight In The Land, CITV, 2002-2003. dans un genre de Kameloot pour enfants joué par de véritables acteurs.
Parue une première fois en 2003, la version française ramasse plusieurs aventures en un seul volume malheureusement aussi dépourvu de table des matières que Vatenguerre de panache et de style : Vatenguerre et le fantôme (Sir Gadabout and the Ghost, Orion, 1994), Vatenguerre plus nul que jamais (Sir Gadabout Gets Worse, Orion, 1993), Vatenguerre et la petite peste (Sir Gadabout and the Little Horror, Orion, 2002) et Vatenguerre, roi des nuls (Sir Gadabout Does His Best, Orion, 2001). L’ouvrage est réputé accessible à partir de 9 ans mais les plus jeunes lecteurs peuvent s’y plonger sans problèmes s’ils en ont l’envie.
Dans sa version française, l’œuvre est agrémentée des dessins en noir et blanc de Frédéric Pillot, qu’on connaît comme illustrateur de Lulu Vroumette, Kiki le Coq, Cucue la Poule et bien d’autres. Il est d’ailleurs amusant qu’Amélie Sarn, la traductrice, ait choisi de faire de Sir Gadabout un Vatenguerre, terme français équivalant à jingoist. Concédons-lui que la partie n’était pas simple.
« Désastreux, lamentable, catastrophique, voire pire…», telle est la description de la quatrième de couverture sur Vatenguerre-Gadabout, chevalier de la table ronde, pensionnaire de Camelot et familier du roi Arthur et de la délicieuse reine Guenièvre dont les talents de bricoleuse sont, de l’avis de tous, remarquables.
Des faits aussi emmêlés qu’un filet à sardines qui n’aurait pas servi depuis 10 ans
Les premières pages donnent la mesure de la consternante incompétence du chevalier. Sommé de conter ses exploits des derniers jours, il admet avoir, avec sa cuiller, sauvé de la noyade un insecte qui se débattait dans son thé matinal.
«
- Comment était-il ? S’enquit le roi […]
- Oh, très bon, Majesté, répondit le chevalier […]
- Pas votre thé, chevalier. L’insecte !
- Oh euh, je l’ai par mégarde écrasé avec ma tasse, avoua le chevalier Vatenguerre. »
Bananes, bombes et pétillant à l’ananas
Les talents cachés du chevalier ne se limitent pas à cet exploit : il peut faire bien pire et beaucoup plus consternant. Vatenguerre peut ainsi se montrer fort digne de son statut de chevalier le plus nul de l’univers, titre aussi ronflant que le bonhomme lui-même quand il s’endort lamentablement dans la salle des chevaliers de la Table ronde et se retrouve seul face au chevalier-fantôme qui s’y promène nuitamment.
Fidèle compagnon du chevalier, l’écuyer Herbert l’accompagne dans son épopée. Il est fort heureusement flanqué de Sidney Smith, le chat, plutôt désagréable mais plein de finesse, de Merlin l’Enchanteur. Comme on peut s’y attendre, cette façon de revisiter un passé médiéval mythique est parsemée d’anachronismes.
S’il est accessoirement question de bananes, de tomates, de bombe explosant dans un gâteau pétillant à l’ananas et de pages jaunes d’annuaire téléphonique pas encore inventé, l’humour, toujours très british n’est pas dans ces anachronismes mais dans la façon dont les icônes habituelles et tout le restant de la quête du Graal sont tournés en dérision, à la manière de ce chevalier noir, scène-culte des Monty-Python.
Comme souvent, dans la littérature jeunesse, l’adulte peut lire entre les lignes pour sourire de clins d’œil et autres petits détails maniéristes de conversation qui rappellent autant l’humour britannique qu’un Woody Allen pris d’une envie d’envahir la Pologne en écoutant Wagner.
Et le Moyen-Age dans tout cela ?
Il y a suffisamment de sottises lucratives écrites avec l’apparence du plus grand sérieux pour qu’on épargne ce chevalier qui, au demeurant, a un bon fond. Vatenguerre est-il préjudiciable à la santé mentale de nos chères têtes pas toutes faciles à démêler ? A dire vrai, certains jeux de rôle de chevaliers de la Table ronde peuvent renvoyer à un état plus grave que celui d’un jeune lecteur dont les yeux qui pétillent donnent la mesure de la franche rigolade qu’induit la lecture de Vatenguerre. C’est en tout cas l’impression qu’inspire Selma, jeune lectrice qui donne son avis dans le fichier joint et sans qui cette chronique n’aurait jamais vu le jour.