Jean-Claude Lescure, professeur des universités en histoire contemporaine à l’université de Cergy-Pontoise, s’attache dans cet ouvrage de la collection « en 100 questions » à faire comprendre le conflit israélo-palestinien. Il est l’auteur récemment de « Le Moyen-Orient de 1876 à 1980 » dans le cadre du programme des concours d’enseignement.

Il n’ y pas ici, contrairement à d’autres volumes de la série, de sous-parties pour organiser les questions. Le principe est, rappelons-le, de poser une question et de la résoudre en deux ou trois pages. L’ouvrage comprend un certain nombre de cartes fort utiles surtout sur ce sujet, un glossaire d’une quinzaine de pages et une chronologie. Le livre peut s’avérer utile dans le cadre par exemple du programme de terminale générale.

L’attention au vocabulaire

Dès l’introduction, Jean-Claude Lescure souligne combien le vocabulaire est piégé et qu’utiliser tel ou tel terme n’est jamais neutre. Il faut déjà mesurer combien parler d’ « Israéliens » et de « Palestiniens » est terriblement réducteur. Cette dénomination a plutôt tendance à figer une situation plutôt que permettre son évolution. L’article 8 revient sur « mur occidental, mur des Lamentations ou mur du Burâq ». On peut aussi prendre comme exemple le cas de la résolution 242 pour mesurer l’importance des mots. La version française mentionne le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés » ce qui signifie de « tous les territoires ». Mais la version anglaise stipule une expression qui peut se comprendre de deux façons : « retrait des forces israéliennes des territoires occupés » ou «  retrait des forces israéliennes de territoires occupés ». Signalons encore l’entrée 67 sur les « implantations » ou « colonies » en Cisjordanie et à Gaza. De même, doit-on parler de « barrière de sécurité » ou de « mur de séparation » ? La réalité en tout cas c’est que, dans les zones urbanisées, la barrière prend la forme de murs et de miradors de 7 mètres destinés à éviter les tirs depuis le territoire palestinien. Si les attentats ont diminué, c’est pourtant sans doute davantage dû à l’abandon de la lutte armée par l’Autorité palestinienne.

Jérusalem

Plusieurs entrées sont consacrées d’une façon ou d’une autre à Jérusalem. «  Pourquoi Jérusalem est-elle un lieu saint musulman ? ». La place de Jérusalem dans l’islam ne fait pas l’unanimité chez les musulmans. Jean-Claude Lescure revient également sur le statut de ville internationale imaginé en 1947 qui n’était pas incongru à l’époque puisque d’autres villes étaient dans la même situation comme Tanger ou Berlin. La question de la capitale est clairement posée dans un autre article avec un plan de la ville très éclairant. Lors des accords d’Oslo, Jérusalem faisait partie des dossiers reportés à traiter à la fin tant la charge symbolique était forte et risquait de bloquer toute autre avancée.

Quelles histoires ?

Plusieurs entrées de l’ouvrage insistent sur l’importance de l’histoire et de l’archéologie. A propos de cette dernière, Amos Elon et Yael Zerubavel proclament même que l’archéologie est « un sport national israélien ». Mais il ne faut pas toujours se précipiter, comme l’apprit à ses dépens Benyamin Netanyahou en 2017. Le premier ministre israélien écrivait sur sa page Facebook, après la découverte d’une pièce de monnaie ancienne, que cela était une preuve du lien profond « entre le peuple d’Israël et sa terre ». Seulement, on apprit peu après qu’il s’agissait d’une copie donnée aux élèves visitant un musée archéologique voisin ! On lira aussi avec profit les passages consacrés à la politique d’Israël et des Palestiniens autour des musées. Jean-Claude Lescure revisite les grands repères comme les accords Sykes-Picot de 1916 ou la déclaration Balfour de 1917. On peut signaler l’article 19 « Comment la politique britannique réussit-elle à mécontenter Juifs et Arabes ? ». L’auteur met bien en évidence les promesses inconciliables faites alors par les Britanniques.

Dans le cadre des cours de terminale générale

Certains articles sont plus particulièrement intéressants pour une utilisation avec les élèves. Le numéro 24 «  Comment le plan de partage de l’ONU en 1947 envisage-t-il le sort des juifs et des Arabes ? » ou encore le numéro 43 «  Qu’est-ce que la guerre des Six Jours ? ». Jean-Claude Lescure revient également sur la première Intifada et précise qu’entre décembre 1987 et septembre 1993, les affrontements ont fait 1160 victimes palestiniennes, 160 israéliennes et des milliers de blessés des deux côtés.
On peut souligner aussi un article très intéressant sur l’Autorité palestinienne et ses dérives. La population pointa alors ce qu’elle nommait les 4 F (fasâd, fawda, falatân et fitna) que l’on peut traduire par corruption, anarchie, débacle sécuritaire et guerre civile. La seconde Intifada aboutit à une réplique de la part d’Israël sous forme d’assassinats ciblés : 38 personnes en 2001, 37 en 2002, 44 en 2003 et 41 en 2004.

C’est à savoir

L’ouvrage de Jean-Claude Lescure, en plus des éléments historiques attendus, apporte un certain nombre de précisions. Ainsi l’auteur insiste sur le fait que Ben Gourion ne fonda pas Israël sur la Shoah mais que pour lui l’existence du pays relève du droit naturel des peuples à disposer d’eux-mêmes. On lira aussi avec intérêt l’entrée qui précise la situation des Arabes israéliens. Il précise que la guerre des Six Jours a fracturé la société israélienne en deux courants : d’un côté ceux qui estiment qu’Israël doit s’emparer de toute la terre de ses ancêtres et en face d’eux ceux qui pensent au contraire qu’une partie des territoires conquis doit faire l’objet de négociations pour obtenir la paix. Jean-Claude Lescure évoque la façon dont se déroule le service militaire en Israël à travers le cas des ultra-orthodoxes ou encore rappelle le poids économique de la Défense avec 6 % du PIB. L’auteur décortique également l’expression médiatique, mais inexacte, de « guerre de l’eau ». On peut par exemple rappeler que depuis les accords d’Oslo de 1993, l’Autorité palestinienne et Israël coopèrent dans la gestion de l’eau.

Un des derniers articles pose la question de la possibilité d’un état multinational. Il faut savoir aussi que l’Autorité palestinienne est devenue membre de la Cour pénale internationale en 2015 et a rejoint Interpol en 2017. Mais comment va se dérouler la succession de Mahmoud Abbas âgé aujourd’hui de 82 ans, surtout que les institutions palestiniennes sont bloquées depuis 2007 ?

En un peu plus de 300 pages, Jean-Claude Lescure propose donc un ouvrage très complet qui aborde à la fois les grands éléments attendus pour comprendre la situation, mais s’autorise aussi des éclairages moins attendus et tout aussi passionnants sur la mémoire et les sociétés israéliennes et palestiniennes.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes