L’École nationale supérieure de la nature et du paysage est une école interne de l’INSA Centre Val de Loire implantée à Blois et créée en 1993. Cette école délivre le diplôme d’État de paysagiste. L’École publie chaque année une revue Les Cahiers de l’École de Blois présentant une sélection de travaux de fin d’études rassemblés autour d’un thème. Le numéro 19 de 2021 a pour thème « le droit au paysage » et réunit des articles de paysagistes, d’architectes, de photographes, de philosophes et de juristes. La direction du numéro a été confiée à Olivier Gaudin, philosophe, enseignant de l’école.
Dans l’article que Gaudin fournit en début de cahier, en guise d’introduction au thème, il rappelle que la question du « droit au paysage », apparue récemment dans divers contextes culturels, institutionnels ou associatifs, fait écho au « droit à la ville » imaginé par le philosophe Henri Lefebvre en 1968. Ce droit au paysage est lié aux luttes environnementales en cours mais va plus loin en montrant qu’il s’agit de protéger nos milieux de vie. « L’enjeu, précise Olivier Gaudin, n’est pas davantage climatique ou biologique que démographique ou économique : il est systémique et transversal » (p.6). L’extension du droit vers le paysage intéresse un public très divers : institutions locales, étatiques ou internationales, entreprises d’aménagement, de construction et de maintenance, militants écologistes, chasseurs et pêcheurs, promoteurs immobiliers, défenseurs des biens communs.
Le numéro est très varié et nous avons plus particulièrement été intéressé, et ce de manière tout à fait subjective, principalement par deux articles : celui de Sarah Vanuxem, maîtresse de conférences en droit privé à l’université de Côte d’Azur, et celui de Stephan Weitzel, écrivain et artiste visuel. Le premier est consacré au paysage comme lieu de passage. L’étude porte ainsi sur les droits de passage qui permettent d’apprécier les paysages. Sarah Vanuxem rappelle la définition de paysage donnée par le Code de l’environnement : « partie de territoire dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels ou humains et de leurs interrelations dynamiques ». Elle précise que l’étude du droit de passer, de vagabonder pose une quadruple question dans le champ juridique : celle du mouvement des communs, de l’approche topographique, de l’intégration des autres êtres par nos dispositifs humains et du sens même de la loi. Passer est alors présenté par l’auteure comme « un bien commun fondamental ». Le cas des servitudes de passage permettent de concilier, par exemple, deux libertés : celle de jouir des terres en lesquelles une personne est propriétaire et celle d’aller et de venir.
Dans le second article retenu, Stephan Weitzel s’intéresse aux jardins ouvriers de Leipzig et d’ailleurs. Ces jardins, partagés, représente, dit-il, un droit d’entrée, à l’échelle individuelle ou familiale, à un paysage privé. Évidemment, cet article fait écho avec celui de Sarah Vanuxem. S’il choisit l’exemple de Leipzig, c’est parce que la ville bénéficie de la plus forte densité de jardins ouvriers : plus de 32 000. Weitzel rappelle les raisons fondamentales qui ont poussé à la création de tels jardins au cours du XIXe siècle : procurer à la classe ouvrière qui augmentait rapidement un endroit de ressourcement et d’économie par la culture de plantes comestibles. Aujourd’hui, de tels jardins permettent de rendre la ville viable et vivable. « Vivre et jardiner ensemble » est devenu un projet pour tout aménageur qui s’intéresse quelque peu à ce phénomène. Weitzel remarque : « Des friches ou les pourtours de sites d’entreprise cultivés selon les principes de la permaculture ; des jardins intercommunautaires ; et le guerilla gardening qui pousse un peu partout et tend à se réapproprier des surfaces bétonnées et autrement scellées, notamment tout cet univers mort de toitures » (p.98).