« Le grand atelier de l’histoire de France » met en valeur une histoire en construction, une histoire problème, qui interroge et qui s’interroge, afin de mieux comprendre notre présent. « Le grand atelier de l’histoire de France » offre les « clés » d’une recherche plurielle, diverse, inventive, qui a totalement renouvelé notre connaissance du passé. L’ouvrage reprend tous les chapitres consacrés à « L’atelier de l’historien » (dans chacun des 4 derniers volumes de « L’histoire de France » de chez Belin), partie qui est la signature de la collection et qui nous présente l’histoire comme processus, avec l’état de la recherche et des grands débats sur certains aspects de la période étudiée. En outre, on trouvera en annexes, une longue chronologie, les références iconographiques, les sources des textes ainsi qu’un indispensable index.

• Les sources : À partir de quels documents travaille l’historien et comment les exploite-t-il  ? Les sources ici concernent toutes les traces laissées par l’homme et exploitables par le chercheur : les données de l’archéologie, les textes, les images, les objets, les témoignages dans le cadre d’une enquête orale…

• L’historiographie : Comment, siècle après siècle, les historiens ont-ils analysé le passé ? De Clovis à nos jours, de Grégoire de Tours à Jacques Le Goff, chaque époque n’a cessé d’enquêter, de chercher à comprendre le passé. Une place centrale est accordée ici aux importantes thèses qui ont renouvelé, depuis quarante ans, notre connaissance de l’histoire de France.

• Les controverses et les enjeux : L’histoire est un perpétuel questionnement : sur les hommes, sur les événements, sur la politique, sur les cultures, sur les croyances. L’histoire n’est pas un processus achevé mais une « invention » permanente, en relation avec les interrogations vives du présent : violences, guerres, crises… Une importance particulière est accordée ici aux directions nouvelles d’une recherche en devenir. « Le grand atelier de l’histoire de France » invite ainsi chaque lecteur à partager les « secrets de fabrication » d’une science humaine effervescente. Car le passé est un laboratoire d’expériences et d’hypothèses : il révèle une France « décrispée », sans prédestination « nationale », sans « vérité » préétablie. Un vaste terrain d’études et d’expérimentations, ouvert aux analyses et aux débats les plus divers et les plus féconds.

Les auteurs

 

Les 5 auteurs (Sylvie Aprile, Vincent Duclert, Nicolas Beaupré, Michelle Zancarini-Fournel et Christian Delacroix) sont ceux de « L’Histoire de France », l’aventure éditoriale et historiographique des éditions Belin (lancée en 2009), sous la direction de Joël Cornette avec Jean-Louis Biget et Henry Rousso. Cette synthèse historique hexagonale constitue la première histoire de France du XXIe siècle (en 13 volumes et environ 10.000 pages) et elle a réuni 17 auteurs (âgés de 30 à 50 ans environ) : c’est-à-dire une nouvelle génération d’historiens dont elle a constitué, en quelque sorte, l’acte de naissance : Sylvie Aprile (professeure d’histoire contemporaine à l’université de Lille III), est auteure du 10e volume, qui a pour titre « La Révolution inachevée (1815-1870) » ; Quant à Vincent Duclert, auteur du 11e volume intitulé « La République imaginée (1870-1914) », est professeur agrégé à l’École des hautes études en sciences sociales et fait parti des spécialistes français de l’affaire Dreyfus ; Nicolas Beaupré, auteur du 12e volume intitulé « Les Grandes Guerres (1914-1945) », est maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, spécialiste de la Grande Guerre et de ses conséquences en France et en Allemagne ; Enfin, Christian Delacroix, auteur (avec Michelle Zancarini-Fournel) du 13e et dernier volume intitulé « La France du temps présent (1945-2005) » est professeur agrégé. Enseignant l’histoire contemporaine à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée (depuis 2003), il est spécialiste d’épistémologie. Quant à Michelle Zancarini-Fournel, elle est professeure en histoire contemporaine à l’université Claude Bernard-Lyon-I, et codirectrice de la revue CLIO, Histoire, femmes et sociétés

Les problématiques

 

Afin de d’approfondir et de systématiser sa réflexion sur les grandes tendances de la période 1815-1870, Sylvie Aprile retient 4 thèmes : Revisiter le XIXe siècle français ; A quoi pensaient les historiens du XIXe siècle ? ; Usages et mésusages de la littérature ; Le premier siècle du regard photographique. Dans le premier thème, Sylvie Aprile examine les nouveautés historiographiques qui ont approfondi notre connaissance de la France à l’époque de la monarchie parlementaire, tendant à dépasser l’opposition entre deux histoires « irréconciliables », celle de la Seconde République et celle du Second Empire en portant un jugement plus équilibré sur l’une et l’autre, et inscrivant plus profondément l’histoire de la France dans une histoire européenne. Le second thème revient sur l’émergence au cours de cette période de l’histoire, qui passe « de l’art à la science », tout en étant profondément marquée par des débats idéologiques. Le troisième aborde la question problématique de la littérature comme source historique, la prodigieuse vitalité de la littérature à cette époque ayant incité les historiens à l’utiliser longtemps sans précautions méthodologiques suffisantes. Enfin, le dernier thème (illustré par de beaux documents) signale l’apparition et le développement, pendant cette période, de ce qui deviendra un grand facteur de représentation et de connaissance de la réalité, la photographie. Naturellement, ces quatre aspects ne sauraient épuiser toutes les recherches novatrices sur le XIXe siècle car, avec des inégalités certes, elles progressent sur un front continu.

Pour la période 1870-1914, Vincent Duclert retient également 4 thèmes : Des documents pour l’histoire ; Une critique historiographique (1900-2010) ; La recherche internationale sur la France de 1870-1914 ; Approches des imaginaires politiques. Vincent Duclert fait l’inventaire les différents documents qu’utilisent les historiens des années 1870-1914 (archives, discours, presse, correspondances, caricatures, photographies, cartes postales et chansons). Ensuite, l’auteur passe en revue 110 ans de critique historiographique (passage absolument passionnant !!!). Avec la recherche internationale sur la France de 1870-1914, Vincent Duclert fait la part belle aux historiens anglo-américains qui ont compris, avant même les historiens hexagonaux, que la période de « l’âge d’or » de la République était beaucoup plus complexe qu’un simple avènement d’un régime et d’un modèle. Ils ont reconnu ce que les institutions républicaines pouvaient avoir aussi de contraignante voire de répressive, ils ont pensé la valeur des luttes intellectuelles, culturelles ou sociales en dehors des schémas idéologiques préétablis. Libérés des dogmes d’une histoire qui se veut aussi une tradition nationale, ils étaient davantage à même de montrer ce que la « Belle Epoque » avait d’authentiquement moderne. Beaucoup d’historiens français ont nourri le même constat. La distinction entre les historiographies réside moins dans des appartenances nationales que dans une certaine manière de faire de l’histoire. Enfin, l’historien termine son propos avec des approches des imaginaires politiques avec les postérités de la IIIe République et la peinture du monde (fauvisme et impressionnisme).

Pour la période 1914-1945, Nicolas Beaupré, quant à lui, retient seulement 3 thèmes. On lira d’abord des « Réflexions sur quelques sources et leurs usages », avec une grande attention apportée aux objets (de la Grande Guerre) comme sources (on y retrouvera l’apport des archéologues et des anthropologues mais aussi l’influence muséale de ces dernières années, qu’on pense à l’Historial de Péronne par exemple ou au Mémorial de Caen), mais aussi aux témoins du demi-siècle et aux sources que sont pour la Seconde Guerre mondiale les rapports des préfets de Vichy et de l’administration allemande d’occupation. Nicolas Beaupré traite « De quelques historiens (et non des moindres) » : Lucien Febvre, Marc Bloch et les historiens de l’école des Annales, mais aussi à ceux qui, comme Élie Halévy et Raymond Aron, réfléchissent aux « tyrannies » contemporaines et au totalitarisme. Nicolas Beaupré présente, quant à lui, « Les historiens en leur époque : contexte, débats, approches » : c’est-à-dire les bouleversements de l’historiographie de la période 1914-1945 depuis 1945 et surtout depuis la chute du mur de Berlin. Il revient sur la question de la mémoire et de l’histoire avec la commission Mattéoli (1997-2000) sur la spoliation des Juifs de France. Ensuite, il présente un état récent du débat et de la polémique sur la question du consentement des soldats de 1914-1918 et s’interroge enfin sur la possibilité d’écrire une histoire nationale à l’époque des histoires transnationales (pour montrer que les deux ne s’opposent pas mais s’enrichissent et permettent finalement de renouveler les problématiques historiques).

Enfin, pour la période 1945-2005, Christian Delacroix et Michelle Zancarini-Fournel retiennent à nouveau 4 thèmes : Les sources de l’histoire du temps présent ; Les questions en débat ; Directions de recherches ; L’histoire de l’histoire. Les deux historiens examinent l’accès des sources écrites avec la loi du 15 juillet 2008, l’apport des sources orales et des témoins sans oublier la spécificité des sources audiovisuelles. Pour ce qui concerne l’histoire coloniale et post-coloniale, les deux auteurs pensent que c’est moins le problème des sources que celui des mémoires et de leur réactivation dans l’immédiat contemporain qui sont les questions en débat, fondamentalement, aujourd’hui. Les directions de recherches proposées par les deux historiens sont la guerre d’Algérie, le rôle de la télévision dans l’histoire du temps présent sans oublier l’histoire des sexualités. Enfin, dans l’histoire de l’histoire, Christian Delacroix et Michelle Zancarini-Fournel insistent sur le rapport de l’Histoire et des mémoires ainsi que sur l’apport de l’histoire culturelle puis du rôle des femmes et des hommes dans l’Histoire.

© Les Clionautes (Jean-François Bérel)