Franck Galland est président fondateur d’un cabinet d’ingénierie conseil spécialisé en matière de résilience urbaine. Il est l’auteur de très nombreux articles et ouvrages sur l’eau dont « L’eau : Géopolitique, enjeux stratégies » en 2008.

L’eau, une question centrale

Il propose dans cet ouvrage un tour du monde sur le problème de l’eau. Il nous entraine des « confins de la Chine septentrionale à la Méditerranée occidentale ». Il cherche à montrer l’interdépendance des phénomènes car, comme le rappelle l’auteur de la préface, « nos sociétés doivent abandonner leurs obsessions du plus”. Quelques cartes ponctuent le livre. L’eau est en tout cas un élément clé de la paix et de la sécurité internationale. L’eau est partout : il suffit de rappeler que la demande en denrées alimentaires devrait augmenter de 35 % d’ici 2030 et donc la consommation en eau ou encore que 500 litres d’eau sont nécessaires pour extraire une tonne de cuivre. Il faut aussi de l’eau pour extraire les énergies fossiles.

Une approche techniciste

Il faut aussi tout de suite souligner un parti pris de l’ouvrage qui veut « témoigner de la réussite des hommes et de leurs technologies ». Cette affirmation pourra agacer certains, car comme il est dit plus loin, «  il faut croire aux innovations et au savoir-faire des ingénieurs et techniciens de l’eau seules réponses viables à la crise de l’eau qui se profile ». C’est une façon un peu étrange d’évacuer le politique et d’affirmer une position pour le moins techniciste. Il faut reconnaître à l’auteur le fait de nous proposer un éventail d’exemples qui pourront être utiles pour les cours sur l’eau en seconde notamment.

La sécurité hydraulique de la Chine

Les données de l’équation, La technique avec le dessalement, les transferts d’eau. 43 % des ressources des sept principaux fleuves de Chine sont officiellement impropres à la consommation humaine. La Chine connaît une croissance exponentielle de sa consommation en viande : un quart de la viande produite dans le monde est mangée en Chine et cela implique de l’eau. L’équation est clairement posée : de moins en moins de ressources en eau, qui sont de plus en plus polluées pour nourrir plus de monde. Franck Galland rappelle le cas des achats de terres et évoque les relations de la Chine avec Israël. Il évoque la réutilisation des eaux usées. Le livre n’est jamais inutilement complexe et cherche à faire comprendre ce que sont ces solutions. Il évoque le cas de Singapour et ses usines de dessalement page 56. Insensiblement le chapitre se poursuit sur d’autres pays asiatiques témoignant bien du fait que l’eau n’a pas de frontières.

L’Iran et le Yémen : deux situations peu connues

Si de nombreux articles existent sur la Chine, l’information sur l’Iran est souvent plus lacunaire. Franck Galland offre donc ici un éclairage intéressant sur la situation du pays. L’auteur évoque brièvement la situation politique du pays, mais revient bien vite à l’eau avec des formules qu’on ne sera pas obligé de partager : « voyons un peu ce que le secteur de l’eau peut représenter dans un pays où tout est possible pour les entreprises européennes… » La Chine est effectivement présente et ce depuis longtemps. L’Iran, quant à elle, est classée comme un pays aride à semi aride. L’agriculture pèse énormément car elle représente plus de 80 % de la consommation en eau du pays dans une situation de croissance démographique encore annoncée. Le Yémen, lui, présente une situation encore plus dramatique : 25 millions d’habitants et le double dans 25 ans ! Là aussi Franck Galland évoque l’idée de grands transferts d’eau vers la capitale, le dessalement ou alors de façon radicale le déplacement de la capitale. L’eau, quand elle est utilisée, sert à produire une drogue, le qat. Vue la situation économique du pays, et le coût des solutions possibles, on voit mal quelles solutions se profilent pour le pays. Franck Galland y revient en fin de chapitre : « l’avenir du Yémen est lié à la faculté des Saoudiens de continuer à soutenir financièrement ce pays ».

Le cas jordanien

C’est une des situations les plus inquiétantes. Ce pays, d’un peu plus de 6,5 millions d’habitants, continue de croître à un rythme annuel de 0,9 %. Parmi les pistes explorées, il y a par exemple les transferts d’eau. L’auteur évoque la réduction des pertes en eau, essentiel surtout quand on sait que les taux de fuites peuvent atteindre 35 %. A cet instant, l’auteur plaide pour un retour de la capitale jordanienne en gestion déléguée via une entreprise privée. Il ajoute : « nul doute que le savoir-faire de l’entreprise saurait, comme celui de ses consœurs Veolia et Saur, répondre à une situation d’urgence. …Les hommes et les femmes de ces sociétés démontrent chaque jour leur habileté à réduire les pertes en eau. ». On pourra prendre avec recul cette affirmation.

Les vulnérabilités des infrastructures hydrauliques dans le Golfe

Dans ce chapitre, la question du dessalement est développée avec de nombreux cas. On parle d’osmose inverse par exemple. Quelques faits sont indéniables : le prix du mètre cube d’eau déssalé est à la baisse. Il y a vingt ans, cela coutait entre 5 et 10 dollars pour un mètre cube, et maintenant, moins d’un dollar. Ces infrastructures sont donc, et seront toujours, plus stratégiques et demandent à être protégées. La réutilisation des eaux usées va se développer.


L’hydro diplomatie dans la zone du grand Nil – Printemps arabe et Situation algérienne

On peut regrouper ces trois chapitres qui développent la question de l’eau à des échelles différentes. L’auteur ré-insiste d’abord sur le rôle du Nil et parle du sud Soudan. Il évoque l’Éthiopie en train de se développer économiquement. Sur les conséquences du printemps arabe, le tour d’horizon est forcément rapide car le recul manque. Franck Galland termine son tour par un pays qui n’a pas connu cet épisode à savoir l’Algérie. Ici,  « les pouvoirs publics algériens n’ont eu de cesse depuis 2001 d’augmenter l’offre en eau » : c’est bien une question liée à la stabilité politique.

Le livre de Franck Galland propose donc un tour d’horizon de plusieurs situations tendues de la planète autour de la question de l’eau. Il présente notamment des cas sur lesquels l’information est souvent moins accessible, ou les médias moins braqués. Il évoque des cas concrets, des réalisations, mais parfois avec un style qui penche vers l’emphase pour les ingénieurs de l’eau. Ceux-ci peuvent effectivement apporter, et apportent déjà, des solutions. Tout en évoquant des aspects géopolitiques, on est parfois néanmoins gêné par cette approche techniciste qui montre que certes, la question de l’eau n’a pas de frontière, et elle ne doit donc pas non plus se limiter à un problème technique.

© Jean-Pierre Costille, Clionautes.