Ce roman historique situe son action en janvier 1590, dans la ville de Laon, pendant cette période des guerres de religion ou le roi de Navarre était à la conquête de son royaume. La Sainte ligue qui contrôlait Paris et le Nord du pays cherchait à repousser l’inéluctable, c’est-à-dire l’accession sur le trône de France d’un huguenot.

Le personnage central du roman est une femme, Louise, qui a la particularité d’avoir été élevée dans un monastère cistercien, d’avoir été pour cela déguisée en homme. Elle a, nous dit-on « la formation d’un clerc». Elle connaît le latin et le grec et même un peu d’hébreu, et elle vient assister Jean Bodin, l’auteur de la république et le théoricien du concept moderne de souveraineté.
Le second personnage est un jésuite, venu de Toulouse, et que les habitants de Laon, fasciné par son art oratoire appellent « le Tholozam ».
Jean Bodin apparaît comme un personnage très ambigu. Il semble avoir rejoint la Sainte ligue, mais peut-être pour se prémunir des accusations d’hérésie à son encontre, il est le partisan d’une tolérance religieuse et de la légitimité de la ligne successorale qui conduit Henri de Navarre sur le trône de France, ce qui l’expose à la vindicte des ligueurs.
Mais dans le même temps, Jean Bodin est porteur d’un lourd secret. Comme procureur du roi il a été en charge de juger les tout premiers procès en sorcellerie, particulièrement nombreux pendant tout le XVIe siècle, dans la vallée du Rhin et au nord de la Loire. Jean Bodin est l’auteur d’un ouvrage qui a servi de guide pour tous les procès de ce type : « de la démonomanie des sorciers ». Au fil du roman, Jean Bodin, sous le regard de Louise, apparaît ainsi comme un homme avec ses faiblesses, ses superstitions, bref ses limites.
Les limites du prédicateur jésuite, le Tholozam, relèvent plutôt de l’érotomanie. La jeune Louise succombe à l’ivresse de ses sens tandis que le jésuite justifie ses appétits sexuels par un discours mystico-érotique qui peut surprendre.
Le fil conducteur de l’intrigue et celui de ses meurtres en série qui répondent à un scénario gravé sur la pierre tombale située dans une chapelle de la cathédrale où se trouvent par ailleurs un retable qui dépeint le couronnement de la vierge.

Michele Lajoux s’est appuyé pour rédiger son ouvrage sur une abondante bibliographie. Toutefois, celle-ci ne semble pas véritablement au fait des parutions les plus récentes, notamment pour la partie consacrée aux ouvrages sur le XVIe siècle. On doit pouvoir trouver en effet des références plus récentes aux institutions de la France au XVIe siècle que le Zeller, paru en 1948 !
L’auteur est présenté comme un ancien professeur d’histoire du secondaire, ce qui n’est d’ailleurs pas étonnant. Certains passages sont franchement didactiques, notamment pour la mise en place du décor et de l’intrigue. Il est de plus en plus fréquent que des historiennes et des historiens, ce livre à l’écriture de romans policiers historiques. Les éditions 10 18 ont d’ailleurs développé une collection « grands détectives » qui situe des intrigues criminelles à toutes les époques et dans tous les cadres historiques possibles. Les historiens anglo-saxons sont d’ailleurs les plus nombreux à se livrer à ce type d’exercice.
Toutefois, cela suppose une écriture nerveuse qui conduise le lecteur tout en stimulant son imagination. Ce n’est peut-être pas toujours le cas ici. Par contre, l’intrigue est plaisante et l’on peut lire ce livre jusqu’au bout, sans avoir envie de le lâcher. La chute est peut-être un peu faible d’ailleurs. Toutefois, on appréciera le soin tout à fait intéressant qui est consacré à la description de l’art des apothicaires qui jouent un rôle central dans cette intrigue. L’art de la pharmacie est en effet à la limite de celui de la sorcellerie, et c’est peut-être une piste pour dénouer cette histoire avant les toutes dernières pages.

Bruno Modica