Le Maghreb, édité dans la collection des idées reçues de « le cavalier bleu», est écrit par Pierre Vermeren, spécialiste du Maghreb contemporain auquel il a déjà consacré de nombreux ouvrages dont on trouvera la liste dès les premières pages du livre. Il enseigne à Paris I. Il nous éclaire ici, fidèlement à la forme et au format de cette collection, sur des idées reçues (seize) plus ou moins répandues, éculées concernant cette région, sa géographie, son environnement, sa population, sa civilisation…On y trouve donc en bonne place, évidemment, « les Maghrébins sont des arabes» mais aussi « Le Maghreb, c’est le désert », «Les Maghrébins sont des Musulmans », « Au Maghreb c’est l’explosion démographique »,…
Chaque idée reçue est énoncée, expliquée, nuancée, contestée de manière claire et précise. Il est particulièrement intéressant de constater à travers l’étude de chacune d’elle l’importance de l’impact de la colonisation tant dans sa phase réalisation que dans son processus final (décolonisation) pour les comprendre. En effet, « la matrice de ces idées reçues se situe outre Méditerranée, nourrie d’un imaginaire colonial et post-colonial diffus, sentimental, coloré et rarement indifférent d’où émerge l’image du tirailleur, du travailleur émigré et du rebelle algérien que nous entreprendrons d’explorer (page 10) ». Pour ce faire et pour nous permettre aussi en fin de compte de mieux appréhender le Maghreb contemporain et plus particulièrement sa population, sa société l’auteur a recours à des champs divers parmi lesquels l’histoire, la sociologie voire l’ethnologie occupent la part belle d’ailleurs ce petit livre est classé dans la catégorie « histoire, civilisation » de la collection. Les chiffres statistiques sont récents, actuels (postérieurs à 2005) et les reformes sociétales entreprises par Mohammed VI, au Maroc, peuvent être évoquées par exemple. Le vocabulaire spécifique, les mots arabes employés sont définis, expliqués dans le glossaire (p 124-126), en annexe où l’on trouve aussi d’ailleurs une bibliographie. Les trois états maghrébins sont fréquemment distingués rappelant leur diversité, leurs particularismes et nous permettant ainsi d’éviter d’autres amalgames ou erreurs.
L’ensemble est agréable à lire, vivant et structuré en quatre thèmes :
«Une identité chahutée par l’histoire » : l’auteur nous rappelle que, Orient des Français en mal d’exotisme et de conquêtes le Maghreb est avant tout, étymologiquement, l’occident ou le levant du monde arabe et que les conquêtes ont profondément marqué les populations indigènes au point de faire oublier leur identité puisque pour beaucoup les Maghrébins sont des musulmans, arabes, qui parlent français (or le Maghreb est une région périphérique du monde musulman, et les Maghrébins, qui ne se reconnaissent d’ailleurs pas dans cette « identité » étant donné qu’il n’y a pas de sentiment d’appartenance à ce « groupe » , sont plutôt des Musulmans, berbères, arabisés dont les élites parlent, encore français.).
« Le Maghreb, frontière ou trait d’union ?» . Le Maghreb et les Maghrébins sont en contacts avec l’Afrique et les « autres », ce qui est particulièrement sensible en ville, via le Sahara, les conquêtes, ou encore les migrations, autant d’aspects qui sont évoqués par l’auteur mais le Maghreb est aussi relativement fermé, « cloisonné », « mono culturel » d’autant que « les Juifs d’Afrique du nord sont tous partis ».
« Les Maghrébins, miroir proche de notre altérité » car pour nombre de Français « les Maghrébins ne sont pas comme nous » : en effet, dans ces pays où il faudrait un gouvernement à poigne (d’ailleurs, afin de n’être pas taxé de néocolonialiste ou d’interventionniste le gouvernement français se garde bien de juger et de critiquer les gouvernements locaux et leur politique vis à vis des droits de l’Homme ) , les femmes qui auraient aucun droit, auraient une kyrielle d’enfants.
Et enfin, « Le Maghreb et la France, une relation passionnelle ». Paradis perdu, le Maghreb n’en resterait pas moins pour la France une chasse gardée tandis que la France serait l’eldorado des populations maghrébines.
Ces idées reçues étant essentiellement marquées par la colonisation, par l’histoire des relations françaises et ce territoire, il serait intéressant de savoir si elles ont cours ailleurs en Europe et/ou dans le monde et éventuellement qu’elles en sont les variantes que l’on peut rencontrer ça et là . Aussi, peut-on regretter que l’auteur n’y ait pas consacré, en dépit des contraintes liées au format de la collection que quelques lignes.
Un livre clair et intéressant à lire avant de partir vers cette destination très prisée des touristes français ou à glisser dans sa valise.
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