Paris accueille, ce printemps, une très belle exposition sur le thème du Nouveau Réalisme. Les galeries du Grand Palais du 28/03 au 2/07/07 donne à voir ce mouvement mal connu. En effet, les acteurs de ce mouvement des années 1960 sont plus connus que le mouvement lui-même. Ils ont pour point commun le rejet de la société de consommation. Pour cela, ils utilisent, dans leur œuvre, des objets du quotidien, symboles de ce type de société.
La dernière exposition sur ce courant artistique à Paris remonte à 1986. Elle avait eu lieu au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. L’exposition actuelle se poursuivra de septembre 2007 à janvier 2008 à Hanovre, dans le musée qui détient la plus grande collection des œuvres de Niki de Saint Phalle : le Sprengel Museum Hannover. A l’occasion de ces évènements, la Réunion des Musées Nationaux, le Centre Pompidou et le Sprengel Museum Hannover éditent un très beau catalogue, richement illustré et documenté.Au-delà de la simple reproduction des œuvres présentées, le catalogue propose des commentaires fouillés et abondants sur celles-ci. C’est donc un catalogue à voir et à lire. La fin du volume est occupée par, ce qui semble être (si on s’en tient à la mise en page), la reproduction en fac-similé de numéros de la revue Actions – Spectacles. En effet, le lecteur manque cruellement d’informations pour comprendre le statut de ce document : pas de dates de publications, pas de noms d’auteurs explicites (seulement des initiales) et ne sait pas trop à quoi il a affaire. C’est regrettable d’autant plus que cette partie du catalogue est très intéressante étant donné qu’elle relate les actions spectacles mises en œuvre par le groupe d’artistes qui se réclament du Nouveau Réalisme. Ces artistes ont organisé des évènements fortement médiatisés : Yves Klein et ses « pinceaux vivants », Niki de Saint Phalle et ses séances de tir « feu à volonté », Jean Tinguely et ses « machines à peindre », César et « ses expansions »… Avec ces évènements, les notions traditionnelles concernant la production et la consommation de l’art sont remises en question. Les artistes produisent en public, en direct et demandent même aux spectateurs de participer à l’acte de création. Christo adjoint à l’Action Spectacle un aspect politique. C’est en réaction à la construction du Mur de Berlin qu’il érige un mur de barils de pétrole qui clôt la rue Visconti à Paris (VI°) dans la nuit du 27 juin 1962.

Le Nouveau Réalisme est un mouvement qui possède une histoire balisée. Le 27/10/1960, ses fondateurs signent un manifeste marquant la création du mouvement : « De la constitution du groupe du Nouveau Réalisme ». Le nom du groupe a été choisi par Restany, le critique d’art. L’idée qui prévaut lors de la création de ce mouvement est que le monde urbain et industriel est la nouvelle matière de l’Homme moderne et que les objets et les matériaux industriels forment la « matière première » d’œuvres nouvelles. L’idée avait été mise en avant par Villeglé dans un article sur son geste d’appropriation d’éléments extraits (décollés) d’affiches. C’est à partir de l’objet que les artistes du Nouveau réalisme élaborent leur réflexion. Arman utilise la résine pour transfigurer le déchet. César, après avoir découvert la compression, fait celle de l’expansion, par le biais de polyuréthane. Raysse exploite la lumière froide du néon.

Les liens avec Dada et les Néo-Dadas ont semblé évident dès le début du mouvement. Pourtant, Yves Klein refuse de revendiquer cet héritage alors que d’autres membres du mouvement s’en inspirent ouvertement. Le clin d’œil à Duchamp est évident lors de la création d’oeuvres telles que celle de Tinglely « Les chiottes », 1960 ; et surtout celle de Spoerri « Hommage à R. Mutt », 1970 qui présente sur un tableau d’affichage les photographies des toilettes fréquentées par l’artiste au cours d’une dizaine de jours.

Le catalogue suit le découpage de l’exposition. Cet ouvrage rend bien compte de l’activité débordante des membres du Nouveau Réalisme. Il apporte sans contexte un plus par rapport à l’exposition en proposant des textes différents de ceux qui accompagnent l’exposition proprement dite. Un véritable travail éditorial est derrière cette publication. La commissaire de l’exposition Cécile Debray a fait appel à pas moins d’une douzaine d’auteurs pour rédiger les textes qui introduisent chacune des parties. On compte parmi eux des historiens de l’art, des critiques d’art, des conservateurs de musées… Tout cela fait que la lecture de cet ouvrage est à recommander aux visiteurs de l’exposition mais aussi à tous les enseignants d’histoire – géographie qui s’intéressent à ce mouvement artistique et à l’histoire de l’art en général. Le Nouveau Réalisme est un mouvement qui peut être évoqué en cours avec des élèves en troisième (La croissance et ses effets) et en terminale (De la société industrielle à la société de communication). A défaut de pouvoir organiser une visite de cette exposition temporaire (les professeurs du secondaire auraient besoin pour cela d’être informés suffisamment tôt de la tenue de ces grandes expositions afin de pouvoir faire voter la tenue de cette sortie par le conseil d’administration de l’établissement), la mise à disposition de ce catalogue au CDI permettrait aux élèves de pouvoir le consulter et ainsi de prendre la mesure de ce mouvement artistique.

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